La vie étudiante, enfin sur le devant de la scène ?
Par Marine Dessaux | Le | Expérience étudiante
Peu mentionnées avant la crise sanitaire, les problématiques de vie étudiante ont fait l’objet d’une prise de conscience collective et s’immiscent désormais dans le discours des candidats à la présidentielle. Quel état des lieux ? Quels enjeux clés ? Les présidents du réseau des vice-présidents vie étudiante, de campus et universitaire, Vécu, s’expriment sur ces questions.
« La thématique de la vie étudiante est sur le devant de la scène et il faut qu’elle le reste ! » En tant que co-président du réseau des vice-présidents vie étudiante, de campus et universitaire, Vécu, Laurent Bordet se réjouit de l’intérêt croissant pour les questions ayant attrait à l’expérience étudiante au-delà des cours.
Une observation que partage Laurence Canteri, aux côtés de son confrère à la tête du réseau Vécu : « Il y a cinq ans, il n’y avait pas autant d’intérêt porté à ce sujet qu’aujourd’hui. Les candidats s’intéressent à ces questions-là, la crise a mis la question étudiante sur le devant de la scène. »
Au sein des établissements également, la vie étudiante est de plus en plus reconnue. « Nous avons vu de plus en plus de vice-présidences être créées sur ces fonctions-là depuis la crise », observe-t-elle.
La précarité, un enjeu majeur sans être le seul
Ce sont tout particulièrement les images d’étudiants faisant la queue pour bénéficier de repas à un euro, ou des distributions de paniers-repas gratuits, qui ont alerté l’opinion publique quant à la précarité étudiante. Néanmoins, « il y a beaucoup d’aspects importants liés à la vie étudiante, la précarité, mais pas seulement », souligne la vice-présidente du conseil de la vie universitaire de l’Université de Lorraine.
« Je préfère parler des fragilités étudiantes plutôt que de précarité, nuance Laurent Bordet. On a bien vu avec la crise que certains étudiants qui n’étaient pas en difficulté se sont retrouvés dans une situation précaire. Il faut donc travailler en amont pour prévenir cette précarité. Cependant, nous avons du mal à en avoir une vision fine, à la définir, en raison de la multiplicité des acteurs sur ce sujet. »
Autre enjeu phare : l’équité d’accès aux structures de vie étudiante dans les campus délocalisés, notamment au niveau « des services de santé, le sport, la culture », énumère Laurence Canteri.
« Il y a certains endroits où la restauration à un euro n’est pas disponible. Il y a une problématique de conventionnement avec les établissements, les collèges peuvent être une piste à ce niveau », complète Laurent Bordet.
Regrouper les données éparpillées et créer des indicateurs
Pour une meilleure gestion des enjeux de vie étudiante et de campus, l’un des objectifs du réseau Vécu est de créer des indicateurs spécifiques. « Nous n’avons pas d’indicateurs dans les rapports d’auto-évaluation, pas de ligne directrice, rapporte Laurent Bordet. Nous manquons cruellement de données propres à nos établissements, elles sont souvent éparpillées. Et nos échanges avec la direction générale de l’enseignement supérieur et de l’insertion professionnelle (Dgesip) montrent que le constat est partagé. »
Un projet qui suppose de travailler avec les différents protagonistes du secteur. « Il y a une multitude d’acteurs sur les thématiques de la vie étudiante : les Crous, le Centre national des œuvres universitaires et scolaires (Cnous), les acteurs territoriaux. Il faut également composer avec nos vice-présidents étudiants avec lesquels on travaille main dans la main ainsi que les élus des différents conseils », poursuit le vice-président vie de campus de l’Université d’Angers.
Par ailleurs, « Il y aussi une volonté du ministère d’avoir un rectorat vie étudiante. Nous devons structurer les pôles étudiant et vie de campus dans nos établissements », estime-t-il.
Aller plus loin dans la reconnaissance
Le réseau ambitionne une meilleure visibilité : « Notre objectif est de nous faire connaitre par l’ensemble des acteurs nationaux. Nous avons déjà rencontré l’Association des villes universitaires de France (Avuf), le réseau d’associations étudiantes, Animafac, la Dgesip… Récemment, nous avons été auditionnés par le Sénat pour la mission d’information sur les conditions de la vie étudiante en France », expose Laurence Canteri.
Le réseau Vécu vise par ailleurs une inscription de la vie étudiante « comme mission des universités ». « À partir de là, on pourra enclencher des actions plus spécifiques », indique Laurent Bordet.
Des transformations à imaginer grâce à la CVEC
Instaurée depuis la rentrée 2018, la contribution vie étudiante et de campus (CVEC), constitue une source de financement pour les actions culturelles, sociales, sportives et de santé. En 2020, ce budget a été utilisé pour « soutenir les étudiants en difficulté, avec de aides directes, pour lutter contre la précarité numérique », indique Laurence Canteri.
« La CVEC et la crise se sont bien mariées, car cela a permis une souplesse de mise en place des dispositifs d’aides. Nous manquons cependant d’outils de pilotage, dit Laurent Bordet. Il y a un besoin de professionnaliser la gestion de la CVEC. »
Finalement, « nous n’avons jamais connu une année normale de l’utilisation de la CVEC, l’année 2022 est une année 0 », explique le co-président de Vécu.
Un vaste champ des possibles
Et pour cette « année 0 » d’utilisation de la CVEC, les transformations possibles sont diverses. « On peut imaginer la construction de maisons d’accueil dédiées à la vie étudiante où seraient regroupés les services dédiés, mais aussi à des extensions de gymnases… L’utilisation de la CVEC n’est pas toujours liée qu’à du matériel. En lien avec les questions de santé mentale, on peut imaginer le recrutement d’un psychologue par exemple. Le champ est vaste et il faut s’adapter à chaque établissement », énumère celle qui a participé à fonder Vécu.
Parmi les initiatives existantes, des projets de mutualisation des moyens se distinguent. « Dans les Pays de la Loire, les universités d’Angers, de Nantes et du Mans expérimentent le déploiement d’une ligne d’écoute en santé mentale », informe Laurent Bordet.
Le réseau Vécu
Ouvert aux vice-présidents affectés aux questions de vie étudiante et de campus au sein des établissements membres de France Universités, le réseau Vécu compte aujourd’hui 70 membres.
Présent sur Twitter et, depuis récemment, sur LinkedIn, il ambitionne de créer un site internet « pour valoriser les projets et donner rapidement accès à une base de données pour les personnes qui entreraient dans le réseau ».
Autre projet : l’organisation d’un séminaire à Avignon, les 24 et 25 juin. L’objectif de ce regroupement est d’ « aboutir à une cartographie des fonctions des membres ».