Le gif scientifique a désormais son festival (il était temps !)
Par Marine Dessaux | Le | Relations extérieures
Consacrer un festival au gif scientifique, inviter des experts à disserter sur la question et même organiser un concours, chapeauté par un jury de prestige : l’université de Franche-Comté l’a fait !
Un événement à côté duquel Campus Matin ne pouvait se permettre de passer et auquel nous avons assisté en ligne. Récit, explications et… palmarès !
Impossible de passer à côté du gif ! Cette image numérique animée souvent à caractère comique envahit les réseaux sociaux. Un phénomène de société, une nouvelle façon de communiquer même, qui inspire jusqu’aux femmes et hommes de sciences.
Il était devenu urgent d’en parler sous un angle académique ! Pourquoi pas à l’occasion d’un festival ? L’idée est venue à Jérémy Querenet, chargé de médiation à l’Université de Franche Comté, en plein confinement. Très vite, une petite équipe motivée s’est formée et a travaillé à ce que le projet prenne forme.
« L’inspiration est venue en s’échangeant des gifs entre collègues sur WhatsApp, se remémore-t-il. Ce sont des objets incongrus et insolites qui permettent de faire de la médiation scientifique. Comme tout objet populaire massivement partagé, il fait passer des représentations. Il est donc intéressant d’observer l’image des sciences qu’il véhicule ».
Conférences, masterclasses, ateliers, quizz : une semaine pour tout savoir sur le gif scientifique
Du 1er au 7 juillet dernier, le festival du Gif s’est déroulé sur Facebook via La Fabrikà, un espace de découverte scientifique et artistique de l’Université de Franche Comté. Au total, huit conférences, quatre masterclasses, trois ateliers et trois quizz ont été proposé aux festivaliers.
Tous les sujets y sont passés, la représentation des sciences, souvent caricaturale (vient immédiatement en tête l’image du scientifique aux cheveux en pétard qui fait exploser son labo), la place des femmes dans les gifs scientifiques, généralement présentées comme ignorantes, et l’aspect artistique de ces petits carrés.
Les intervenants, des enseignants-chercheurs et créateurs de gif ont apporté leur éclairage sur ce format populaire, notamment l’artiste canadien James Kerr plus connu comme 'Scorpion Dagger', célèbre pour ses collages de tableaux de la renaissance et pour s’être fixé l’objectif de publier un gif par jour pendant un an (un défi relevé haut la main !).
Un festival qui n’a pas de tabou
Les organisateurs du Festival du gif scientifique n’ont visiblement pas peur de la polémique. Faut-il prononcer « djif » (« jif » avec l’accent français) ou « guif » ? La polémique fait rage sur les réseaux sociaux, que la question divise.
La couleur est annoncée en pleine cérémonie d’ouverture : les animateurs du festival diront « jif » comme le préconise le créateur du format. Au risque d’alimenter de vieilles querelles…
Et le prix spécial du jury revient à …
Le clou du spectacle, qui a tenu en haleine les chercheurs comme le grand public : la sélection officielle puis la cérémonie de remise des prix, qui a distingué les meilleurs gifs scientifiques issus du concours lancé par la Fabrikà.
« Nous avons reçu une quarantaine de gif », explique Jérémy Querenet, organisateur du festival et maître de cérémonie. « Nous en avons sélectionné 16 dans la catégorie grand public et 12 dans la catégorie chercheurs. Parmi les participants, beaucoup de jeunes chercheurs, mais pas que des doctorants, et des familles, qui font notamment des expériences à la maison ».
Nous avons reçu de tout
Une sélection qui compte des gifs de toute sorte : comiques ou pas, très courts ou plus longs, en photo ou en dessin… Bref, des gifs pour tous les goûts et de tous les styles !
« Nous n’avons pas mis de limites trop strictes à ce qu’était un gif. Nous avons reçu de tout, il y a des gens qui ont presque fait un film d’animation, d’autres qui ont présenté une sorte de mini diaporama », dit Jérémy Querenet.
Les sujets sont divers également : des phénomènes naturels, des expériences, mais aussi, dans l’actualité, des clins d’œil à la pandémie de Covid-19.
Les lauréats
Aux dires du jury, départager les participants a été une épreuve complexe : « On a passé pas loin d’une demi-journée à se mettre d’accord », déclare Paul Boniface, médiateur scientifique de l’espace des sciences Pierre-Gilles de Gennes, pendant la cérémonie. Dans l’univers impitoyable du gif, l’ascension peut être rapide et la chute, vertigineuse.
Dans la catégorie chercheur, c’est Marie Lods, post-doctorante à l’Inserm de Bordeaux, qui remporte le prix spécial du jury pour son gif façon jeux vidéo rétro qui représente une technique utilisée dans les neurosciences : « C’est un petit doctorant qui doit réussir à choper ses cellules rendues fluorescentes pour pouvoir, avec sa pipette en verre, enregistrer le signal électrique des neurones », explique-t-elle.
Avec 53 voix, Jean-François Thullier, enseignant-chercheur de l’académie Orléans-Tours, emporte le prix du public pour son gif sur le fameux test du PH avec du chou rouge.
Dans la catégorie grand public, le prix spécial du jury revient à Justine Frison, étudiante en biologie-écologie à l’Université Franche-Comté, pour sa représentation d’une manipulation au microscope.
Et le prix du public est décerné à Jonhattan Vidal, ingénieur d’études au ministère de la Culture (service régional de l’archéologie de l’océan Indien) avec 42 voix, pour sa représentation de télédétection par laser, une technique utilisée en archéologie pour détecter les vestiges archéologiques sous la végétation. L’idée étant de faire « une image un peu animée sans que ce soit une vidéo », qui puisse être utilisée dans un colloque.
La bonne nouvelle
C’est que vous pouvez revivre en différé tout le festival, qui consiste en un ensemble de vidéos, sur la page Facebook dédiée.
Mais aussi qu’une deuxième édition est envisagée : « Le succès de cette première édition nous incite à penser à une nouvelle édition », déclare Jérémy Querenet.
Un petit festival qui fera peut-être bientôt de l’ombre aux grands !