Dans les coulisses du Cefag, un booster de carrière en sciences de gestion
Par Catherine Piraud-Rouet | Le | Doctorat
Le Centre européen de formation approfondie à la gestion (Cefag) est une pépite où sont passés certains des enseignants-chercheurs les plus en vue de la discipline. L’institution propose un parcours de formation et d’accompagnement doctoral en quatre étapes. C’est aussi un réseau d’anciens tentaculaire et une carte de visite à vie. Campus Matin vous décrypte les arcanes de ce dispositif unique en son genre.
Julien Cloarec, 30 ans, maître de conférences à l’IAE Lyon et à l'Université Jean Moulin Lyon 3, a été à bonne école pour s’orienter vers le Centre européen de formation approfondie à la gestion (Cefag) en 2018. « Mon directeur de thèse était un ancien, ainsi que son propre directeur de thèse ! », sourit-il.
Ce programme de formation et d’accompagnement doctoral, créé par la Fondation nationale pour l’enseignement de la gestion des entreprises (Fnege), est en effet un must pour les meilleurs chercheurs en sciences de gestion.
Offrir aux doctorants un parcours personnalisé et collégial
Ce dispositif unique en son genre est né en 1986 de l’idée de professionnaliser un peu plus la formation pendant la thèse en gestion, tout en favorisant les échanges entre doctorants.
« Une vingtaine d’années avant la création des écoles doctorales (ED), il s’agissait d’y apporter une logique d’équipe, de laboratoire, ainsi qu’une dimension d’internationalisation », retrace Géraldine Schmidt, directrice du Cefag.
Aujourd’hui encore, le dispositif est très complémentaire par rapport à ce qui existe au sein des ED, où les apports demeurent avant tout théoriques et cantonnés à un unique champ disciplinaire (droit, économie, comptabilité, finances, marketing…). D’où des sessions un peu trop généralistes, qui plus est disséminées sur toute l’année, avec des enseignants soumis à une certaine réserve. « Et donc pas forcément adaptées et personnalisées à chaque projet de doctorant », appuie la directrice.
Un dispositif complémentaire aux écoles doctorales
Le Cefag a pris l’exact contrepied. « Les points forts du programme, outre l’aspect interdisciplinaire, sont son intensité de travail sur quelques jours et la relation de proximité avec les intervenants », détaille Julien Cloarec.
Même analyse pour Christelle Aubert-Hassouni, en dernière année de thèse à l’ESCP et à Paris 1 Panthéon Sorbonne, qui a rejoint le Cefag en 2020 après une quinzaine d’années de vie professionnelle comme manager international. « Certes, beaucoup de choses ont déjà été vues en école doctorale, mais dans ce petit cercle fermé, la parole est beaucoup plus libre », estime-t-elle.
Des candidats triés sur le volet
Chaque année, 12 à 14 doctorants sont sélectionnés par un jury national, au terme d’une procédure en deux phases.
Une sélection sur dossier…
Les candidatures sont ouvertes aux inscrits en 2e année de thèse en sciences de gestion dans une école doctorale française. « Nous considérons que c’est à ce stade que les doctorants ont le plus besoin du Cefag : ils sont assez avancés pour qu’il y ait de la matière à discuter et suffisamment en amont de leur soutenance pour pouvoir encore faire évoluer plein de choses », explique Géraldine Schmidt.
Le dossier, très dense, comprend CV, présentation du projet de thèse, résumés ou projets de publications. Il doit être accompagné d’une lettre de motivation expliquant les projets de carrière, d’une lettre de recommandation des directeurs de thèse et de laboratoire, ainsi que de la présentation détaillée d’un projet de séjour de recherche dans un établissement non francophone, assorti d’une preuve d’un bon niveau d’anglais.
« Cette exigence d’avoir déjà beaucoup avancé dans la vision de nos partenariats à la fois scientifiques et internationaux requiert une certaine maturité », commente Christelle Aubert-Hassouni.
Le Cefag reçoit chaque année entre 40 et 50 candidatures. « Chacune est soumise à quatre évaluations au total, dans une recherche d’objectivité maximale. En général on en retient 25, soit environ la moitié, pour l’oral », informe Géraldine Schmidt.
… puis un entretien oral
Les candidats encore en lice doivent fournir une vidéo de trois minutes présentant un projet d’article de thèse ou leur thèse en général. « Il faut être prêt à se remettre en question et faire preuve d’ouverture à l’ensemble des disciplines de la gestion, ainsi que sur l’international », conseille Julien Cloarec. Aucune discipline ni institution n’est privilégiée par le jury.
« Ce qui nous intéresse, c’est la qualité du dossier et le potentiel du candidat et de son projet, ainsi que le bénéfice qu’il pourra tirer du Cefag. C’est pourquoi un doctorant trop brillant ou avancé ne sera pas forcément retenu », pointe Géraldine Schmidt.
Lucie Cortambert, enseignante-chercheuse à l’Esdes Lyon (Cefag promo 2019), peut témoigner de cette ouverture. « Ma thèse portait sur les associations qui font des maraudes au profit des sans-abris : un sujet que je craignais un peu trop à la marge… et qui a pourtant été accepté ! », déclare la jeune femme de 34 ans.
Un programme en quatre phases
Le programme Cefag se décline sous la forme de trois séminaires résidentiels de trois à six jours, animés par des intervenants - des professeurs renommés et/ou des anciens à différents postes. Le parcours s’achève sur un séjour individuel dans une université étrangère. Les séminaires sont pris en charge, dans leur plus grande partie, par la Fnege, qui accorde aussi une bourse de 700 euros pour le séjour à l’international.
Thèse, publication et carrière au cœur des trois séminaires
Le séminaire 1 « La thèse en chantier », centré sur la thèse vise à être un « accélérateur ». « On joue beaucoup sur la réflexivité, avec de nombreux exercices effectués en binômes, expose Géraldine Schmidt. Ce qui ouvre aux doctorants le champ des possibles et les fait beaucoup avancer dans leurs réflexions. »
« Ce séminaire nous éclaire énormément sur le mode de construction d’une thèse, confirme Christelle Aubert-Hassouni. On ressort avec une vision nettement plus construite et élaborée de la tâche qu’il nous reste à fournir. »
Pour Julien Cloarec, l’expérience a constitué un véritable déclic. « Jusque-là, je ne faisais que reproduire ce qui avait déjà été fait, et cet atelier m’a permis de clarifier mon objet de recherche et de réellement me l’approprier », témoigne-t-il.
La plus-value s’est manifestée quelques années plus tard pour Lucie Cortambert… « En prérequis, il fallait lire une thèse primée : l’occasion de se plonger dans ce qui est attendu, savoir bien problématiser son sujet… Et un vrai coup de pouce pour, à mon tour, publier une thèse primée quelques années plus tard ! »
Le séminaire 2 « La publication - la scène et les coulisses » est axé sur les secrets de la publication d’articles dans des revues académiques. « Ce séminaire met à plat et permet de comprendre les règles du jeu de la publication, présente Christelle Aubert-Hassouni. Un exercice à la fois mécanique - car demandant un certain nombre d’automatismes de travail et d’écriture - et stratégique, afin de savoir placer le bon sujet au bon endroit et de la bonne manière. »
Nous y avons vu les dessous des classements « officiels » des revues
Julien Cloarec a apprécié les apports techniques, comme rédiger une introduction, mais aussi les arcanes du marché. « Nous y avons vu les dessous des classements “officiels“ des revues, à savoir les hiérarchies implicites à l’intérieur d’une même catégorie, retrace-t-il. Et appris à faire l’analyse coûts-bénéfice, de manière très pragmatique, entre ce qu’on souhaite publier et ce que les relecteurs attendent comme modifications. »
Le séminaire 3 « Métiers et carrière de l’enseignant-chercheur en sciences de gestion » est orienté insertion professionnelle et carrière. « Y sont abordés le paysage institutionnel : rôle du Conseil national des universités (CNU) sur la gestion de carrière des enseignants-chercheurs ou subtilités de la Loi de programmation de la recherche, détaille Géraldine Schmidt. Nous évoquons aussi les modalités de promotion - comment obtenir la HDR notamment - ainsi que les nouveautés, comme les chaires de professeur junior. »
Christelle Aubert-Hassouni y a trouvé des réponses à ses nombreuses questions. « Issue du milieu des écoles de commerce, je m’interrogeais sur les autres voies, illustre-t-elle. Quels sont les salaires dans le privé ou dans le public, les budgets de recherche dans les différentes institutions, les passerelles de l’une à l’autre, etc. »
Le séjour à l’international
Le parcours se solde par un séjour de recherche d’au moins un mois à l’étranger, la plupart du temps dans une université anglo-saxonne. Un beau tremplin pour des ouvertures inédites, comme en témoigne Lucie Cortambert.
« J’ai fait mon échange à l’étranger en 3e année de thèse, dans le laboratoire de management de l’université de Lancaster, auprès d’une enseignante de renom, auteure d’un ouvrage sur le cadre spatial des associations. Ce qui m’a donné l’occasion unique de co-écrire un article avec elle. »
Les ateliers de Thésée : « céfagiens » un jour, « céfagiens » toujours
En 36 ans d’existence, le Cefag est devenu une communauté tentaculaire, avec plus de 560 « Céfagiens » prestigieux, au nombre desquels on compte notamment Frank Bournois, directeur général de l’ESCP, ou l’universitaire devenu député Patrick Hetzel (LR, Bas-Rhin). Des anciens qui poursuivent leurs échanges bien au-delà du programme de formation, au travers notamment des « ateliers de Thésée ».
Un réseau qui leur permet de se rencontrer régulièrement et de partager les avancées de leurs travaux, au travers d’événements, aujourd’hui menés sous format hybride. « Le tout, dans une atmosphère toujours très conviviale et des échanges académiques très riches », note Christelle Aubert-Hassouni, présidente des ateliers de Thésée. Des atouts humains, mais aussi professionnels.
« La reconnaissance entre pairs joue vraiment sur les recrutements et les collaborations de recherche, ajoute-t-elle. En clair, en plus d’être une super carte de visite, le Cefag est un vrai booster de carrière. »
Julien Cloarec, chargé d’une étude d’insertion des docteurs pour la Fnege, confirme : « Sur la décennie 2010-2020, tous les “céfagiens“ ont trouvé un poste, ce qui n’est pas forcément le cas pour l’ensemble des doctorants en stratégie, un champ disciplinaire de la gestion où l’on trouve le plus fort effectif de soutenances, pour au plus cinq postes par an à l’université. Autre constat : un lien direct entre passage par le Cefag et prix de thèse. »