Organiser un voyage d’études, mode d’emploi
Par Marine Dessaux | Le | Expérience étudiante
Les « classes vertes » ne sont pas réservés qu’aux enfants ! Que ce soit un passage obligatoire dans le cadre d’un cursus ou à l’initiative d’un enseignant, les étudiants ont eux aussi l’opportunité d’apprendre à l’étranger. Comment organiser ces « learning expeditions » de manière optimale ? Sébastien Linden, fondateur de l’agence de consulting Linden & Swift spécialisée dans l’internationalisation du supérieur, livre son mode d’emploi.
Après 20 années dans le monde de l’enseignement supérieur, Sébastien Linden organise des voyages d’études personnalisés depuis 2020 avec son agence Linden & Swift. Il a travaillé sur 12 voyages, notamment pour Sciences Po Paris sur la thématique de l’innovation et pour l’EMLyon qui organise des voyages d’études pour tous ses mastères spécialisés et masters of science.
Voyage d’études : pourquoi et à quel moment du cursus l’organiser ?
Proposer une learning expedition offre plusieurs avantages : c’est un facteur d’attractivité pour les formations, de cohésion de groupe et l’opportunité d’acquérir des compétences, notamment en se confrontant à l’international et à l’interculturel et en découvrant des approches différentes sur une thématique.
« C’est aussi un moment intéressant pour l’établissement d’un point de vue institutionnel, il permet d’être visible dans un pays et d’y rencontrer ses alumni, des institutions partenaires, l’ambassade de France… », rapporte Sébastien Linden.
La période doit être choisie en fonction des objectifs : en début de cursus pour « créer un esprit d’équipe » ou en fin de formation « pour aller plus loin dans les expertises et consolider un esprit de promotion au moment où les étudiants s’apprêtent à entrer dans la vie professionnelle et ainsi renforcer l’attachement à l’institution de ces futurs alumni ».
Quels points à vérifier avant de fixer une date ?
Il est important de se renseigner sur les événements locaux avant de retenir une date. « Par exemple, éviter les périodes de vacances où les gens partent beaucoup, mais aussi les jours fériés qui n’existent pas en France : la Saint-Nicolas, la fête nationale, etc. », liste Sébastien Linden.
Pour éviter les mauvaises surprises côté finances, mieux vaut aussi échapper à la fashion week à Milan ou au carnaval de Venise ! « De manière générale, la période entre décembre et mars est plus économique en Europe, mais la météo risque d’être moins agréable… »
Quels critères pour choisir sa destination ?
La destination doit être choisie selon les priorités du voyage :
- Avoir du sens par rapport à la thématique. « Pour un master en management de l’innovation, Tel-Aviv ou Stockholm semblent indiqués, pour une formation en marketing du luxe, cela peut être Milan… », suggère Sébastien Linden.
- Proposer une expérience extraordinaire. « Que ce soit parce qu’elle est lointaine ou originale, une destination qui crée un effet de découverte laissera un souvenir mémorable aux étudiants. »
- Permettre un accès à des interlocuteurs de haut niveau. « En choisissant une ville a priori moins attractive, comme Bucarest, l’accès à des dirigeants d’entreprise ou représentants d’institutions est plus facile qu’à Stockholm par exemple où ces derniers sont déjà beaucoup sollicités. »
Points d’attention
Il est également important d’être attentif à la nécessité d’obtenir un visa ou une autorisation d’entrée sur le territoire. « Cette obligation peut créer des complications ou des délais supplémentaires pour certains étudiants, en fonction de leur nationalité ou de pays dans lesquels ils se sont rendus. De ce point de vue, un voyage en Europe est toujours plus simple », souligne le consultant.
Enfin, les enjeux écologiques sont à prendre en compte. « Certaines écoles se limitent à l’Europe, ce qui permet de voyager en train. Quand j’organise le transport d’un voyage d’études, je propose toujours une solution avec un impact carbone plus faible. »
Une démarche qui ne s’arrête pas aux déplacements, mais implique de chercher des prestataires avec un impact carbone limité. « Visiter Stockholm en bateau électrique, regarder la politique de l’hôtel en matière d’environnement, etc. », liste Sébastien Linden.
Monter son programme, par où commencer ?
Première étape dans la construction d’un programme : identifier les thématiques qui seront abordées. « Cela demande un travail de documentation et d’analyse pour repérer ce qui est significatif pour la destination. Stockholm, par exemple, s’est proclamée capitale mondiale de l’impact, on y parlera RSE ou encore innovation. »
Vient ensuite le temps d’identifier les institutions et les experts à faire intervenir. « Il s’agit d’un travail de recherche, à travers la lecture de rapports ou d’articles par exemple, et d’une démarche réseau. De bonnes pistes sont les alumni et les représentations françaises au sens large (Business France, French Tech, ambassade, chambre de commerce, conseillers du commerce extérieur…). »
Reste à convaincre les interlocuteurs identifiés de donner de leur temps. Pour cela, « il est important de montrer qu’il s’agit d’un voyage d’études sérieux. Selon la façon dont l’interlocuteur perçoit son travail, il peut considérer que cette intervention fait partie de sa mission. C’est aussi une façon pour lui de contribuer au rayonnement de la France. »
Des activités pédagogiques…
Pour des activités pédagogiques réussies, aller sur le terrain est le point le plus important, selon Sébastien Linden. « Je vois des programmes de learning expeditions qui font défiler les intervenants dans une salle de réunion à l’hôtel. Je trouve bien plus intéressant d’aller dans l’entreprise pour en saisir l’atmosphère et découvrir des lieux innovants », partage-t-il.
Il convient ensuite de rechercher une diversité dans les acteurs rencontrés : locaux, français, étrangers (par exemple américain), de tailles et secteurs différents.
« Pour chaque visite, assurez-vous d’avoir un focus particulier, conseille Sébastien Linden. Lors des échanges en amont de la rencontre, si on ne précise pas le souhait d’aborder une thématique donnée (R&D, marketing, RSE…), le discours risque d’être institutionnel et de moins aborder les défis que rencontre l’entreprise. »
Identifier la bonne personne à solliciter permet d’augmenter les chances d’une intervention ciblée et de qualité : il peut être préférable de se tourner vers un opérationnel plutôt qu’un chargé de communication.
… Et du team-building
Les temps plus informels serviront à la découverte culturelle du pays et à créer du lien. « Je cherche des activités originales qui répondent à ces deux critères, indique Sébastien Linden. Cela peut être un cours de langue interactif pour démarrer la semaine ou un cours de cuisine, plutôt qu’une visite guidée que les étudiants peuvent faire par eux-mêmes. »
Car il faut, bien sûr, prévoir du temps libre dans chaque programme !
Quels interlocuteurs rémunérer et combien ?
Si l’interlocuteur s’exprime au nom de son entreprise, il n’est généralement pas rémunéré. Il y trouve un intérêt personnel de partage d’expérience et professionnel de valorisation de son institution. En revanche, s’il intervient à titre individuel, il est alors « logique de le rémunérer », estime Sébastien Linden.
Cas classique : un universitaire, pour une présentation académique, ou un avocat, pour une expertise plus pointue. « Les budgets étant souvent contraints, la rémunération sera de l’ordre de 200 € pour une intervention de 2 h, soit légèrement plus qu’un cours dans une grande école. En général, cela convient, même si une prestation similaire pour une entreprise pourrait être facturée cinq fois plus. Les intervenants sont avant tout motivés par l’envie de partager leur expertise avec des étudiants. Il est rare d’avoir à renoncer à une intervention à cause d’un niveau de rémunération demandé trop élevé. »
En misant sur le bénévolat, il existe un petit risque : l’annulation de dernière minute en cas d’imprévu professionnel.
Sur qui s’appuyer ?
Les établissements ou enseignants s’appuient généralement sur trois types de prestataires pour l’organisation de voyages d’études :
- Les agences de voyages traditionnelles qui prennent habituellement les billets d’avion et chambres d’hôtel (pour les colloques scientifiques par exemple).
- Les institutions locales du type Business France ou chambres de commerce, qui mettent à profit leur réseau local pour concevoir le programme.
- Les agences spécialisées dans les voyages d’études qui combinent expérience pédagogique et professionnalisme d’une agence de voyages.
Il existe peu de prestataires sur le créneau du supérieur en France, ces derniers étant plutôt positionnés sur les voyages linguistiques, le scolaire ou la formation continue. Enfin, les enseignants et parfois les étudiants eux-mêmes mettent la main à la pâte !
Comment maîtriser le coût d’un voyage d’études ?
Pour réduire au maximum le prix d’un voyage, il est nécessaire d’être vigilant au coût du transport, de l’hébergement et des repas. Ces trois postes de dépenses peuvent être diminués grâce à une bonne organisation.
Sébastien Linden conseille de « commencer à travailler sur le programme au moins trois mois à l’avance et, pour le transport et l’hébergement, de s’y prendre encore plus tôt si possible ».
Mais il est aussi recommandé de jouer sur tous les postes de dépenses ! Les prix bougent selon le choix : de la période, de la destination, de l’hébergement (souvent en auberge de jeunesse, pas nécessairement dans le centre-ville), de la restauration (en organisant des paniers-repas), du nombre d’étudiants (avec un grand groupe, le prix par étudiant est souvent moins élevé) ou encore de la durée du voyage.
Un budget entre 1000 et 1800 €
« Tel que je les conçois, les voyages d’études reviennent de 1000 € à 1800 € par personne, selon les choix effectués. Des tarifs qui peuvent atteindre plusieurs milliers d’euros si les étudiants ont des chambres individuelles dans des hôtels, etc. », estime Sébastien Linden.
Qui paie ?
Si ce sont généralement les étudiants qui paient — parfois indirectement lorsque le coût est inclus dans les frais d’inscription comme le font en général les écoles de commerce —, il arrive que l’établissement propose un système de bourses. « Certaines écoles trouvent un ou deux sponsors », cite également le fondateur de Linden & Swift.