Un événement sportif organisé de A à Z par les étudiants : les clefs de la réussite
Par Marine Dessaux | Le | Expérience étudiante
Les grandes écoles, particulièrement de management, développent l’autonomie des étudiants en leur confiant des événements à organiser de bout en bout. Mais comment s’assurer de leur réussite chaque année, alors que les visages changent en permanence ? Exemple avec Audencia et son triathlon à la Baule, qui fêtait son 35e anniversaire.
Le « Altglisse challenge » de Grenoble école de management, la course croisière de l’Edhec, le challenge Ecricome de Kedge Bordeaux… Autant d’événements sportifs organisés en grande partie par des étudiants d’écoles de management.
Tous ces défis sont des moments forts pour solidifier les liens entre les étudiants, leur sentiment d’appartenance à une école et l’occasion d’acquérir de nombreuses compétences. Mais le chemin peut s’avérer semé d’embûches…
L’école supérieure de commerce nantaise Audencia, organisait du 16 au 18 septembre 2022, la 35e édition de son triathlon, peut en témoigner ! Un événement ouvert au grand public sur la plage bauloise, mené par un comité de 24 étudiants et quelque 500 de leurs camarades mobilisés bénévolement sur les trois jours.
Un événement d’envergure
Pour les étudiants en charge du triathlon Audencia - La Baule, la tâche est d’ampleur. Habituellement étalées sur un week-end, les épreuves se sont déroulées cette année sur trois jours avec 21 courses au programme.
Parmi elles, des trirelais mixte, entreprises et grand public, des challenges étudiants et handisport, les triathlons des légendes (avec notamment les triathlètes Danilo Palmucci et Isabelle Mouton), des enfants et du grand public avec des distances différentes…
Cette année, une nouveauté : les championnats d’Europe jeunes, des épreuves classantes au niveau européen à destination des espoirs de 14 à 17 ans. C’est au total 7 000 participants qui ont participé au « plus grand événement sportif d’Europe organisé par des étudiants », d’après Audencia.
Être sur tous les fronts
Sécurité, logistique, travail d’équipe… autant d’aspects intrinsèquement liés à l’organisation d’un événement d’envergure à gérer. Il a fallu « s’adapter au cahier des charges de 300 pages imposé par Europe triathlon », raconte Victoire Faramarzi, présidente de l’association du triathlon d’Andencia pour cette édition 2022.
Bien qu’accompagnés, les étudiants ont dû « aller chercher les informations sur les questions de sécurité et gestion des risques », rapporte Pierre Ledrole, également membre de l’association, en charge de la communication.
Doit également être effectué le recrutement des bénévoles, cette année 500 étudiants dont 450 inscrits en première année, dont il faut assurer le transport, logement et ravitaillement. Pour eux, c’est une sorte de week-end d’intégration bis, un événement qui permettra de créer du lien au sein de la promotion.
Bien des enjeux qui peuvent mettre en péril l’événement s’ils ne sont pas maîtrisés… « Nous avons dû faire face à des imprévus qui pouvaient tout bloquer : les cars scolaires qui servent habituellement de navette le week-end étaient utilisés le vendredi, une semaine avant le triathlon un ouragan était annoncé, la veille encore avec les contraintes liées à l’organisation du championnat européen, nous n’étions pas sûrs d’y arriver à temps ! », explique l’étudiant, finalement soulagé que tout ait été résolu.
« Nous avons eu beaucoup de stress pour cette édition, reconnaît Hervé Delaunay, directeur du triathlon à Audencia. Normalement, tout est prêt avec une semaine d’avance, mais lors de son arrivée quelques jours avant les épreuves, le comité ETU [Europe triathlon youth, NDLR] a remis beaucoup de choses en question, or nous ne voulions pas laisser le championnat européen vampiriser les courses ouvertes au grand public. En outre, nous avons reçu tardivement le cahier des charges, au mois de mars seulement. Finalement, le travail des étudiants a beaucoup impressionné le comité qui s’est dit prêt à revenir ! »
Organisation par un comité d’étudiants dédié
Pour que l’événement soit une réussite d’année en année, la sélection des étudiants au sein de l’association organisatrice ne doit pas être laissée au hasard.
Sur 150 candidatures reçues pour l’édition 2022 du triathlon, seuls 24 étudiants ont été choisis par les étudiants membres de l’association de l’année précédente et le directeur du triathlon, suite à deux entretiens de motivation, raconte Sarah Garnier, étudiante en charge de la communication.
Les étudiants sélectionnés sont en première année au sein d’Audencia, et organisent le triathlon pendant le courant de leur deuxième année (équivalent d’un master 1). Un projet qui doit être à cheval sur deux années universitaires car « l’été est une période importante pour la préparation du triathlon dans certains pôles », explique Victoire Faramarzi.
Une fois l’association constituée, le bureau est élu et les membres sont repartis en diverses spécialités : trésorerie, village partenaires, natation, logistique, ravitaillement, etc.
Passation et prise en charge des dossiers
Vient ensuite l’étape de la passation : « Les étudiants qui ont organisé l’édition précédente du triathlon nous forment, nous expliquent comment reprendre les dossiers », indique Sarah Garnier.
Puis il faut attaquer les dossiers, avancer chaque jour entre deux cours ou se réunir dans les locaux dédiés au sein de l’école. « L’organisation du triathlon prend environ un tiers de notre temps de travail étudiant, estime Pierre Ledrole. Mais c’est difficile à comptabiliser précisément, c’est souvent en pleine journée quand on a un peu de temps libre. »
Pour lui, la charge de travail n’est pas le point le plus complexe, « le plus dur c’est d’innover ! », s’exclame-t-il.
En soutien, un comité d’alumni
Cette année pour la première fois, un comité de dix alumni a été formé pour piloter l’organisation des épreuves du championnat européen jeunes. Des diplômés de 2014 à 2021, anciens membres de l’association du triathlon, se sont mobilisés et ont mis à profit leur expérience passée et leurs nouvelles compétences professionnelles.
Accompagner les missions supplémentaires de l’association
Manon Gomes, chargée de communication à Ubisoft et diplômée en 2021, est l’une d’entre eux. Elle a participé à organiser le triathlon 2018 et expose : « Notre objectif est d’accompagner les missions supplémentaires de l’association cette année. C’est tout un nouveau branding qui a dû être créé pour la communication, désormais il peut y avoir des jurys de réclamation, tout est à vérifier jusque l’espacement entre les vélos. »
Une façon de fonctionner qui demande une grande implication des alumni qui échangent régulièrement avec les étudiants et se rendent sur place lors de l’événement. « Au départ, nous organisions avec les membres de l’association des réunions tous les mois puis, à l’approche du triathlon, nous nous parlions tous les jours au téléphone », dépeint Manon Gomes.
Un dispositif à pérenniser ? Pas spécialement en ce qui concerne les épreuves habituelles, selon Manon Gomes, « avoir une telle responsabilité fait partie de la magie de l’événement ». C’est en revanche une possibilité envisagée par Hervé Delaunay pour les épreuves supplémentaires. Et les projets sont nombreux, notamment l’organisation d’un semi-ironman ou la concrétisation projet de triathlon à l’étranger, imaginé au Portugal en 2019, mais annulé en raison de la crise sanitaire.
Au sein de l’établissement, une personne référente
Il suit de près le travail d’organisation des étudiants : le directeur du triathlon, Hervé Delaunay, est depuis plus de dix ans la personne ressource sur ce sujet.
Il revient sur les missions qui nécessite son accompagnement :
- Le suivi du projet doit se faire quotidiennement : « Je demande à la présidente de passer me voir tous les jours de cours, même deux minutes, pour savoir si tout va bien. »
- Autre point important, s’assurer de la motivation des étudiants, souligne-t-il. « Nous nous réunissons fréquemment pour consolider la cohésion d’équipe », ajoute Hervé Delaunay, également responsable sport de l’école.
- Enfin, il se charge de certains échanges avec les entreprises partenaires qui aiment s’adresser à une même personne sur le long terme, les sujets administratifs complexes ainsi que les décisions politiques.
Un budget important à considérer
Le budget représente un élément de gestion complexe. Pour l’organisation du triathlon, « on estime le coût à 500 000 €, mais cela est difficile à définir précisément », dit Pierre Ledrole. Sur cette somme, la fédération française d’athlétisme participe à hauteur de 80 000 euros. De son côté, la mairie met ses services techniques entièrement à disposition du triathlon (policiers, secouristes, etc.).
Accueillir le championnat européen jeunes implique également des coûts, puisqu’après avoir candidaté, il faut payer pour l’organiser. Et ce n’est pas le coût des inscriptions qui permettront d’être à l’équilibre puisque les tarifs sont peu élevés : de 8 € pour les enfants à 120 € pour la plus grande épreuve par équipe de trois.
Malgré ces dépenses, « une constance : cet événement est toujours resté non-sponsorisé », souligne Christophe Germain, directeur général d’Audencia. Et ce, malgré plusieurs tentatives notamment d’un vendeur de boisson énergisante. Un événement qui rapporte néanmoins de la notoriété et fait partie des points forts de l’école pour beaucoup d’étudiants qui candidatent.
Ainsi, le financement doit être en grande partie supporté par l’école. Mais les étudiants peuvent mettre la main à la pâte : nouveauté cette année, une boutique de produits floqués du logo du triathlon.