Changer de prénom : une procédure simplifiée à l’université
Par Marine Dessaux | Le | Expérience étudiante
Cela n’est pas toujours connu des étudiants et pourtant, à l’université, utiliser un autre prénom que celui figurant sur l’état civil est possible et, depuis l’incitation du gouvernement en 2019, rendu plus de plus en plus simple. À l’Université de Lorraine, il n’y a même aucun document à remplir, un échange de quelques minutes suffit.
Pascal Tisserant, vice-président délégué à l’égalité diversité inclusion, et Séverine Klipfel, qui a conçu le dispositif permettant cette simplification, reviennent en détail sur cette procédure.
C’est une demande que peut faire n’importe quel étudiant sans avoir nécessairement entamé un changement d’état civil auprès de la mairie : employer un prénom d’usage à l’université. Prénom qui apparaîtra non seulement sur la carte d’étudiant, mais aussi la liste d’émargement que détiennent les enseignants, les procès-verbaux de jurys et l’adresse mail institutionnelle.
En revanche, cela ne concerne pas les documents officiels : le certificat de scolarité, le dossier pour transfert vers un autre établissement, l’attestation de réussite, diplôme et supplément au diplôme.
Divers profils d’étudiants concernés
« Cette procédure s’inscrit dans une revendication des associations trans et LGBT, indique Pascal Tisserant, vice-président délégué égalité diversité inclusion (EDI) à l’Université de Lorraine. J’ai rencontré plusieurs d’entre elles et le principal problème qui remontait était celui du prénom d’usage.
Les étudiants transgenres en font usage autour d’eux et redoutent un appel qui révèlerait leur identité. Ce qui cause des décrochages. »
Changer de prénom est également souhaité pour d’autres raisons qui peuvent être très diverses. « On voit des étudiants qui font cette demande parce qu’ils n’aiment pas leur prénom, parce qu’il peut être difficile à porter ou pour faciliter leur intégration, rapporte Séverine Klipfel, sous-directrice gestion et ressources applicatives de la formation et des études. Cela ouvre beaucoup de possibilités à plein de types de population. »
Une procédure qui diffère selon les établissements
Si globalement la procédure pour utiliser son prénom d’usage à l’université est simple, elle l’est plus ou moins selon les établissements. À l’Université de Lille par exemple, c’est par mail que l’étudiant peut faire sa demande. Il aura alors à imprimer et remplir un formulaire qui mentionnera la raison de sa démarche et aura la possibilité de joindre un courrier explicatif s’il le souhaite. À l’Université Lyon 1, il n’y a que quelques champs à remplir directement sur internet pour la saisine du chargé de mission Égalité.
Sur son site, la Sorbonne Nouvelle demande également de fournir un formulaire, ainsi que « toutes pièces [que l’étudiant] estimera utiles ». Le dossier sera ensuite étudié par le vice-président en charge de la mission égalité femmes-hommes, assistée par le vice-président de la commission de la formation et de la vie universitaire et le vice-président étudiant. « Ces derniers pourront éventuellement solliciter l’avis de la médecine préventive, des assistantes sociales, de la scolarité centrale et de toute personne indiquée par l’étudiant », précise l’université.
À l’Université de Lorraine, une procédure sans formulaire
« Nous sommes originaux dans le peu de contraintes qu’on impose, déclare Pascal Tisserant. Nous avons voulu simplifier au maximum cette démarche en ne demandant aucun document. Une fois l’étudiant inscrit avec son prénom d’origine, il n’a qu’à se présenter au service de scolarité et faire la demande de changement. »
« Aucun justificatif n’est demandé, poursuit-il. Seul un document qui explique ce que signifie cette procédure est remis à l’étudiant qui n’a qu’à donner son accord. L’agent entrera ensuite l’information dans le logiciel et donnera immédiatement une nouvelle carte d’étudiant avec le prénom d’usage. »
Depuis la rentrée 2019, une mise en place administrative simplifiée
Demander l’utilisation d’un prénom d’usage n’a cependant pas toujours été possible ni aussi simple. « Il existait une variété de dispositifs, raconte Pascal Tisserant. Il fallait avoir déjà fait la demande à la mairie, présenter une lettre validée par diverses personnes… »
À l’Université de Lorraine, cette procédure existe néanmoins « depuis très longtemps », selon Pascal Tisserant, mais elle « dépendait du bon vouloir de la personne en face » tant qu’elle n’était pas formalisée.
C’est la lettre du 17 avril 2019 de la ministre de l’Esri, Frédérique Vidal, qui a fait officiellement bouger les lignes : cette dernière incite les présidents d’université à « faciliter l’utilisation du prénom d’usage sur les documents (…) pour les personnes transgenres ». À cette occasion est annoncée la possibilité d’inscrire le nom d’usage dans les logiciels de gestion Apogée et Scolarix, mise en place dès la rentrée 2019.
« Il faut toujours garder une trace de l’identité réelle de la personne. Avant, ce n’était pas aisé, il y avait un risque d’erreur. Mais, avec la possibilité de rentrer le prénom d’usage dans Apogée, les établissements n’ont plus d’excuse technique pour faciliter cette procédure », explique Pascal Tisserant.
Une communication difficile à cibler
Communiquer pour faire connaître ce dispositif qui ne concerne qu’à la marge (à l’Université de Lorraine, 20 étudiants en ont bénéficié en 2019/2020, un chiffre en légère hausse) est une démarche compliquée pour les universités. « Il est difficile de trouver les bons moyens d’informer, témoigne Séverine Klipfel, et cibler n’est pas simple non plus. »
Si l’information est disponible à qui la chercherait sur les sites internet institutionnels, son partage n’est pas fixe : « Chacune de nos 43 composantes gère ses étudiants comme elle le souhaite, parfois l’information est diffusée à la rentrée, parfois ce sont les associations qui s’en chargent ou cela peut-être au travers d’un message envoyé en début d’année », détaille Séverine Klipfel.
Par ailleurs, en 2020, la procédure a été mentionnée dans une campagne de l’Université de Lorraine sur l’identité de genre partagée sur les réseaux sociaux.