Vie des campus

À l’université, rassembler autour de la musique

Par Antoine Bovio | Le | Expérience étudiante

Des étudiants, enseignants et personnels mélomanes en rêvent parfois : depuis la rentrée universitaire 2023, l’Université Paris Cité a son propre chœur et son orchestre. Campus Matin vous raconte la genèse de ce projet.

Une centaine de personnes ont assisté au premier concert de l’orchestre et du chœur de l’UPCité. - © Université Paris Cité
Une centaine de personnes ont assisté au premier concert de l’orchestre et du chœur de l’UPCité. - © Université Paris Cité

L’Université Paris Cité dispose, depuis huit mois, d’un orchestre et d’un chœur.  Personnels administratifs, enseignants-chercheurs et étudiants s’y côtoient lors des répétitions. « C’est une des vertus de cette activité : cela crée des relations particulières, et renverse les hiérarchies habituelles du cadre universitaire », souligne, trompette à la main, Francis Lebon. Campus Matin a rencontré cet enseignant-chercheur en sciences de l’éducation et musicien depuis 30 ans, lors d’une répétition, le 28 mars 2024. 

Dans les coulisses de la création d’un orchestre et d’un chœur universitaire

Tout commence en janvier 2023. Au détour d’une réunion et à la demande de l’ancienne présidente de l’Université Paris Cité, Christine Clerici, tous les vice-présidents présentent un projet à mener dans l’année à venir. Le vice-président étudiant, Youcef Kadri, y partage sa volonté de créer un chœur et un orchestre au sein de l’université. 

Également présent, Antoine Cazé, professeur des universités au sein de l’UFR d’études anglophones et alors vice-président chargé des relations internationales et dirigeant de chœur depuis 35 ans, saisi la balle au rebond et propose ses services. « Je lui ai dit que c’était comme une deuxième vie à côté de ma vie professionnelle. Je me consacre intensément à cette activité », raconte-t-il dans notre échange face à face, assis sur le bureau de l’amphithéâtre Binet en amont de la répétition.

Antoine Cazé (à gauche) et Nicolas Kuszla (à droite) ont lancé en septembre 2023, l’orchestre et le chœur d’UPCité. - © Antoine Bovio
Antoine Cazé (à gauche) et Nicolas Kuszla (à droite) ont lancé en septembre 2023, l’orchestre et le chœur d’UPCité. - © Antoine Bovio

Il n’en faudra pas plus pour que le projet prenne forme. Dès mars 2023, l’Université Paris Cité lance un appel à manifestation d’intérêt via sa newsletter, où les membres de l’université peuvent indiquer s’ils souhaitent participer au futur orchestre, au chœur ou aux deux. Le formulaire récolte près de 350 réponses, dont celle de Nicolas Kuszla, doctorant au sein du laboratoire « matière et systèmes complexes » rattaché au CNRS et à l’Université Paris Cité.

Initialement partant pour être instrumentiste, il comprend en discutant avec Youcef Kadri que ce dernier recherche quelqu’un pour diriger l’orchestre. Déjà fondateur de l’orchestre d’harmonie interuniversitaire de Paris Ossia, où il est directeur musical depuis quatre ans, il n’hésite alors pas à accepter ce rôle. 

Un noyau élargi grâce à la communication d’UPCité

Au terme de plusieurs mois d’attente, les premières répétitions ont lieu au début du mois d’octobre 2023.

Les chanteurs ont démarré avec une quinzaine de personnes, des étudiants, personnels et enseignants-chercheurs, avant de connaître une nouvelle vague d’arrivées début janvier. 

« Le service culture de l’université a inscrit l’activité dans les ateliers qu’elle propose aux personnels et aux étudiants. Nous avons eu jusqu’à une quarantaine de personnes au pic. Il y a aujourd’hui un noyau d’une trentaine de personnes », explique Antoine Cazé.

Du côté des instruments, ce sont sept personnes qui forment l’orchestre initial au premier semestre. La communication de l’université a permis, au fil des mois, de dépasser les 20 membres. Un effectif qui ne permet pas encore de toucher au répertoire symphonique, mais de réaliser d’autres types de productions comme de la musique de chambre. 

Un dispositif accessible à tous

L’orchestre et le chœur de Paris Cité sont ouverts à tous les niveaux et leurs accès sont entièrement gratuits pour sa communauté. - © Antoine Bovio
L’orchestre et le chœur de Paris Cité sont ouverts à tous les niveaux et leurs accès sont entièrement gratuits pour sa communauté. - © Antoine Bovio

L’initiative, gratuite, est ouverte à tous les niveaux, sans sélection, que ce soit pour rejoindre le chœur ou l’orchestre. Il faut cependant quelques bases pour ce dernier : « Les musiciens doivent savoir lire une partition », précise Nicolas Kuszla.

Pour Francis Lebon, rejoindre le projet a permis de reprendre la musique à proximité de son lieu de travail. « Cela faisait bien quatre ans que je ne jouais presque plus, c’était l’occasion ! J’ai mon bureau juste à côté sur ce site, c’est quand même très pratique ».

Suzanne est arrivée la première, en avance, à cette répétition du jeudi munie de son violon. Étudiante de troisième année en licence de biologie, elle mêle ses deux passions dans les murs de son université : « Cela faisait longtemps que je cherchais un orchestre. Le chœur m’intéressait aussi. »

Une pénurie de voix d’hommes dans les chœurs, un effet culturel ?

Depuis de nombreuses années, les chœurs de l’Hexagone se retrouvent confrontés à une pénurie de choristes masculins. Une problématique que rencontre le chef du chœur de l’Université Paris Cité, Antoine Cazé, et qui a des origines culturelles selon lui.

« Au Pays basque et dans toutes les régions de montagne, il y a des chœurs d’hommes. Mais globalement, dans la culture de la chorale française, il y a un pourcentage d’hommes réduit, un blocage général. Nos voisins en Allemagne, en Belgique, en Scandinavie, ont moins de problèmes pour avoir des voix d’hommes ».

La situation est peut-être aussi générationnelle. « Il y a moins en moins de jeunes qui chantent dans les chœurs amateurs, car on les trouve plutôt dans le cadre des conservatoires. »

Des répétitions séparées qui requièrent de l’assiduité

Chaque semaine, orchestre et chœur se réunissent séparément. « Les chanteurs et les instrumentistes ne se connaissent pas et doivent apprendre à jouer ensemble. Il faut parvenir à faire un son qui ait une certaine cohérence. Et cela se travaille plutôt séparément », explique Antoine Cazé. Des répétitions communes sont cependant organisées à l’approche de concerts.

L’assiduité est une des clés pour atteindre les ambitions artistiques du petit groupe. Particulièrement à l’approche du premier concert, le 20 décembre 2023, organisé en seulement deux mois. « J’utilise souvent l’image du sport. Un chœur, c’est comme une équipe de foot : si tous les joueurs ne viennent pas à l’entraînement, nous perdons le match », image le chef de chœur. 

Néanmoins, pour ce projet qui relève de la pratique amateur de la musique dans un cadre de loisir, les deux organisateurs ont bien conscience qu’ile ne peuvent pas exercer de réelle pression en cas d’absence et comptent sur la « responsabilité de chacun vis-à-vis de l’ensemble ».

L’orchestre dirigé par Nicolas Kuszla se réunit tous les jeudis à l’amphithéâtre Binet au campus Saint-Germain-des-Prés. - © Antoine Bovio
L’orchestre dirigé par Nicolas Kuszla se réunit tous les jeudis à l’amphithéâtre Binet au campus Saint-Germain-des-Prés. - © Antoine Bovio

Les axes d’amélioration identifiés 

Alors que l’année universitaire approche de son terme, plusieurs pistes d’amélioration ressortent. 

Si l’orchestre est satisfait d’avoir un amphithéâtre pour ses répétitions, un autre besoin émane. « Nous aimerions avoir un espace pour stocker du matériel. Les gens viennent avec leurs pupitres et leurs instruments », évoque Nicolas Kuszla, prêt à monter sur l’estrade d’un amphithéâtre qui fait office de scène pour diriger la répétition du soir.

Diversifier les répertoires

Autre inconvénient relevé, l’obligation de se cantonner pour l’instant à des œuvres du domaine public. 

 « Il faut pouvoir soit acheter une partition récente et protégée, soit photocopier une œuvre libre de droit. Pour le moment, nous avons fait avec nos propres moyens. C’est normal quand les choses commencent à se créer. Maintenant qu’elles sont plus installées, nous espérons pouvoir demander davantage de moyens à l’université », souligne Nicolas Kuszla. 

S’étoffer en instruments et en effectifs pour pousser les ambitions

Bien qu’il y ait déjà eu une progression du nombre de participants depuis le début de l’année, il est encore nécessaire d’étoffer les pupitres de l’orchestre et du chœur.

Le répertoire symphonique ne nécessite pas forcément de beaucoup d’instruments à vent, mais le saxophoniste de métier Nicolas Kuszla n’est pas contre devant leur venue dans ses rangs. 

Représenter l’université 

L’automne dernier, Antoine Cazé et Nicolas Kuszla ont entamé des démarches pour donner un statut associatif à leur chœur et orchestre.

« Nous avons commencé par être dans l’action en organisant ce concert en décembre où il y avait une centaine de personnes dans le public. Cela suscite un certain intérêt. Nous avons des effectifs qui sont raisonnables pour un démarrage. Nous pouvons passer à la phase deux et je pense que nous avons le soutien de notre université pour le faire », annonce Antoine Cazé.

Il évoque l’ambition ultime à long terme du chœur et de l’orchestre : « Représenter artistiquement l’Université Paris Cité pour ses manifestations musicales. » Cela pourrait commencer au début de l’été, avec une possible prestation lors de la cérémonie de remise des diplômes de doctorat.