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Edtechs : la formation en santé et les compétences psychosociales trouvent la voie du Nord

Par Isabelle Cormaty | Le | Edtechs

La Fondation Denise et Norbert Ségard et l’association régionale EdTech Hauts-de-France ont remis le 7 décembre les prix de l’entrepreneur edtech à deux fondateurs de start-up spécialisées dans les technologies pour l’éducation respectivement dans la formation en santé et dans les compétences psychosociales des enfants : Mehdi Imouloudene (Simaptic) et Iris Singer (Zamizen).

La remise des prix s’est déroulée le 7 décembre à l’école d’ingénieurs Junia, à Lille. - © D.R.
La remise des prix s’est déroulée le 7 décembre à l’école d’ingénieurs Junia, à Lille. - © D.R.

Mettre en lumière des entrepreneurs et des intrapreneurs (salariés qui portent un projet innovant au sein de leur entreprise) qui cherchent à transformer le paysage de l’éducation ou de la formation professionnelle grâce à l’innovation technologique.

Tel est l’objectif du Prix de l’entrepreneur edtech lancé en 2022 par la Fondation Denise et Norbert Ségard et l’association EdTech Hauts-de-France.

Charlotte Brun, adjointe au maire de Lille, chargée de la ville éducatrice et de la ville à hauteur d’enfant, est la marraine de cette édition.

Après avoir récompensé Aude Guéneau (Plume), Muriel Colagrande (OVAOM) et Rachid et Nordine Taftaf (SchoolMed) lors de la première édition, le jury a cette année décerné deux prix lors d’une cérémonie organisée à l’école d’ingénieurs lilloise Junia le 7 décembre. Mehdi Imouloudene (Simaptic) remporte le grand prix de l’entrepreneur edtech, tandis que le prix coup de cœur du jury est attribué à Iris Singer (Zamizen).

Mehdi Imouloudene, grand prix de l’entrepreneur edtech

Mehdi Imouloudene remporte le grand prix de l’entrepreneur edtech 2023. - © D.R.
Mehdi Imouloudene remporte le grand prix de l’entrepreneur edtech 2023. - © D.R.

C’est donc au médecin urgentiste Mehdi Imouloudene que revient le prix principal, accompagné d’un chèque de soutien de 8 000 €. L’entrepreneur a créé en septembre 2022 Simaptic, une société spécialisée dans les formations immersives en santé et hébergée à Eurasanté dans la banlieue lilloise.

Sa start-up edtech s’est lancé un défi : moderniser la formation aux gestes et soins d’urgence, obligatoire tous les quatre ans pour les professionnels de santé en mettant les avancées technologiques au service de la pédagogie. 

« Ce projet est né d’un constat que j’ai fait tout au long de mes études et de ma carrière à l’hôpital : les formations ne sont pas assez immersives pour permettre aux professionnels de santé d’acquérir tous les réflexes dont ils ont besoin », raconte Mehdi Imouloudene.

La formation conçue par Simaptec combine casque de réalité virtuelle et mannequins traditionnels dotés de capteurs de pression et de position afin de reproduire un environnement visuel et sonore réaliste qui peut être un parc, un quai de métro…

« Nous tenons compte du matériel pédagogique obsolète que nous optimisons avec l’immersion. Notre produit se positionne comme une alternative entre une formation peu coûteuse, mais basique et une offre immersive, aussi chère que compliquée d’accès », poursuit-il.

Une vingtaine de centres en France sont en effet équipés de mannequins dits « haute fidélité », bourrés de capteurs, mais peu transportables et coûteux.

Une bourse de Bpifrance obtenu en 2023

La société a obtenu cette année une bourse French Tech Emergence de Bpifrance, qui soutient des petites entreprises deeptech à haut potentiel de croissance. En plus de son fondateur, l’entreprise compte à ce jour deux employés en CDI et trois alternants.

Après la formation aux gestes et soins d’urgence, Mehdi Imouloudene espère développer d’autres formations en santé avec différentes mises en situation.

« Le marché est assez important. Notre produit s’adresse aux hôpitaux, aux centres d’enseignement des soins d’urgence qui s’occupent de la formation des professionnels de santé, aux étudiants en médecine et pourquoi pas au grand public », détaille-t-il.

Le coup de cœur du jury décerné à Iris Singer de Zamizen

Iris Singer est la directrice générale de Zamizen, entreprise qu’elle a cofondée en 2018.  - © D.R.
Iris Singer est la directrice générale de Zamizen, entreprise qu’elle a cofondée en 2018. - © D.R.

Le coup de cœur du jury revient à Iris Singer, directrice générale et cofondatrice de la edtech rochelaise Zamizen. Elle remporte un chèque de soutien de 4 000 €.

Créée en 2018, l’entreprise propose une méthode pour apprendre aux élèves à bien vivre avec leurs émotions de la petite section de maternelle à l’entrée en sixième. Pour ce faire, la société a développé des histoires, des chansons et des jeux d’attention qui peuvent être utilisées à la maison, par les enseignants en classe ou les animateurs en périscolaire. Mascotte de la société, le chat Voltaire accompagne les activités.

« Ce projet est né à l’école Claude Nicolas de La Rochelle, où les enfants passaient d’un établissement classé REP + à un collège qui ne l’était pas. Les enfants y étaient stigmatisés. Nous avons travaillé pendant deux ans avec l’équipe pédagogique de l’école pour construire un programme », se souvient Iris Singer.

25 grandes villes comme Lille, Roubaix et Tourcoing proposent Zamizen dans leurs écoles, ce qui représente 450 classes utilisatrices. La start-up commercialise également ses produits dans des pays francophones : en Belgique, en Suisse, et dans la région de Québec au Canada. Et elle projette de traduire son programme en anglais.

« La version périscolaire lancée en mars dernier fonctionne très bien,  plus de 300 animateurs l’utilisent. Les villes ont des difficultés à recruter des animateurs. Certains arrivent dans des quartiers difficiles avec parfois le Bafa comme seule expérience. Il est important de se sentir armé pour pouvoir accueillir la parole des enfants. Nous leur proposons des activités sur-mesure et les formons à la prise en main », indique l’entrepreneuse. 

D’après sa dernière étude d’impact 2022/2023 , 86 % des enseignants considèrent que Zamizen aide à mieux gérer l’attention des élèves.

« Quand nous avons commencé Zamizen en 2018, personne ne parlait des compétences psychosociales. La première circulaire interministérielle sur le sujet date de 2022. C’est important de commencer très tôt l’apprentissage des compétences psychosociales, dès la petite section de maternelle, car il est possible de prévenir le harcèlement, par exemple. Après, les élèves sont également très occupés par d’autres apprentissages comme lire, écrire, compter », explique la directrice générale de Zamizen.

Un projet soutenu par l’éducation nationale

Zamizen a vu le jour à l’école Claude Nicolas de La Rochelle, classée REP+. - © D.R.
Zamizen a vu le jour à l’école Claude Nicolas de La Rochelle, classée REP+. - © D.R.

Zamizen a obtenu la labellisation édu-up du ministère de l’éducation nationale en septembre 2022. Cela lui a permis de développer une application qui a fait l’objet d’une étude sur la réduction du stress des enfants en situation de soin chronique.

La start-up a par ailleurs participé en 2022 au programme d’accélération Passerelles porté par la Banque des Territoires et Makesense pour les edtechs à impact. Et elle figurait parmi les dix finalistes de l’édition 2023 des Global edtech start-up awards

L’entreprise de l’économie sociale et solidaire travaille avec les enseignants et les psychologues scolaires pour concevoir ses produits. « Nous fonctionnons dans une logique de laboratoire. Les enseignants intéressés s’inscrivent et testent nos nouvelles activités entre 15 jours et un mois avant de nous faire un retour », poursuit-elle. 

Qui étaient les quatre autres finalistes de ce prix ?

Outre Iris Singer et Medhi Imouloudene, le jury a également reçu à l’oral quatre autres entrepreneurs finalistes :

Anne-Sophie Dulong, à l’origine de Babaoo, un jeu vidéo neuroéducatif destiné aux enfants de plus de sept ans. Le jeu leur permet de découvrir et entraîner des facultés de leur cerveau : l’attention, le contrôle inhibiteur, la mémoire de travail, la flexibilité et la planification.

Marianne Joly, la cofondatrice de Corneille, une plateforme éducative accompagnant les enfants de 3 à 8 ans dans l’apprentissage de la lecture grâce à des activités et des livres interactifs.

Minashe Selvam, qui a cofondé Cantoo, une plateforme spécialisée dans l’accompagnement des élèves souffrant de troubles dys grâce à l’IA notamment. 

• et Yann Regard, directeur des études de l’Institut régional du travail social des Hauts-de-France qui conçoit des immersions professionnelles virtuelles dans les métiers du social pour les jeunes et personnes en reconversion.