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Comment devenir enseignant-chercheur ?

Par Catherine Piraud-Rouet | Le | Concours/recrutement

Le recrutement des enseignants-chercheurs (maîtres de conférences et professeurs d’université) repose, depuis près de 40 ans, sur une procédure en deux étapes : la qualification par le Conseil national des universités, puis des concours par établissements. Un déroulé que la récente loi de programmation pour la recherche prévoit de modifier.

A ce jour, le calendrier des recrutements 2021 reste indéterminé  - © CPU
A ce jour, le calendrier des recrutements 2021 reste indéterminé - © CPU

D’après le ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche, en 2019, les enseignants‐chercheurs titulaires représentaient 61 % des 90 730 personnels enseignants de l’enseignement supérieur.

Deux corps distincts

Les enseignants-chercheurs appartiennent à deux corps : les maîtres de conférences (MCF) et les professeurs d’universités (PR). Les premiers constituant les deux tiers de l’effectif. Les titulaires sont des fonctionnaires dont le recrutement (comme leurs systèmes de rémunération et de progression de carrière) sont régis par des dispositions générales de la fonction publique (décret du 6 juin 1984).

« Les professionnels des deux corps ont la double mission d’assurer le développement de la recherche et sa diffusion, par exemple en publiant des articles dans des revues et en faisant des colloques en France et à l’étranger, et de transmettre aux étudiants les connaissances qui en sont issues », explique Jérôme Giordano, secrétaire national du SNPTES chargé des enseignants-chercheurs et des questions relatives à l’enseignement supérieur.

« Sur le plan pédagogique, MCF et PR font le même métier et peuvent enseigner aux mêmes niveaux académiques, du L1 au doctorat. Cependant, le PR avait usuellement à assurer plus de responsabilités (animation d’équipe de recherche, gestion de formation, etc.) que le MCF. Ceci est malgré tout de moins en moins le cas, du fait du tarissement des possibilités de promotions », complète-t-il.

Le CNU, grand ordonnateur du recrutement

Depuis 1984, le recrutement des enseignants-chercheurs passe obligatoirement par le Conseil national des Universités (CNU). Une instance notamment chargée de l’attribution de la qualification aux fonctions universitaires (ou du retrait de celle-ci).

La qualification est, pour les MCF comme pour les PR, l’étape numéro un pour décrocher un poste. Elle est décernée par la ou les sections du CNU correspondant à la discipline du candidat (il existe 52 sections en tout). La qualification est valable quatre ans. La procédure, détaillée dans un arrêté du 5 juillet 2017, varient quelque peu pour l’un et l’autre corps.

Pour les maîtres de conférences

La qualification

Pour postuler, il faut remplir l’une des conditions suivantes :

  • être titulaire d’un doctorat ou d’un diplôme équivalent ;
  • justifier de trois ans d’activité professionnelle effective au cours des six années précédentes, à l’exclusion des fonctions d’enseignant ou de chercheur ;
  • être enseignant associé à temps plein ;
  • être détaché dans le corps des MCF ;
  • appartenir au corps de chargé de recherche ou à un corps de chercheur.

Le dossier de candidature à la qualification comprend notamment une description des activités dans l’enseignement, la recherche, l’administration ou d’autres responsabilités collectives. Il est demandé d’y joindre trois exemplaires de ses travaux.

« Les exigences sont variables d’une discipline à l’autre, mais en matière de recherche, il faut en général avoir déjà publié des articles, pas juste réalisé une conférence, précise Jérôme Giordano. Et sur le plan pédagogique, il est souvent demandé de justifier autour de 64 h heures d’enseignement effectives. »

A noter : sont dispensés de la qualification les candidats exerçant ou ayant exercé depuis moins de 18 mois une fonction d’enseignant-chercheur d’un niveau équivalent à celui d’un MCF dans un établissement d’enseignement supérieur étranger.

Les concours par établissement

Une fois la qualification obtenue, le candidat peut se présenter aux concours de recrutement ouverts dans chaque établissement public d’enseignement supérieur et de recherche (universités, instituts ou écoles), en fonction du ou des postes à pourvoir.

On recense deux campagnes nationales d’affectation, dites « synchronisées » (février, pour une prise de service en septembre et septembre, pour une prise de service en février-mars).

Dans tous les cas, les emplois ouverts se basent sur des fiches de poste. « Chaque département ou laboratoire exprime ses besoins en termes de formation ou de recherche, explique-t-on à Campus Matin au SGEN-CFDT. Chaque fiche de poste est signée par les directeurs de département et de laboratoire, avant de remonter à la présidence de l’université et d’être validée par le conseil académique restreint, qui examine sa cohérence avec la politique scientifique et pédagogique de l’établissement. Une fois validée, la fiche de poste est envoyée sur le portail Galaxie, qui recense tous les postes ouverts avec les profils recherchés ».

Quatre types de concours

Il existe quatre types de concours. Le principal est ouvert aux titulaires d’un doctorat ou d’un diplôme équivalent. Le deuxième s’adresse (toujours sous condition de doctorat) aux enseignants titulaires du second degré en fonction dans le supérieur depuis au moins 3 ans au 1er janvier de l’année du concours et aux pensionnaires ou anciens pensionnaires d’écoles françaises à l’étranger.

Le troisième est réservé aux candidats comptant, à la même date, au moins 4 ans d’activité professionnelle effective au cours des 7 années précédentes (à l’exclusion des activités d’enseignant ou de chercheur), ainsi qu’aux enseignants associés à temps plein.

Le quatrième ciblant, lui, les enseignants titulaires de l’École nationale supérieure d’arts et métiers (Ensam) en exercice depuis au moins 3 ans à la même date et titulaires d’un doctorat.

Un comité de sélection à la composition strictement encadrée

Les dossiers de candidature passent entre les mains des membres d’un comité de sélection composé de 8 à 20 universitaires, majoritairement de la discipline, qui ont été proposés par le président de l’établissement à son conseil académique restreint pour approbation.

Des auditions en trois parties

Chaque candidature fait l’objet d’un examen du dossier, au terme duquel une partie des candidats est retenue pour des auditions. « La sélection est drastique, pointe Jérôme Giordano : souvent ce n’est pas plus d’un candidat sur dix qui est convoqué pour l’entretien. »

Les auditions, généralement d’une durée de 45 minutes par candidat, se présentent sous forme d’exposé, suivi de questions-réponses, avant délibération du jury. Il s’agit, pour les aspirants à la fonction, de se présenter, de dérouler leurs activités passées et de parler de leur projet d’enseignement.

« Il est fortement recommandé aux candidats de prendre contact avec l’environnement local du poste ouvert pour construire au mieux leur projet d’intégration et faire la démonstration de ce qu’ils peuvent apporter à l’établissement, en cohérence avec le besoin exprimé dans le profil du poste », conseille Jérôme Giordano.

Une candidature validée à plusieurs niveaux

A l’issue des auditions, une liste de candidats est publiée, par ordre de mérite. Elle doit être validée par les instances de l’établissement. Le président a un droit de veto et le CA restreint peut intervertir l’ordre du classement. Les MCF sont nommés par arrêté ministériel.

Pour les professeurs d’université

La qualification

Hormis dans les disciplines juridiques, politiques, économiques et de gestion, dont le recrutement peut aussi passer par la voie de l’agrégation, les candidats au professorat doivent également être inscrits sur une liste de qualification établie par le CNU.

Cette inscription est conditionnée soit à l’obtention de l’habilitation à diriger des recherches (HDR), soit à la justification de cinq années d’activité professionnelle, soit à l’association à temps plein, soit au détachement comme MCF, soit à l’appartenance à un corps de chercheurs.

« En pratique, les candidats à un poste de PR doivent avoir à leur actif des encadrements ou un co-encadrement doctoraux, avoir participé à des travaux de recherches d’envergure et/ou occupé des responsabilités administratives ou collectives en laboratoire, souligne Jérôme Giordano. Ce qui nous porte, en moyenne, au plus tôt pas avant cinq ans après la prise de fonctions en tant que MCF ».

Les concours par établissement

Cinq types de concours sont organisés.

  • Le premier est ouvert aux candidats titulaires d’une HDR ou d’un diplôme équivalent.
  • Le deuxième est réservé aux MCF titulaires d’une HDR et ayant accompli, au 1er janvier de l’année du concours, 5 années de service dans l’enseignement supérieur ou chargés à cette date, depuis au moins 4 ans, d’une mission de coopération culturelle, scientifique et technique.
  • Le troisième est réservé aux MCF titulaires de l’HDR ayant accompli 10 années de service (dont 5 en qualité de MCF titulaire ou stagiaire) dans un établissement d’enseignement supérieur à l’étranger au titre d’une mission de coopération culturelle scientifique et technique, ou dans un établissement public à caractère scientifique et technologique.
  • Le quatrième (visant à des nominations comme PR de première classe) est ouvert aux candidats ayant, au 1er janvier de l’année du concours, au moins 6 années d’activité professionnelle effective durant les 9 années précédentes, à l’exclusion des activités d’enseignant ou de chercheur ; aux enseignants associés à temps plein ; aux MCF membres de l’Institut universitaire de France ; à des directeurs de recherche ayant effectué une démarche de mobilité vers l’enseignement supérieur.
  • Le cinquième est ouvert aux MCF et enseignants-chercheurs assimilés titulaires de l’HDR ayant exercé, au 1er janvier de l’année du concours, pendant 4 ans dans les 9 ans qui précèdent, des responsabilités importantes dans un établissement public à caractère scientifique, culturel et professionnel, au titre de directeur de composante ou de service commun. Le reste de la procédure est similaire à celle des MCF (comité de sélection, audition et classement par le conseil d’administration restreint).

À la différence des MCF, les PR sont nommés par décret du Président de la République.

Loi LPR : la fin du monopole du CNU pour la qualification ?

Depuis une dizaine d’années, les recrutements en-dehors des deux périodes officielles, mais « au fil de l’eau », en fonction des besoins des établissements, vont croissants. Objectif : faire face à l’inflation du nombre d’étudiants.

Une évolution qui devrait se renforcer avec la Loi de programmation de la recherche (LPR), qui devrait être promulguée en 2021.

Par ailleurs, la procédure de recrutement devrait connaître une modification substantielle dans le cadre de l’article 5 de la LPR, qui supprime la qualification par le CNU pour les MCF titulaires souhaitant accéder au corps de PR.

L’article introduit en outre la possibilité d’une expérimentation des établissements volontaires, et après autorisation de leur CA, permettant de recruter, pour certains postes, des candidats non qualifiés par le CNU.

Sont concernés les postes publiés au plus tard le 30/09/2024, dans toutes les disciplines à l’exception des disciplines de santé et de celles permettant l’accès au corps des PR par la voie des concours nationaux de l’agrégation.

Le dispositif devrait être encadré par un décret en Conseil d’État et une concertation menée sur le sujet à partir de 2021.

En 2020, une hausse globale de 6 % des postes d’enseignants-chercheurs, mais l’incertitude pour 2021

Le nombre maximum d’emplois d’enseignants-chercheurs à pourvoir jusqu’au 31 décembre 2020 a été fixé par le ministère à 1 971 : 734 emplois de PR et 1 237 emplois de MCF.

Entre juillet 2020 et juillet 2019, la hausse globale est de 6 % (8 % pour les MCF et 3 % pour les PR). En revanche, le taux de postes finalement pourvus a baissé. Il est actuellement de 80,9 % contre 88,7 % en 2019. De 93 % à 86 % pour les MCF et de 81 % à 72 % pour les PR).

Une situation qui serait principalement due aux perturbations occasionnées par la crise sanitaire au déroulement des procédures de recrutement.

« A ce jour, le calendrier de recrutement reste indéterminé, en l’absence de cadrage national, précise-t-on au SGEN-CDFT. On ne connaît pas non plus quel sera le pourcentage de postes qui relèveront de la CNU et ceux relevant du recrutement local.  »

En savoir plus

Calendrier de la campagne de recrutement « synchronisée » 2021.

Calendrier de la procédure d’inscription sur les listes de qualification 2021 aux fonctions de MCF et de PR.

Les textes

Texte de référence : décret n° 84-431 du 6 juin 1984.

MCF

• Voie générale (doctorat) : 1° du I de l’article 26.

• Personnels enseignants titulaires de l’enseignement du second degré et pensionnaires des écoles françaises à l’étranger : 2° du I de l’article 26.

• Concours sur expérience professionnelle : 3° du I de l’article 26.

• Concours enseignants ENSAM : 4° du I de l’article 26.

PR

• Voie générale (doctorat, HDR) : 1° de l’article 46.

• MCF avec expérience de 4 ou 5 ans : 2° de l’article 46.

• MCF avec service de 10 ans dans un établissement supérieur international : 3° de l’article 46.

• Personnes comptant au moins 6 ans d’activité professionnelle dans les 9 ans qui précèdent ; enseignants associés à temps plein ; MCF, membres de l’Institut universitaire de France ; directeurs de recherche ayant enseigné pendant au moins 2 ans dans un établissement d’enseignement supérieur (PR de première classe) : 4° de l’article 46.

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