Chief happiness officer dans une école d’ingénieurs pendant deux ans, elle raconte
Par Isabelle Cormaty | Le | Management
Pendant deux ans, l’école d’ingénieurs Efrei Paris a compté parmi ses salariés une chief happiness officer, en charge du bien-être des personnels, des étudiants et des enseignants. Son rôle : élaborer une culture de travail positive, rappeler le sens du travail et favoriser les liens entre les différents services pour casser les silos. Rencontre.
Veiller au bien-être des salariés, telle est la mission des chief happiness officer (CHO), littéralement « responsables du bonheur ». Loin de concerner uniquement les start-up, d’autres organisations disposent également de cette fonction au sein de leurs équipes…
Et parmi elles, (au moins) un établissement d’enseignement supérieur ! Rencontre avec Anne Edvire, chief happiness officer de l'Efrei Paris pendant deux ans et désormais directrice « expérience étudiante » de l’école d’ingénieurs.
Rappeler le sens du travail et mettre de l’huile dans les rouages
Une création de poste après la fusion de deux écoles
Apparu au début des années 2000, le concept de chief happiness officer (CHO) est né aux États-Unis dans la Silicon Valley. C’est l’entreprise Google qui dispose du premier responsable du bonheur dans son entreprise. La fonction a ensuite été importée outre-Atlantique une dizaine d’années plus tard, d’abord dans les start-up, puis dans les grands groupes.
Le poste d’Anne Edvire, rare dans le monde de l’enseignement supérieur, a été créé en 2018 dans un contexte particulier pour l'Efrei Paris. L’école d’ingénieurs située à Villejuif est le fruit de la fusion en 2017 de deux établissements, l’Efrei et l’Esigestel. « J’ai été recrutée pour créer du lien entre les salariés de ces deux écoles », commence Anne Edvire, CHO de l’établissement depuis novembre 2018 et également enseignante en entrepreneuriat et en design thinking.
Une fonction transverse à la frontière de la communication et des RH
À cheval entre les ressources humaines et la communication interne, la chief happiness officer de l’Efrei Paris s’adresse à la fois aux personnels de l’établissement, aux étudiants et aux enseignants, vacataires comme titulaires. Elle se définit ainsi comme « une facilitatrice de projets », une « personne ressource » auprès de ces publics.
« Je dépends directement du directeur général, et je n’ai pas d’équipe. J’ai donc un rôle transverse dans les services, mais je n’ai d’autorité sur personne, souligne Anne Edvire. Je suis l’huile dans les rouages. Mon rôle est également de rappeler le sens du travail, car les salariés travaillent volontiers quand ils savent que ce qu’ils font a du sens. »
Une multitude d’actions pour favoriser le bien-être
Moments de cohésion d’équipes, événements…
Depuis son arrivée à l’Efrei Paris, Anne Edvire a mis en place diverses actions pour créer du lien entre les personnels de services différents. Elle a notamment créé des « breakfast info », un moment organisé à distance l’an dernier en raison de la crise sanitaire.
« J’organise une fois par mois un petit-déjeuner avec des rubriques. Il y a des quizz avec des lots à gagner, la présentation en images de l’actualité des services. Certains présentent leur métier, nous fêtons également les anniversaires du mois et souhaitons la bienvenue aux nouveaux arrivants. Je fais aussi une fresque du parcours étudiant pour rappeler le sens de notre travail », détaille-t-elle.
Favoriser le bien-vivre ensemble
« Avant la crise sanitaire, nous avons réfléchi avec des personnels, des enseignants et des étudiants sur le bien vivre ensemble, poursuit la chief happiness officer. Nous avons identifié des irritants. » Comprenez : tout ce qui dysfonctionne sur le campus de l’école.
Une fois le constat posé, quatre groupes de travail ont été constitués. « J’ai participé à ces groupes, mais je n’ai jamais été cheffe de projet. Je suis une facilitatrice, je ne cherche jamais à imposer quoi que ce soit », précise Anne Edvire.
Parmi les actions qui ont découlé de cette réflexion, l’affichage des sanctions prises après des conseils de discipline. « Nous avons des élèves jeunes qui sortent tout juste du lycée. Il est bon de montrer que le plagiat est sanctionné par exemple », ajoute-t-elle.
L’Efrei Paris a par ailleurs lancé l’an dernier un concours d’idées ouvert à toute sa communauté pour faire connaître ses valeurs. C’est un groupe de quatre étudiants qui l’a remporté avec son projet de mosaïque représentant la chouette, mascotte d’Efrei Paris. L’œuvre inaugurée le 9 septembre est maintenant en place sur l’une des façades de l’établissement.
Bien communiquer avec les étudiants
Nommée directrice expérience étudiante depuis la rentrée 2021, Anne Edvire n’exerce plus comme chief happiness officer, mais intègre certaines activités passées dans ses fonctions actuelles. « J’ai compris que j’avais fait mon travail quand les personnels m’ont fait confiance », confie-t-elle en souriant.
Dans la lignée de ses missions précédentes, elle mène actuellement un autre projet, celui de bien communiquer avec les étudiants. « Nous avons classifié les irritants, et mis en place des groupes de travail », explique-t-elle. Son projet se concentre en quatre axes principaux :
- établir un plan de communication clair pour identifier qui communique aux étudiants et à quelle fréquence ;
- présenter les informations des différents départements de manière homogène ;
- faire participer les étudiants de l’Efrei à la vie démocratique de l’école ;
- créer une application de ticketing pour faire remonter les besoins et les problèmes des étudiants.
Quel est le parcours d’Anne Edvire ?
Titulaire d’un master en stratégie marketing de l'Institut supérieur du commerce de Paris, Anne Edvire a effectué la majorité de sa carrière dans des entreprises privées où elle exerce plusieurs fonctions comme directrice marketing.
En 2013, elle reprend des études à l'IAE de Paris. « Durant mon MBA, j’ai découvert les notions d’intrapreneuriat et d’innovation managériale », se souvient-elle. Puis elle devient consultante en innovation et enseigne le design thinking dans des écoles de commerce.
C’est en novembre 2018 qu’elle intègre l’enseignement supérieur à l’Efrei comme chief happiness officer. Anne Edvire a également coécrit des livres sur le bonheur au travail.