Vie des campus

Les contours de la rentrée 2020 se dessinent dans les universités et grandes écoles

Par Théo Haberbusch | Le | Expérience étudiante

Depuis le discours du président de la République annonçant la réouverture immédiate de tous les établissements scolaires, la donne change aussi sur les campus, en vue de la rentrée cette fois. Chacun se prépare donc, avec parfois des options différentes, alors que les recommandations ministérielles aux universités et grandes écoles devraient encore s’assouplir.

Des choix différents selon les établissements pour la rentrée alors que les consignes évoluent - © Conférence des présidents d’université - Université de Bordeaux
Des choix différents selon les établissements pour la rentrée alors que les consignes évoluent - © Conférence des présidents d’université - Université de Bordeaux

« Une rentrée qui ne ressemblera à aucune autre » : Delphine Manceau, la directrice générale de Neoma Business School, résume bien le sentiment partagé par l’ensemble des établissements du supérieur. Le mois de septembre et le retour de leurs étudiants, écoles et universités s’y projettent déjà, mais elles sont loin d’y voir clair.

Tous les établissements envisagent trois scénarios, plus ou moins favorables, allant du retour à la normale dans les salles et les amphis, jusqu’à un nouveau confinement, en passant par une reprise en présentiel, mais avec des restrictions sur le nombre d’étudiants qu’ils pourront accueillir.

Des choix différents selon les établissements 

Dès le 12 mai, Sciences Po optait pour une rentrée organisée sur un « double campus », numérique et physique. Les 14 000 étudiants accéderont à la totalité des contenus pédagogiques en ligne et profiteront d’activités en petits groupes sur les sept campus de l’établissement. 

À Neoma, la décision a été prise de mettre en place 60 % de cours en présentiel et 40 % en distanciel pour le programme « grande école ». Fort des quelques 4 900 classes virtuelles organisées pendant le confinement, l’école peut voir venir la rentrée sur ses campus. C’est du côté de la mobilité de ses étudiants à l’étranger que le challenge est le plus important puisqu’ils étaient 1000 à devoir partir à la rentrée.  Au total, 65 % des départs sont maintenus, indique l’école.

La majorité des écoles d’ingénieurs envisagent un mélange de présentiel et de distanciel, rapporte Florence Dufour, directrice de l'EBI (Ecole de biologie industrielle) et membre de la Cdefi. Les enseignements magistraux, en synchrone et en asynchrone, auront ainsi lieu à distance. Et le travail collaboratif, la « remédiation », les TD, TP et projets se feront sur place.

Limiter la capacité d’accueil à 20 % de la normale

À l'Université de Franche Comté le président Jacques Bahi n’a pas attendu le cadrage ministériel pour avancer. À l’issue d’un travail collectif, il a opté pour limiter la capacité d’accueil à 20 % de la normale. Un choix qui a fait tousser certains syndicats, mais qui se veut « pragmatique », se défend-t-il. Surtout qu’il doit être décliné pour chaque unité d’enseignement pour déterminer ce qui doit être dispensé en présentiel ou à distance. 

Les trois universités normandes (Caen, Le Havre et Rouen) affichent leur volonté d’accueillir le maximum d’étudiants en présentiel, sans reculer les dates de la rentrée. Une approche qui passe, à Rouen par exemple, par le dédoublement des cours en amphi. Au Havre, l’établissement mise aussi sur un accompagnement des étudiants de première année renforcé et en petits groupes. Des efforts qui appellent à un appui financier de la part de l’Etat, prévient Pascal Reghem, président de l’université.

Quant à l'Université Lumière (Lyon 2), elle a pris les devants en annonçant prévoir une rentrée en présentiel, « si l’amélioration se poursuit et que les conditions sanitaires le permettent », et en renvoyant les détails à une communication ultérieure.

Accueil des étudiants étrangers : l’éclaircie

Un grand ouf de soulagement à l’orée du week-end ! C’est ce qu’ont provoqué vendredi dernier, le 12 juin, Jean-Yves Le Drian, ministre de l’Europe et des Affaires étrangères, et Christophe Castaner, son homologue de l’Intérieur.

Ils ont en effet annoncé la réouverture des frontières et que les étudiants internationaux seraient autorisés, « quel que soit leur pays d’origine », à venir en France. Les modalités de leur accueil seront facilitées et leurs demandes de visas et de titres de séjour traitées en priorité

Les établissements privés et les écoles d’ingénieurs s’étaient fait entendre à plusieurs reprises pour alerter sur l’urgence de la situation. « Si ce n’est pas débloqué dans les jours qui viennent, la rentrée de 2020 est compromise pour nous. Ces étudiants internationaux iront dans d’autres pays », s’alarmait Emmanuel Duflos, directeur de Centrale Lille Institut et vice-président de la Cdefi deux jours avant l’annonce gouvernementale. 

« C’est maintenant que se joue la capacité des familles à envoyer un étudiant en France et vice-versa », prévenait Marc-François Mignot-Mahon, président de Galileo Global Education au début du mois de mai.  « Une année blanche internationale serait quelque chose de compliqué pour l’enseignement supérieur français et dans le monde, il faut que les pouvoirs publics prennent en compte cet aspect-là. »

Leurs vœux ont été exaucés, ne reste plus qu’à convaincre les étudiants étrangers de rallier la destination France. 

Des consignes sanitaires bientôt assouplies

Toutes ces décisions sont prises dans un contexte mouvant. Car le ministère de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation (Mesri) s’apprête à mettre à jour ses recommandations pour la rentrée.

Sa dernière circulaire , dont l’encre est à peine sèche puisqu’elle date du 11 juin, va en effet déjà être assouplie. Il faut dire qu’entretemps Emmanuel Macron a annoncé la réouverture de toutes les écoles à compter du 22 juin avec un protocole sanitaire très allégé. 

Le ministère demande, pour le moment en tout cas, le respect d'« une distance d’au moins un mètre entre les tables individuelles ou entre les espaces individuels de travail ». En revanche, la règle des quatre mètres carrés utilisée dans les écoles par le ministère de l’éducation (et désormais abandonnée) ne s’est jamais appliquée aux universités.

Enseignement et examens : former et anticiper !

Les activités d’enseignement devront tenir compte des consignes sanitaires et de distanciation physique.

La Dgesip propose une fiche visant à accompagner les établissements dans l’hybridation de leurs enseignements et leur recommande de « proposer des actions d’accompagnement et de formation des équipes enseignantes ».

Pour le contrôle des connaissances de l’année universitaire 2020-2021, qui doivent être adoptées au plus tard dans le mois suivant la rentrée, « il est recommandé de prévoir, dès ce stade, différentes options en fonction des évolutions possibles de la situation sanitaire ».

Les bibliothèques universitaires : la réouverture, la vraie ? 

Il y aura peut-être des règles de priorité dans les BU à la rentrée - © Conférence des présidents d’université - Université d’Angers
Il y aura peut-être des règles de priorité dans les BU à la rentrée - © Conférence des présidents d’université - Université d’Angers

La circulaire du 11 juin prévoit que les BU « pourront être à nouveau ouvertes aux usagers » à la rentrée 2020.

Avant d’en arriver là, celles-ci ont été au cœur d’une petite tempête politique. Le 2 juin un communiqué de presse de Frédérique Vidal annonçait en effet la réouverture intégrale des bibliothèques universitaires. Face aux réactions hostiles - de syndicats mais aussi de l’Association des directeurs de BU (ADBU)- le ministère a fait machine arrière et laissé les établissements définir les modalités de réouverture. 

En septembre, des restrictions seront peut-être encore de mise :  

« Les établissements pourront être conduits à définir des règles de priorité en fonction des catégories d’usagers. La fourniture à distance de la documentation électronique et le prêt devront rester privilégiés. »

Les espaces de vie étudiante et les restaurants universitaires : nouvelles règles du jeu

Les restaurants universitaires seront à nouveau accessibles - © Conférence des présidents d’université - Université de Lorraine
Les restaurants universitaires seront à nouveau accessibles - © Conférence des présidents d’université - Université de Lorraine

Les locaux dédiés à la vie étudiante, et notamment aux associations étudiantes, pourront être ouverts aux usagers. Ces associations « sont responsables de la mise en œuvre des consignes sanitaires au sein des locaux qui leur sont attribués. Ces conditions de mise en œuvre sont définies conventionnellement entre elles et l’établissement hébergeur », pose la circulaire.

Les restaurants universitaires « seront à nouveau accessibles, dans des conditions permettant le respect des règles sanitaires ». Les Crous devront se rapprocher des établissements afin d'« anticiper et organiser au mieux la fréquentation des restaurants en fonction de l’organisation des activités d’enseignement  ».

Par ailleurs, l’accès aux espaces de coworking, salles de sport ou services communs universitaires d’information et d’orientation (Scuio) sera également régi par le respect des consignes sanitaires.

« L’accès aux espaces sportifs pourra être accordé de façon prioritaire à certains publics, par exemple dans le cadre des enseignements », précise la circulaire.

Les rencontres scientifiques et soutenances de thèse : des habitudes vont changer

L’organisation et la participation à des colloques et séminaires devront rester exceptionnelles et les rencontres scientifiques à distance devront être privilégiées.

En revanche, les établissements sont invités à rétablir un rythme normal d’organisation des soutenances de thèses, le cas échéant en recourant à la visioconférence, compte tenu notamment de la campagne de qualification.

Personnels : des opérations prioritaires à effectuer à la rentrée 2020

La circulaire met l’accent sur plusieurs priorités pour les établissements en matière de ressources humaines 

• Pour la filière ITRF (Ingénieurs et personnels techniques de recherche et de formation), transmettre à la DGRH le 04/09 l’ensemble des dossiers de propositions qui permettront de réunir à l’automne les CAP examinant les tableaux d’avancement au titre de 2020.

• Pour la filière bibliothèque, renvoyer les documents à la DGRH pour les CAP nationales de fin d’année d’ici le 02/10.

• Mettre en œuvre les prolongations de contrats doctoraux, post-doc et plus largement des contrats de travail d’appui à la recherche en recueillant et instruisant les demandes des intéressés, conformément aux modalités qui seront communiquées prochainement.

• Instruire les accidents du travail, demandes de reconnaissance de maladie professionnelle et demandes à soumettre au comité médical ou à la commission de réforme.