Vie des campus

Art + université + culture : « La culture est souvent considérée comme ‘la cerise sur le gâteau’ »

Par Marine Dessaux | Le | Relations extérieures

Communiquer sur la nouvelle convention-cadre, favoriser l’accès à la vie artistique, faire connaître les actions culturelles dans les services : les co-présidents d’Art + université + culture dévoilent les grandes priorités du réseau pour 2025.

Les campus accueillent des artistes et organisent des actions culturelles. - © Jon Buzz / Université Paris Saclay
Les campus accueillent des artistes et organisent des actions culturelles. - © Jon Buzz / Université Paris Saclay

Devenue association en 1990, Art + université + culture (A+U+C) est le réseau national de l’action culturelle dans l’enseignement supérieur et la recherche (ESR). 70 universités françaises y sont adhérentes.

Sybille Lajus, vice-présidente culture, sport et vie étudiante de l’Université de Poitiers, et Olivier Kahn, directeur en charge des arts, de la culture et des activités sciences et société à l’Université Paris-Saclay, en sont les co-présidents.

Ils partagent à Campus Matin leurs actualités, notamment la signature d’une nouvelle convention-cadre pour la culture dans les établissements d’enseignement supérieur par le ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche (MESR) ainsi que celui de la culture, France Universités et le Centre national des œuvres universitaires et scolaires en juin 2024.

Quelles sont les activités d’A+U+C ?

Olivier Kahn est co-président d’A+U+C. - © D.R.
Olivier Kahn est co-président d’A+U+C. - © D.R.

Olivier Kahn : Nous avons des groupes de travail thématiques, notamment sur les sciences, la culture et la société ; la création contemporaine ou encore les actions des établissements avec les artistes. Nous n’organisons pas de colloque annuel, mais proposons des journées thématiques comme celle du 28 novembre 2024 sur la jeunesse et la culture dans un monde en transitions.

Nous sommes un réseau d’échanges de pratiques et offrons plusieurs services à nos membres (accompagnement, mise à disposition de ressources…). Enfin, nous avons une activité de conseil et d’expertise. Nous participons par exemple au comité de pilotage des Rencontres sur l’action culturelle et artistique dans l’enseignement supérieur, un séminaire organisé chaque année par le MESR.

Sybille Lajus : Nous avons des échanges réguliers et constructifs avec la direction générale de l’enseignement supérieur et de l’insertion professionnelle (Dgesip) sur les sujets qui concernent les politiques culturelles des établissements d’ESR — que ce soit sur le volet vie étudiante, formation ou recherche — et plus récemment sur l’accompagnement des étudiants et étudiantes artistes à besoins particuliers.

Que retenez-vous de la journée d’A+U+C « Jeunesse et culture dans un monde en transitions » ?

Sybille Lajus : Les participants ont apprécié le fait que la thématique soit large : ainsi, chacun pouvait y trouver son compte selon sa problématique. Nous avons constaté une grande diversité d’expertises, mais parfois une mauvaise connaissance de ce qui pouvait être fait, d’où l’intérêt d’avoir pu co-organiser cette journée avec d’autres réseaux (les réseaux dédiés à la vie étudiante RVE et Vécu, celui des étudiants vice-présidents CEVPU et des associations étudiantes, Animafac). La place des artistes, tout comme les prises de paroles étudiantes tout au long de la journée, ont permis de nourrir la réflexion.

Olivier Kahn  : La journée a débuté par une intervention de chercheurs, avec une synthèse large sur l’évolution des pratiques des jeunes et leur impact sur les pratiques culturelles et artistiques. Ensuite, nous avons présenté des cas concrets, en confrontant les points de vue des étudiants, des élus et des responsables de services culturels.

Beaucoup d’étudiants et de collègues des autres services ne connaissent pas ce qui est fait. Le service culturel n’est pas encore intégré en soi comme un acteur logique, cohérent et naturel. Il y a peut-être une nouvelle méthode de travail à trouver quant au positionnement des services culturels dans les établissements.

Le 28 novembre, A+U+C organisait une journée sur le thème « Jeunesse et culture dans un monde en transitions ». - © A+U+C
Le 28 novembre, A+U+C organisait une journée sur le thème « Jeunesse et culture dans un monde en transitions ». - © A+U+C

Une nouvelle convention-cadre intitulée « Campus, territoires de culture » a remplacé celle de 2013 « Université, lieu de culture »…

Olivier Kahn  : Nous avons travaillé avec les signataires pour que ce soit une convention-cadre avec des objectifs clairs  :

  • développer les coopérations et les partenariats ;
  • favoriser l’accès et la participation de tous à la vie artistique et culturelle ;
  • affirmer le rôle d’acteur culturel des campus.

Autre préoccupation centrale  : mieux interconnecter les campus avec leurs territoires. Une dimension science avec et pour la société (Saps) plus forte est intégrée tout au long du texte.

Sybille Lajus : Le pré-projet du nouveau bureau d’A+U+C doit encore être validé par nos instances, mais l’année à venir devrait être consacrée à plusieurs actions d’appui à la diffusion de cette convention pour permettre à tous les acteurs et partenaires de s’en emparer. Au travers, par exemple, du prochain numéro des Nouveaux cahiers d’A+U+C qui mettra en avant des partages d’expériences et de bonnes pratiques en lien avec les orientations de la convention-cadre.

Où en sont les enquêtes sur l’emploi de la CVEC entamées en 2024 ?

Sybille Lajus est co-présidente d’A+U+C. - © D.R.
Sybille Lajus est co-présidente d’A+U+C. - © D.R.

Sybille Lajus : Il y a d’une part l’enquête nationale pilotée par le MESR ; notre réseau est en lien avec le ministère à ce sujet et nous restons très attentifs aux résultats qui permettent de situer la part de la contribution vie étudiante et de campus (CVEC) consacrée à la culture.

Et d’autre part, celle que notre réseau veut porter, « CVEC et Culture », dont l’un des objectifs est d’évaluer la proportion des financements CVEC dans le budget global des services. Cela nous permettra également de veiller à ce que les financements de l’action culturelle dans l’ESR ne reposent pas uniquement sur la CVEC.

Olivier Kahn  : Dans nos groupes de travail, nous avons souvent des échanges sur ce sujet. Les établissements utilisent ces financements de manière très différente.

Quelle est la place de l’art sur les campus ?

Sybille Lajus : La culture est souvent considérée comme « la cerise sur le gâteau ». Le préambule de la convention-cadre est significatif pour montrer qu’elle est nécessaire  : il met en avant le rôle de coordination des établissements d’ESR en matière d’actions culturelles.

Olivier Kahn  : Un des enjeux majeurs est de rendre la culture accessible à tous, que ce soit en termes de prix ou d’accessibilité et de la considérer comme complémentaire à la formation. Pour cela, il faut réfléchir à la façon dont les services travaillent avec les élus étudiants.

Quel impact de la crise budgétaire des universités sur la culture ?

Sybille Lajus : Nous avons quelques échos, comme la suppression d’un poste et la réduction du nombre d’actions culturelles dans une université. Mais nous voulons sonder nos membres pour avoir une vision plus précise. La situation actuelle semble rester stable — car les actions sont souvent pensées en années universitaires, même si les budgets sont calculés en années civiles —, mais l’avenir nous inquiète. La culture est souvent l’un des premiers budgets impactés en cas de crise.

Quels enjeux RH rencontrent les services culturels ?

Olivier Kahn  : Il y a un turn-over important dans les universités, car beaucoup de postes sont en CDD ou en vacation. Il y a également une surcharge de travail qui s’explique par le fait que les équipes peuvent, sur le papier, tout faire : gérer le patrimoine et les œuvres d’art, organiser des actions pour les étudiants, les scolaires et le grand public… L’enjeu principal est de réussir à recentrer la politique culturelle sur deux ou trois axes forts.

Quels sont vos autres projets pour l’année à venir ?

Sybille Lajus : Une enquête qui nous tient particulièrement à cœur concerne la présence de la culture dans les projets européens. Les alliances d’universités européennes intègrent parfois une dimension culturelle, mais celle-ci est souvent oubliée ou sous-évaluée. Pourtant, ces aspects sont bien appréciés lorsqu’ils sont pris en compte et nous pensons qu’ils méritent une attention renforcée.

Olivier Kahn  : Nous avons interrogé nos membres sur les alliances, mobilités et programmes européens, mais les résultats restent limités. L’objectif maintenant serait de travailler avec France Universités pour compléter nos données avec les directions des relations internationales des établissements.

Le prochain événement où vous suivre ?

Sybille Lajus : Nous serons présents le 16 juillet prochain au festival d’Avignon, avec une rencontre dont le programme, en cours d’élaboration, s’articulera autour de la mise en lumière de trois spectacles étudiants à Avignon Université. L’objectif est de permettre à ces projets de déboucher sur des perspectives concrètes, comme l’achat d’un spectacle, et de montrer que les établissements d’ESR sont des lieux d’émergence artistique.