Choose France for science : la riposte française aux restrictions académiques aux États-Unis
Harvard, Brown, Columbia… Les universités américaines font face aux coupes budgétaires et attaques de l’administration Trump. En réaction, l’enseignement supérieur français se mobilise pour accueillir des scientifiques. La plateforme Choose France for science, annoncée par Emmanuel Macron le 18 avril, doit permettre d’accueillir les cerveaux du monde entier sur certains champs de recherche. Une démarche qui se chiffre en millions d’euros, selon le ministre en charge de l’ESR, qui entend mobiliser les acteurs européens.

« Ici en France, la recherche est une priorité, l’innovation une culture, la science un horizon sans limite. Chercheurs, chercheuses du monde entier, choisissez la France, choisissez l’Europe ! » C’est ce qu’écrit le président de la République, Emmanuel Macron, dans un tweet qui annonce le lancement de Choose France for science.

Cette plateforme, opérée par l’Agence nationale de la recherche dans le cadre de France 2030, permettra aux universités, écoles et organismes de recherche (ONR) de solliciter un cofinancement de l’État allant jusqu’à 50 % pour accueillir des chercheurs du monde entier - les États-Unis ne sont jamais cités spécifiquement.
Certaines thématiques, correspondant aux sept agences de programmes portées par des ONR et créées en 2024, seront privilégiées : la santé ; le climat, la biodiversité et les sociétés durables ; le numérique et l’intelligence artificielle ; les études spatiales ; l’agriculture, l’alimentation durable, les forêts et les ressources naturelles ; les énergies décarbonées ; et les composants, les systèmes et les infrastructures numériques.
Cette annonce intervient après le dépôt, par l’ancien président François Hollande, d’une proposition de loi visant à créer un statut de réfugié scientifique.
Quels critères de sélection ?
Les critères de sélection mis en avant sont :
• qualité du projet de recherche présenté ;
• contexte du dépôt de la candidature ;
• motivations du chercheur pour poursuivre ses recherches en France ;
• capacité à obtenir des financements pour le projet.
Les candidats retenus s’« engageront à déposer un projet européen ou international compétitif (ex : European research council, EIC Pathfinder, etc.), dans les deux ans suivant leur arrivée », écrit l’ANR.
Le 5 mai, réunir la communauté européenne de la recherche sur le recul des libertés académiques
L’Élysée a par ailleurs annoncé une rencontre le 5 mai, aux contours encore flous, qui devrait permettre de préparer l’accueil des chercheurs internationaux en réunissant les acteurs de la recherche et de l’Union européenne.
« Nous sommes en train d’initier les choses au niveau français […], mais c’est vrai que c’est au niveau européen que l’effort doit être fait et c’est pour cela que le 5 mai, c’est l’Europe de la recherche, l’Europe de la science, qui sera à Paris avec le président de la République. »
C’est ce qu’a précisé Philippe Baptiste, ministre chargé de l’enseignement et de la recherche, qui s’est exprimé au lendemain des annonces, le 18 avril, sur France info.
Un effort avant tout financier : le ministre estime à environ un million d’euros sur trois ans le coût de l’accueil d’un chercheur « de très bon niveau avec sa petite équipe autour de lui ».
Un chiffre qui, multiplié par « des centaines » de chercheurs que voudrait accueillir la France, fait grincer des dents dans un contexte où les universités et organismes de recherche voient leurs budgets très contraints.
Aix Marseille Université, figure de proue de l’accueil des chercheurs américains
Dès le 5 mars, dans le sillage de la mobilisation Stand up for science, Aix Marseille Université a lancé un programme d’accueil à destination des chercheurs étasuniens appelé Safe place for science. Un mois plus tard, l’établissement avait reçu près de 300 candidatures de toutes disciplines, dont 242 éligibles en cours d’analyse. Seule une quinzaine sera retenue.
Le financement provient d’Amidex, l’initiative d’excellence d’Aix Marseille Université, et s’élève à 15 millions d’euros, soit « entre 600 000 et 800 000 euros sur trois ans pour chaque poste. Nous verrons ensuite comment les pérenniser, et s’il y a lieu de le faire, car certains chercheurs partiront », indique Éric Berton, président de l’université, à News Tank Éducation et Recherche (abonnés).
La Région Sud et la métropole, ainsi que la CCI métropolitaine, soutiennent cette initiative notamment pour l’accueil des familles. « Certains collègues chercheurs doivent pouvoir venir avec conjoint et enfants. Il faut donc penser à l’accès à l’école internationale, aux emplois pour les conjoints. Avec ces partenaires, c’est tout un système que nous mettons en place », souligne Éric Berton.
Plus de 100 universités américaines dénoncent une volonté d’ingérence politique
Plusieurs universités étasuniennes, notamment de la prestigieuse Ivy league dont Yale, Princeton et Brown, parlent d’une volonté d’ingérence politique dans une lettre commune publiée le 22 avril alors que l’administration Trump menace d’importantes coupes budgétaires sous le couvert de lutte contre l’antisémitisme.
« Nous nous élevons d’une seule voix contre l’ingérence politique sans précédent du gouvernement qui met actuellement en péril l’enseignement supérieur américain. Nous sommes ouverts à une réforme constructive et ne nous opposons pas à un contrôle gouvernemental légitime. Cependant, nous devons nous opposer à toute intrusion gouvernementale injustifiée. Nous devons rejeter l’utilisation coercitive du financement public de la recherche », peut-on lire.
Harvard, qui a vu 2,2 milliards de dollars de ses financements fédéraux gelés pour avoir refusé les demandes de contrôle notamment sur les admissions et recrutements, a porté plainte contre le gouvernement.