Vie des campus

Le mois de l’égalité renforcé à l’Université Paris Nanterre : « Un choix politique fort »


En mars, l’Université Paris Nanterre a orchestré la deuxième édition de son mois de l’égalité, articulée autour de quatre thématiques : genre, droits des personnes LGBTQIA +, lutte contre le racisme et l’antisémitisme et inclusion des personnes en situation de handicap. Cette initiative a pris de l’ampleur cette année avec, au programme, des formations pour les personnels, des événements culturels, des conférences de recherche et des actions de sensibilisation. Retour d’expérience.

47 événements ont été organisés dans le cadre du mois de l’égalité à l’Université Paris Nanterre. - © Université Paris Nanterre
47 événements ont été organisés dans le cadre du mois de l’égalité à l’Université Paris Nanterre. - © Université Paris Nanterre

Nicolas Bourbon, enseignant à l’Université Paris Nanterre au sein de l’IUT de Ville-d’Avray et vice-président en charge de l’égalité, de l’inclusion et de la non-discrimination, répond à Campus Matin.

Comment s’est déroulé le mois de l’égalité à l’Université Paris Nanterre ?

Des thématiques sur la base des signalements reçus le plus fréquemment.

Nicolas Bourbon : Nous avons organisé quatre semaines thématiques, autour du genre, des droits des personnes LGBTQIA +, et de la lutte contre le racisme et l’antisémitisme et sur l’inclusion des personnes en situation de handicap. Nous avons sélectionné les thématiques sur la base des signalements que nous avions reçus le plus fréquemment afin de lutter contre les discriminations : les violences sexistes et sexuelles, les difficultés à faire reconnaître un handicap, les agissements LGBTphobes ou encore les agissements haineux, racistes ou antisémites… L’objectif est de sensibiliser et former au mieux à partir de ce que nous avons identifié comme touchant principalement nos étudiantes et étudiants en fonction des signalements.

Deux dispositifs de signalement existent : une cellule de signalements des violences sexistes et sexuelles (VSS) et une cellule dédiée aux discriminations et agissements discriminatoires ou haineux. Nous avons reçu environ soixante signalements liés aux VSS (des propos sexistes aux faits les plus graves) et quarante-deux signalements pour d’autres formes de discriminations pour l’année universitaire 2024-2025. Ces deux dispositifs sont ouverts à toute la communauté universitaire : personnels comme étudiants.

Le budget alloué par la contribution vie étudiante et de campus (CVEC) est de 50 000 euros. Un complément de 5 000 à 7 000 euros a été mobilisé par l’université pour les formations et les événements spécifiques pour les personnels.

Quels étaient les formats proposés ?

Nous avons structuré notre mois de l’égalité autour d’événements culturels majeurs mais aussi pour la visibilité des acteurs associatifs et territoriaux tout en assurant une stratégie de formation et de valorisation de la recherche à l’Université Paris Nanterre.

Nicolas Bourbon est vice-président en charge de l’égalité, de l’inclusion et de la non-discrimination de l’Université Paris Nanterre. - © Université Paris Nanterre
Nicolas Bourbon est vice-président en charge de l’égalité, de l’inclusion et de la non-discrimination de l’Université Paris Nanterre. - © Université Paris Nanterre

Tous les mardis, le village de l’égalité rassemble des associations différentes et reconnues, en lien avec la thématique de la semaine, dans le hall de la bibliothèque universitaire de l’Université Paris Nanterre, un lieu de passage important.

Il y avait des ateliers en accès libre, des conférences de recherche (« En finir avec les violences obstétricales et gynécologiques » par exemple), ainsi qu’une journée d’étude, projet porté et construit par une doctorante sur les questions de genre à travers les disciplines, afin de valoriser les travaux de nos doctorants et doctorantes. Une journée spécifique a aussi été consacrée à un colloque « Consentement et droit pénal ».

Nous ne voulions pas limiter nos actions au format classique des conférences. Nous voulions que cette sensibilisation s’inspire aussi de ce qui se fait en dehors de l’université. Nous avons donc proposé des événements festifs ou culturels, chaque jeudi, notamment un spectacle de stand-up de l’humoriste Tahnee et une soirée d’éloquence sur l’égalité, partenariat de l’association étudiante Eloquentia et le groupe local d’Amnesty International France.

Nous avons également veillé à organiser au moins un événement par semaine sur les sites décentrés : IUT de Ville-d’Avray, Saint-Cloud, Pôle Léonard de Vinci. Certains événements étaient ouverts au grand public, et donc nous nous sommes rapprochés de la mairie, du département, pour que les acteurs locaux puissent relayer cette programmation. Le journal de la mairie de Nanterre, par exemple, en a parlé.

Quels événements dédiés aux personnels ?

La nouveauté cette année est d’avoir proposé des formations pour les agents chaque semaine, avec au moins une formation dispensée par des formateurs agréés.

Nous nous sommes appuyés sur la direction des ressources humaines (DRH) et le pôle accompagnement des parcours professionnels pour soutenir l’offre de formation. Avec la mission égalité, elles ont coordonné l’organisation et la diffusion de l’information via la direction générale des services et la présidence, afin d’inciter les agents à s’inscrire. Les formations ont plutôt bien voire très bien fonctionné.

Nous savons que beaucoup de personnels sont pris dans leur quotidien, et que nous souffrons d’un sous-effectif important parmi les personnels Biatss, mais le relais des responsables administratifs nous aide à montrer que cette politique est une priorité et à inciter à l’inscription. L’objectif est de former, en prévision de situations qui pourraient survenir un jour.

Un atelier de passage proposait une sensibilisation au handicap invisible par la réalité virtuelle. - © Université Paris Nanterre
Un atelier de passage proposait une sensibilisation au handicap invisible par la réalité virtuelle. - © Université Paris Nanterre

Les personnels ont pu suivre :

  • une initiation à l’autodéfense verbale avec une coach ;
  • une formation sur les transidentités et l’accueil des personnes trans dans l’enseignement supérieur et la recherche, en partenariat avec OUTrans, association partenaire du ministère ;
  • un atelier sur la lutte contre le racisme et l’antisémitisme, avec le Mémorial de la Shoah ;
  • une initiation à la langue des signes française (LSF) par l’association Signaux 92 ;
  • une sensibilisation au handicap invisible avec V Bird.

Ces actions sont spécifiques à notre mois de l’égalité, mais une partie est intégrée à notre catalogue de formation dans le cadre de notre plan d’action pour l’égalité professionnelle et la non-discrimination.

Se mettre à la place des personnes en situation de handicap

Isabelle Girard, responsable de la programmation et des actions transversales, a suivi la formation en réalité virtuelle de sensibilisation aux handicaps « Je l’ai trouvé particulièrement frappante pour comprendre les handicaps visuels comme le daltonisme. J’ai grandi dans un monde où ce genre de handicaps n’étaient pas reconnus et où on inculquait à prendre sur soi. Ce genre d’atelier permet de se mettre à leur place et à comprendre qu’il faut agir », témoigne-t-elle.

Quelles évolutions sont intervenues depuis la première édition ?

L’an dernier, nous avions organisé une trentaine d’événements. Cette année, avec le soutien du pôle handicap, nous en avons proposé 47, avec comme nouveauté les événements festifs.

Nous avons recruté une chargée de projet événementiel, dédiée à la sensibilisation et à la communication et à la gestion de l’événementiel. L’équipe de la mission égalité est aujourd’hui composée de trois agents, dont une chargée de projet affaires sociales spécialement dédiée à l’accueil des signalements. L’an prochain, un chargé de projet supplémentaire prendra en charge le périmètre de la formation des personnels.

Historiquement rattachée à la médecine préventive, la mission égalité est désormais intégrée aux services centraux. Elle sera renommée dans les prochains mois pour devenir le centre de coordination pour l’égalité et la non-discrimination.

Aux États-Unis, les départements équité, diversité, inclusion sont attaqués par le gouvernement, est-ce que ce contexte a impacté le mois de l’égalité ?

Rassurer les personnels sur la volonté politique de l’université.

Notre université est très axée sur les sciences humaines et sociales. Dans le contexte international, les chercheuses et chercheurs sont donc inquiets. Le contexte n’a pas impacté la programmation ou contenu, mais il a sûrement renforcé son importance. D’abord il a contribué à rassurer les personnels sur la volonté politique de l’université. Malgré un contexte budgétaire difficile, la lutte contre les discriminations et la promotion de l’égalité entre toutes et tous reste une priorité de la présidence. Il s’agit d’un choix politique très fort.

Deux événements ont particulièrement marqué les esprits : la représentation du procès de Bobigny qui revenait sur le sujet du viol et de l’avortement et a réuni entre plus de 250 étudiants ; et le Nanterre drag show, dont les 350 places pour y assister sont parties en moins d’une semaine. Ce mois de l’égalité a fait beaucoup de bien. Nous avons reçu de nombreux retours positifs, cela a été perçu comme important et rassurant pour la communauté universitaire de Nanterre.

Un collectif d’étudiants d’extrême droite, Eros, s’est exprimé contre le drag show et s’est infiltré dans un atelier sur la transidentité. Comment réagissez-vous aux critiques contre le financement par la CVEC de ces événements ?

Le drag show organisé lors du mois de l’égalité est un projet porté par des étudiants. - © Université Paris Nanterre
Le drag show organisé lors du mois de l’égalité est un projet porté par des étudiants. - © Université Paris Nanterre

Le projet a été présenté en commission CVEC qui compte des élus étudiants et voté à l’unanimité, avec une seule abstention. Beaucoup de projets notamment culturels sont portés par des étudiants, il est donc normal que la CVEC serve à le financer.

Si on prend le drag show, la restitution n’est que le point d’orgue de tout ce qui a été fait dans l’année par les étudiants, autour de l’art du drag - maquillage, expression orale, danse, etc. En tant qu’institution publique, nous sommes tenus par le code de l’éducation de promouvoir les valeurs de la République, dont l’égalité, et de lutter contre les discriminations : l’université ne fait qu’assurer son service public.

Les événements culturels sont essentiels pour la vie universitaire étudiante. Nous ne pouvons qu’être fiers de ce projet autant pour la qualité des performances artistiques que pour le succès qu’il a connu auprès de notre communauté étudiante mais aussi des personnels.

Allez-vous évaluer la satisfaction de la communauté universitaire ?

Pour les formations, nous demandons systématiquement un retour des personnels. En revanche, nous n’avons pas encore réalisé d’enquête spécifique auprès des étudiants. Mais on peut voir un impact, avec le fait qu’en mars, les dispositifs de signalement (VSS, discriminations) sont davantage saisis. Cela montre que les événements rendent visibles les dispositifs existants.

La participation aux événements est également un indicateur de la portée de notre communication. Cela témoigne du fait que ces sujets sont visibles et que l’établissement s’en saisit.

Concepts clés et définitions : #Biatss ou bibliothécaires, ingénieurs, administratifs, techniciens, personnels sociaux et de santé