Vie des campus

L’engagement étudiant, oui ! Mais comment le reconnaître ?

Par Enora Abry | Le | Expérience étudiante

Des étudiants membres d’associations, salariés ou réservistes : tels sont des profils que le ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche, souhaite encourager. À cette fin, une nouvelle circulaire sur l’engagement étudiant a été publiée en mars 2022. Que propose-t-elle pour favoriser la reconnaissance de ces activités ? Qu’en pensent ceux qui l’appliquent ?

Le 23 mars 2022, une nouvelle circulaire sur l’engagement étudiant a été publiée - © D.R.
Le 23 mars 2022, une nouvelle circulaire sur l’engagement étudiant a été publiée - © D.R.

Deux circulaires sur l’engagement étudiant ont encadré le mandat de Frédérique Vidal au ministère de l’enseignement supérieur de la recherche et de l’innovation. Une première en octobre 2017 et une autre en mars 2022. Leurs objectifs : encourager l’engagement étudiant au sein des établissements sous tutelle du ministère, publics comme privés. Que préconisent-elles ?

Une nouvelle circulaire pour des précisions nécessaires

L’engagement étudiant était déjà au cœur d’une première circulaire en octobre 2017, alors pourquoi en publier une autre en mars 2022 ? Selon Clotilde Marseault, ancienne chargée de mission vie étudiante et vie de campus à France Universités, en poste au moment de la publication de la circulaire, le premier document était vague… à dessein ! Une façon de laisser aux établissements une marge d’interprétation et une certaine autonomie. Un parti pris qui a engendré beaucoup de confusion.

« Il y a toujours une ambivalence avec les établissements, relève-t-elle. Ils veulent être autonomes, mais requièrent des circulaires pour savoir comment faire. » Lever cette ambivalence était l’enjeu de la rédaction de la circulaire de 2022 : ne pas être trop précise pour ne pas restreindre les établissements, mais ne pas être trop large afin de ne pas être floue.

Clotilde Marseault est aussi la fondatrice de Solution Campus. - © D.R.
Clotilde Marseault est aussi la fondatrice de Solution Campus. - © D.R.

Pour ce faire, France Universités et d’autres associations comme le réseau des responsables service vie étudiante (R2VE) et le réseau des vice-présidents vie étudiante, de campus et universitaires (Vécu) ont été associés à sa relecture. 

« Il fallait que le texte soit au plus près des demandes des acteurs de terrain. Cela supposait d’en discuter avec des vice-présidents en charge de ces questions. » Un travail important, mais qui a dû être effectué en un mois étant donné l’imminence de la fin de mandat de Frédérique Vidal.

Cette fois-ci, « la circulaire est longue, mais recadre les choses », estime Clotilde Marseault qui est à présent consultante  sur les questions de vie de campus.

Des possibilités ajoutées pour les établissements

Autre problématique avec la circulaire de 2017 : celle de la validation des acquis et de l’obtention de crédits par l’étudiant à la suite de son engagement. « Certains établissements ont eu du mal à appliquer la circulaire, notamment ceux qui n’avaient pas de modalité de validation des acquis de l’engagement étudiant », raconte Clotilde Marseault.

En effet, avec la circulaire de 2017, la validation peut passer par :

  • l’intégration d’une unité d’enseignement  (UE) ;
  • l’attribution de crédit ECTS ;
  • l’attribution de point bonus dans la moyenne ;
  • une dispense de stage ou d’enseignement.

Toutes ces possibilités demandent aux établissements un travail de longue haleine pour non seulement créer un jury pouvant évaluer les acquis du candidat, mais aussi modifier les maquettes des cursus dans le cas où il faudrait intégrer une UE.

La nouvelle circulaire ouvre une porte supplémentaire. L’étudiant peut faire valider ses acquis via un diplôme universitaire (DU) dédié à l’engagement qui lui permettra d’obtenir des crédits en plus de ceux de sa formation. La circulaire précise toutefois « qu’il ne s’agit pas d’une option à privilégier ».

Des questions qui persistent

Quelles activités sont reconnues ?  

La circulaire pose un cadre en énumérant les différentes formes d’engagement étudiant qu’elle reconnaît. On y trouve :

  • les activités bénévoles au sein des associations ;
  • les activités professionnelles ;
  • les activités sportives ;
  • les activités militaires dans la réserve opérationnelle, le volontariat dans les armées ou l’engagement en sapeur-pompier volontaire ;
  • le service civique. 

Une liste qu’on ne peut graver dans le marbre, selon Clotilde Marseault : « Quand on fait une liste, il y a toujours des choses qui n’y sont pas et qui, par conséquent, posent question. »

Mais alors, comment dissiper cette confusion ? Comment savoir si l’engagement de l’étudiant est le « bon » ? Pour Clotilde Marseault, cette deuxième question est à mettre de côté. Elle l’explique :

« La loi est claire : ce n’est pas le type d’engagement qui est valorisé, mais les compétences acquises, ce qui permet de dépasser la réflexion sur le bon et le mauvais engagement. Un étudiant peut acquérir plus de compétences en étant président d’une association de chasse qu’un autre qui serait simple bénévole dans une association humanitaire. Ce qui compte est que l’étudiant puisse justifier des compétences acquises et que ces compétences soient en lien avec le diplôme préparé. »

Comment évaluer l’engagement ?

Une fois que l’étudiant a formulé une demande pour faire reconnaître son engagement, il faut ensuite que l’établissement puisse l’évaluer.

« Il y a plusieurs écoles, énumère Clotilde Marseault. Certains demandent à l’étudiant d’avoir une approche très réflexive sur son parcours et de rendre un rapport qui sera ensuite examiné en vue d’une note dans le cadre d’une UE. D’autres préfèrent les points bonus à la moyenne, qui sont obtenus par l’étudiant en remplissant une fiche qui sera validée ou non par un jury. Cela demande moins d’efforts de la part des étudiants et permet de traiter plus de dossiers. D’autres encore, créent une liste des associations considérées fiables et le fait de les intégrer donne lieu à la validation d’acquis. »

Toutefois, Clotilde Marseault déplore cette dernière manière de faire « puisqu’en ne se basant que sur certaines associations, l’université peut passer à côté des étudiants qui acquièrent des compétences en étant salariés par exemple ou engagés dans un autre cadre ».

Un financement de l’engagement étudiant à simplifier ?

Tiffany Audoux est responsable pôle vie étudiante à l’Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne - © D.R.
Tiffany Audoux est responsable pôle vie étudiante à l’Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne - © D.R.

Cette nouvelle circulaire s’inscrit dans la dynamique de la loi ORE (orientation et réussite des étudiants) de mars 2018. En effet, elle avait instauré la Contribution vie étudiante et de campus (CVEC), dont au minimum 30 % sont reversés au Fonds de solidarités des initiatives étudiantes (FSDIE). De ces 30 %, minimum 70 % sont consacrés au soutien à l’initiative étudiante et le reste dévoué aux aides sociales. L’ajustement de ces pourcentages selon cette règle, est fait par la commission CVEC de l’établissement, selon ses besoins.  

Une manière de fonctionner qui est en inadéquation avec la réalité du terrain selon Tiffany Audoux, présidente du R2VE, le réseau des responsables de la vie étudiante.

« Rendre compte de l’utilisation des crédits du FSDIE auprès de la commission CVEC semble tout à fait évident. Cependant le FSDIE doit pouvoir faire l’objet d’une utilisation correspondant à la temporalité des enjeux qu’il accompagne, à savoir les aides d’urgence aux étudiants et l’accompagnement des initiatives étudiantes. Ces deux sujets ne peuvent faire l’objet d’une validation tous les six mois. »

De plus, l’équilibre de la double vocation du FSDIE, entre financement des associations et des aides sociales, est précaire dans cette période post-crise sanitaire. « À l’origine, le FSDIE doit être réparti ainsi : 70 % pour l’associatif et 30 % pour les aides. Seulement avec la Covid, la part consacrée aux aides a augmenté. Et aujourd’hui, malgré le retour à la normale, on continue à solliciter beaucoup de fonds du FSDIE pour le consacrer aux aides. Heureusement que nous avons aussi d’autres fonds provenant de la CVEC, sinon nous ne tiendrions pas. »

Comment communiquer auprès des étudiants ?

Un nouveau volet a été ajouté à cette circulaire de 2022 : celui sur la communication sur ces possibilités d’engagement. Pour ce faire, « l'offre de service de la Dgesip et le site Etudiant.gouv.fr seront régulièrement mis à jour et présenteront des outils de nature à diffuser la culture de l’engagement et sa reconnaissance  », est-il affirmé dans ce nouvel écrit.

Le ministère encourage aussi la communication de cette politique de reconnaissance de l’engagement auprès des lycées via des journées portes ouvertes ou les salons de l’étudiant.

Des informations qui mériteraient de mieux circuler selon Clotilde Marseault. « Si on s’appuie sur la communication faite par les composantes ou les enseignants, il est évident que tous les étudiants n’y auront pas accès. Déjà, certains enseignants sont très réticents au fait que leurs étudiants se consacrent à autre chose qu’à leur discipline. »

Face à toutes ces situations qui nécessitent encore des ajustements, Clotilde Marseault propose une piste : 

« Il faut introduire un peu de confiance entre les établissements et le ministère. Les universités ont besoin de ces indications écrites, mais face au doute, elles ont aussi besoin de réponses régulières et fiables de la part du ministère. »

Tous les étudiants ne font pas valoir leur engagement

Aucun chiffre n’a pu être donné concernant le nombre d’étudiants engagés et demandant la validation d’acquis de leur engagement en France. Quand bien même il existerait, ce chiffre n’aurait pas été représentatif, relève Clotilde Marseault.

« Beaucoup d’étudiants engagés dans des associations ou salariés ne sont pas demandeurs de cette reconnaissance institutionnelle. Ils ne veulent pas ou ne voient pas l’intérêt que leur établissement ait un droit de regard sur ce qu’ils font à l’extérieur. »