Améliorer le bien-être étudiant ? Pensez au bureau des temps !
Par Isabelle Cormaty | Le | Expérience étudiante
Comment mieux articuler le temps des étudiants et le temps universitaire ? En pointe sur cette thématique, l’Université de Poitiers a officiellement lancé le 25 novembre son bureau des temps installé au sein de la Maison des étudiants. Il s’agit la première structure de ce type créée dans un établissement du supérieur.
« De toute façon à l’université, vous ne prenez jamais en compte notre temps à nous les étudiants ! » C’est de cette critique lancée par un étudiant au détour d’un atelier à la Maison des étudiants, il y a quelques années, qu’a émergée la problématique du temps à l'Université de Poitiers.
« On s’est rendu compte qu’on se basait surtout sur des sensations, sans jamais avoir de chiffres réels sur cette question du temps », témoignage Cécile Magnant, directrice de la Maison des étudiants (MDE) de cette université. En 2018, l’établissement organise alors une enquête statistique intitulée « Temps et conditions de vie des étudiants » avec l’appui du projet Idéfi PaRé sur la réussite étudiante.
En février dernier, l’université a créé un Bureau des temps au sein de la MDE afin de mieux prendre en compte les questions temporelles dans la vie étudiante. Première structure créée dans un établissement du supérieur, ce bureau a été officiellement lancé le 25 novembre dernier à l’occasion de la Semaine du temps universitaire organisée sous format hybride.
Le temps, une problématique transversale
Le bureau des temps, une invention italienne
Nés en Italie dans les années 1980, les bureaux des temps ont été créés au départ pour faciliter l’accès des femmes au marché du travail. Par des horaires décalés et des services adaptés au travail de chacun, ils tentent d’articuler vie personnelle et professionnelle et de mieux répartir les tâches entre les genres.
En 2000, le gouvernement italien impose même la création d’un bureau des temps dans toutes les villes de plus de 30 000 habitants. De tels bureaux essaiment ensuite en Europe et en France avec plus ou moins de succès.
Une problématique à la croisée de plusieurs domaines
Très impliqué dans la création du bureau des temps de l’Université de Poitiers, Dominique Royoux, professeur des universités, cite plusieurs axes de travail afin de mieux prendre en compte le temps des étudiants.
« La question des horaires, des services pour les parents, et de la mobilité va nous préoccuper. J’ai beaucoup entendu que les périodes d’examen, quand tout le monde vient sur le campus à la même heure, n’étaient pas communiquées aux services de transport », détaille-t-il lors de la Semaine du temps universitaire.
Autre axe de travail évoqué : la relation entre le temps et l’espace.
« Je sens en tant qu’enseignant-chercheur le décalage entre la multiplication des amphis et le besoin de réunir les étudiants en petits groupes avec la l’augmentation du nombre d’options. On manque de lieux où les étudiants peuvent se réunir entre les cours », ajoute Dominique Royoux.
La chargée de mission du bureau des temps Edi Omle complète : « Le dimanche par exemple, quand l’université et les BU sont fermées, comment on s’organise avec la ville pour ouvrir des espaces de travail pour les étudiants à Poitiers ? »
Un champ d’action vaste et des interlocuteurs multiples
Travailler avec les services des universités et la municipalité
Question transversale, la prise en compte du temps nécessite le coordination d’acteurs divers au sein et en dehors de l’université. « J’ai rencontré les différents services des universités, celui qui s’occupe de la formation du personnel et les enseignants », précise la chargée de mission du bureau des temps.
Edi Omle et Dominique Royoux ont par ailleurs discuté avec la nouvelle municipalité écologiste élue fin juin. Théo Saget, conseiller municipal de Poitiers délégué à l’Agence des Temps salue la création de ce bureau au sein de l’université.
« Certaines villes comme Rennes et Nantes utilisent la question du temps comme angle d’attaque pour réfléchir à l’aménagement du territoire, aux mobilités », explique-t-il à Campus Matin.
L’élu local entend donc travailler avec l’université et relancer l’Agence des temps de Poitiers créée en 2001, mais dont l’activité s’était depuis arrêtée.
Des restitutions faites par des artistes
Un peu perturbée par les confinements successifs, l’activité du bureau des temps comprend également une partie culturelle. La MDE s’est aussi associée avec des artistes qui ont mis en lumière la question du temps dans la vie des étudiants.
Le réalisateur Antony Fayada a ainsi monté un film documentaire « Je travaille pour pouvoir étudier » avec des témoignages d’étudiants salariés. Le film a été projeté à l’occasion de la Semaine du temps universitaire. D’autres actions ont été menées comme un recueil de témoignages d’étudiants sur la manière dont ils ont vécu le confinement du printemps dernier par exemple.
Quid de la problématique du temps dans le reste de la France ?
Sur le territoire national, une trentaine de structures similaires existent déjà à l’échelle communale. Paris, Marseille, Toulouse, Rennes, Lille ou encore Dijon disposent par exemple de leur bureau des temps.
Parmi les actions fréquemment menées par ces bureaux figurent la proposition d’activités culturelles ou sportives avec des horaires décalés, la fermeture plus tardive des services administratifs, crèches ou piscines, la meilleure adaptation entre l’offre de transport et la demande.
Si l’université de Poitiers devient le premier établissement d’enseignement supérieur à se doter d’un bureau des temps, certaines villes prennent également en compte les problématiques de la jeunesse. L'ouverture des bibliothèques universitaires ou municipales le dimanche et en soirée, parfois réclamée par les étudiants fait généralement partie de leurs axes de travail.