Vie des campus

La carte postale de Franck Loureiro : « Un bâtiment symbole du passé et du futur »

Par Marine Dessaux | Le ( mis à jour le ) | Relations extérieures

Cet été, Campus Matin invite des acteurs de l’ESR à se prendre en photo dans un lieu avec lequel ils ont une relation particulière. Franck Loureiro, directeur du pôle écocampus et infrastructures de l’Université de la Réunion, partage un cliché de l’IAE Réunion qui a inspiré l’architecture bioclimatique en milieu tropical et insulaire. Il explique comment ce bâtiment constitue un lien entre le passé et le futur.

L’architecture bioclimatique s’inspire des architectures vernaculaire et coloniale. - © D.R.
L’architecture bioclimatique s’inspire des architectures vernaculaire et coloniale. - © D.R.

Pour sa « carte postale de campus », Franck Loureiro, directeur du pôle écocampus et infrastructures de l’Université de la Réunion et ancien secrétaire général adjoint du syndicat Sgen-CFDT, a choisi la cour intérieure de l’Institut d’administration des entreprises (IAE) Réunion.

Il s’y trouve avec Jérôme Gardody, élu directeur de cette école universitaire de management, le 13 juin 2024.


Franck Loureiro travaille à l’Université de La Réunion depuis août 2022. - © D.R.
Franck Loureiro travaille à l’Université de La Réunion depuis août 2022. - © D.R.

Pourquoi ce choix ? D’abord parce que cette photo permet de visualiser le bâtiment de l’IAE, un bâtiment historique pour la ville de Saint-Denis et aussi pour l’Université de La Réunion.

Il est implanté dans un secteur historique classé, face à la cathédrale (achevée en 1832), à côté de l’ancien hôtel de ville (inauguré en 1860) et à deux pas de la préfecture, dont les travaux débutés en 1728 devaient accueillir les entrepôts de marchandises de la célèbre Compagnie des Indes, avant de devenir hôtel du gouvernement à partir de 1770.

Ensuite, parce que cette cour et ce bâtiment sont des modèles qui ont inspiré le bâti bioclimatique en milieu tropical et insulaire. Ce lieu est donc à la fois un symbole du passé ET du futur.

Un symbole historique qui abrite aujourd’hui l’IAE

L’IAE Réunion a fêté ses 60 ans en 2023, mais l’histoire de ses bâtiments est beaucoup plus ancienne. Ce monument historique, construit entre 1751 et 1759, est utilisé par l’administration coloniale successivement comme collège, puis caserne, annexe de l’hôpital militaire, commissariat de la Marine et enfin pendant de nombreuses années comme maternité.

En 1963, il retrouve sa destination première, à savoir la formation des jeunes. Il abrite alors l’Institut d’études juridiques, économiques et politiques (qui deviendra la faculté de droit) ainsi que l’antenne de l’IAE d’Aix-Marseille — futur IAE Réunion.

« S’appuyer sur le passé pour se projeter dans le futur »

Responsable du pôle écocampus et infrastructures, le bâtiment occupé par l’IAE représente pour moi un modèle qui guide aujourd’hui les équipes dont j’ai la responsabilité et qui porte, entre autres, les projets de réhabilitation, de rénovation et de constructions immobilières. C’est s’appuyer sur le passé, le comprendre pour le dépasser et se projeter dans le futur…

Le bâtiment de l’IAE offre un confort thermique grâce à son architecture, sur une île aux températures qui montent jusqu’à 40°. - © D.R.
Le bâtiment de l’IAE offre un confort thermique grâce à son architecture, sur une île aux températures qui montent jusqu’à 40°. - © D.R.

L’Université de La Réunion est engagée depuis plus de dix ans dans une démarche de développement durable, en particulier dans le domaine de la construction bioclimatique. Elle s’appuie pour cela sur des laboratoires et des formations de l’université reconnus. C’est ainsi que l’université a pensé et construit un amphi de 550 places qui reproduit la sensation de fraîcheur à l’ombre d’un arbre grâce à son système de ventilation naturelle ; une prouesse technique, saluée lors de son inauguration en 2015 par les acteurs du développement durable…

Pourquoi cette démarche ? L’île produit encore une grande partie de son énergie grâce aux énergies fossiles importées. Cette production a un fort impact sur les émissions de gaz à effet de serre du territoire. L’éclairage et surtout la climatisation pendant la période de l’été austral, qui s’étend de décembre à juin, constituent les deux causes principales de la dépense énergétique. L’île subit à la fois, de par sa position géographique, l’impact d’une exposition extrême aux ultraviolets avec des températures pouvant atteindre les 40° et de très fortes précipitations contribuant à un taux d’humidité très élevé.

Le confort thermique dans les locaux pour les étudiants comme pour les agents est donc un enjeu pour l’université qui a fait de la qualité de vie au travail un axe fort de son projet d’établissement.

Par ailleurs, l’université est parmi les dix plus gros consommateurs d’électricité du territoire. Elle se devait donc de chercher à diminuer fortement sa consommation énergétique et aider le territoire à développer des solutions locales en s’appuyant sur les ressources locales, y compris les ressources intellectuelles.

L’IAE Réunion

L’IAE est l’école de management de l’Université de La Réunion. Il propose 25 formations de la troisième année de licence au doctorat qui couvrent quatre grands domaines de compétences (management, comptabilité-contrôle-audit, marketing-vente et ressources humaines) ainsi que des secteurs d’activité clés sur le territoire : tourisme, santé et économie sociale et solidaire.

Depuis sa création en 1963, l’IAE Réunion a formé plus de 7 500 diplômés, aujourd’hui cadres dirigeants d’entreprises et acteurs du développement économique de La Réunion, constituant un des principaux réseaux professionnels de l’île.

S’inspirer de l’architecture vernaculaire pour réduire la consommation énergétique

L’épaisseur des murs, le toit débordant et les coursives participent à lutter contre la chaleur. - © D.R.
L’épaisseur des murs, le toit débordant et les coursives participent à lutter contre la chaleur. - © D.R.

L’architecture bioclimatique est une des réponses à ce défi de réduction de la consommation énergétique. Elle s’inspire de l’architecture vernaculaire qui a elle-même inspiré l’architecture coloniale.

Les bâtiments de l’actuel IAE sont ainsi construits autour d’une cour intérieure fortement végétalisée. Cette végétation, en particulier les grands arbres, permet de lutter contre la chaleur et de créer des zones de fraîcheur permettant la circulation naturelle de l’air entre les zones fraîches et les zones plus chaudes.

Le bâtiment est lui-même construit en maçonnerie, des murs épais permettent de conserver une certaine fraîcheur intérieure. Toutes les pièces donnent sur de larges coursives qui permettent à la fois de s’abriter des rayons du soleil et de la pluie. Elles permettent aussi, grâce au toit largement débordant, de limiter l’impact du soleil sur les façades.

Les pièces sont originellement toutes traversantes ce qui permet, grâce aux ouvertures (portes et fenêtres) de faire circuler naturellement l’air, créant ainsi de la fraîcheur par l’évaporation accélérée de la transpiration sur la peau. Les fenêtres sont dotées de lourds volets en bois en persienne. Cela permet à la fois, en les fermant, de briser les rayons chauds du soleil et de laisser circuler l’air.

La porosité du bâtiment entre l’intérieur et l’extérieur est donc fondamentale. Elle caractérise le bâti bioclimatique, contrairement au bâti classique qui vise à rendre les bâtiments au maximum étanches.

Un campus bioclimatique inauguré en 2023

Le bâtiment de l’IAE est le premier site occupé par l’Université de La Réunion. Mais c’est aussi un lien entre le passé et le futur. Ses principes ancestraux de construction inspirent les nouvelles pratiques. Ce sont en effet ces partis pris — abondance de la végétation environnante, espaces de transition thermique (hall, coursives…), toit en zinc débordant, optimisation de la lumière naturelle, orientation des bâtiments pour profiter des vents, enfilades de pièces traversantes — que l’on peut retrouver dans la toute dernière réalisation de l’université.

Inauguré en juillet 2023, le campus bioclimatique de l’UFR santé de Terre Sainte sur plus de 7000 m2 consacrés à la recherche et à la formation en santé. Entre le bâtiment de l’actuel IAE, construit en 1751, et les bâtiments de l’UFR santé, inaugurée en 2023, ce sont presque trois siècles de projets, d’expérimentations, de recherche, de constructions…

Son parcours

Conseiller principal d’éducation de 1995 à 2005, date à laquelle il devient ingénieur d’études, Franck Loureiro est responsable de formation à l’IUFM puis Espé de Poitiers (Université de Poitiers) jusqu’en 2017.

Il a été secrétaire général du Sgen-CFDT de Poitou-Charentes, de 2009 à 2013, puis secrétaire national en charge de l’ESR, de la communication et du développement de 2013 à 2017. Il devient ensuite secrétaire général adjoint du syndicat jusqu’en juillet 2022.

Il rejoint alors l’Université de la Réunion d’abord comme coordinateur puis directeur du pôle infrastructures et écocampus (à partir de la rentrée 2023). Il est par ailleurs ingénieur de recherche depuis juin 2022 et adjoint au directeur général des services depuis septembre 2022.