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[Tribune] Sommet IA : après les annonces, place aux actes !

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Après le Sommet international pour l’action sur l’intelligence artificielle accueilli à Paris les 10 et 11 février, la déléguée générale d’EdTech France, Orianne Ledroit dresse pour Campus Matin le bilan des avancées pour le secteur de l’éducation et appelle les pouvoirs publics à se saisir du sujet pour mettre l’IA au service de la performance éducative.

La France a accueilli les 10 et 11 février 2025 le Sommet pour l’action sur l’IA au Grand Palais. - © Judith Litvine/MEAE Judith Litvine/MEAE
La France a accueilli les 10 et 11 février 2025 le Sommet pour l’action sur l’IA au Grand Palais. - © Judith Litvine/MEAE Judith Litvine/MEAE

Le Sommet pour l’action sur l’IA vient de s’achever. J’ai eu la chance, au nom de EdTech France, de collaborer avec des universitaires, des enseignants, des entrepreneurs (et plein d’autres) pour mener à bien un défi : mettre l’IA au service de la performance éducative.

Sous la nef du Grand Palais, nous avons valorisé l’excellence de la recherche et de l’entrepreneuriat français ainsi que la force de la collaboration de ces deux écosystèmes réunis autour d’une ambition claire : utiliser de manière responsable la puissance des IA pour personnaliser et massifier l’apprentissage.

Nous avons :

  • livré un RAG (génération augmentée par récupération) dédié à l’enseignement (le RAGaRenn développé par l’Université de Rennes) ;
  • publié un cadre d’usages des IA génératives dans les universités qui s’appuie sur 4 principes fondamentaux : la curiosité, la transparence, la précaution et la parcimonie ;
  • initié une démarche collective en faveur de l’évaluation des IA pour donner confiance aux acteurs de l’éducation et aux élèves et favoriser le déploiement d’outils fiables et utiles.

Pour accompagner une vraie appropriation collective des IA au service des apprentissages. Car tel est bien l’enjeu principal.

Une technologie qui interroge le rôle de l’école et l’université

L’éducation est sans doute le secteur où l’ambivalence des technologies d’IA est poussée à son paroxysme, mais c’est aussi le secteur qui détient en lui-même la solution.

D’une part, l’accélération progressive des usages des IA par les élèves, étudiants, professionnels questionne toutes les institutions de l’apprentissage : l’école, l’université, la formation professionnelle tout en confirmant leur rôle essentiel.

Orianne Ledroit est déléguée générale de l’association EdTech France depuis juin 2023.  - © D.R.
Orianne Ledroit est déléguée générale de l’association EdTech France depuis juin 2023. - © D.R.

Les apprenants interrogent la place de ces institutions alors que les réponses paraissent aisément accessibles et les compagnons virtuels disponibles pour accompagner.

Les pratiques des professionnels de l’éducation sont bouleversées : comment mon rôle évolue face aux outils de mes élèves ? quelles modalités d’évaluation dois-je privilégier ? comment se former aux IA ? quelles limites fixer à ces usages ? comment garantir que mon expertise est bien à jour ? Toutes ces questions auxquelles ces professionnels font face alors que leur rôle est toujours central.

Personnaliser en massifiant

D’autre part, les IA sont des opportunités inédites pour relever le défi clé de l’apprentissage : personnaliser en massifiant ou massifier en personnalisant. C’est-à-dire prendre en compte les facilités comme les difficultés, les rythmes d’apprentissage, les centres d’intérêt, les disponibilités de chaque apprenant, quel que soit son âge pour s’y adapter - on parle de différenciation.

Cela, tout en passant à l’échelle, en démultipliant, en déployant. C’est le fameux coût marginal nul de la technologie (ça coûte quasiment la même chose pour 1 apprenant que pour 100, 1000, 10 000 et plus).

Des postures à dépasser

L’innovation technique ne s’impose pas à tous

Dépasser cette ambivalence suppose de mettre à distance l’imaginaire technosolutionniste qui irrigue encore trop ces grands rendez-vous de la tech. Les « keynotes » et les postures parfois outrancières de certains patrons l’ont clairement montré. Non, l’innovation technique ne s’impose pas à tous, naturellement. Elle n’est pas non plus une solution miracle.

Dépasser cette ambivalence suppose également de pas céder à la posture technocritique « triste et arc-boutée sur des vieilles valeurs humanistes » (Alain Damasio) qui, parce qu’elle se contente de juger, ne permet ni de penser ni d’avancer. Non, en l’état, il n’est pas raisonnable de tout arrêter et de prendre le temps avant de décider.

Dépasser cette ambivalence exige d’avancer sur un chemin dont les fondations sont l’éducation et la formation, de toutes et tous, à tout âge et tout au long de la vie. Gilbert Simondon, remarquable philosophe français des techniques, disait très justement que plus l’objet technique est perçu comme une boîte noire d’entrées et de sorties, et plus l’homme qui l’utilise lui est aliéné.

Les solutions sont là, disponibles, dans nos mains (ou presque)

Ces solutions sont là. Des ateliers qui favorisent la découverte des technologies et leur appropriation dès le plus jeune âge. Des logiciels éducatifs fiables pour mieux apprendre et consolider les compétences fondamentales des élèves et étudiants. Des parcours pédagogiques pour former efficacement des apprenants de tous âges aux compétences et aux métiers de l’IA.

Les solutions sont - en fait - presque déjà dans nos mains. Mais ce « presque » fait toute la différence. Charge à celles et ceux qui veulent que la France compte en matière d’IA de s’en saisir pour soutenir leur développement et faire en sorte qu’elles déploient leur pleine puissance, dès à présent, au service de nos élèves, étudiants, apprenants et salariés. Au service de la France et de l’Europe.