2024, une année de renouvellement pour les gouvernances universitaires
Par Isabelle Cormaty | Le | Stratégies
46 % des établissements universitaires renouvellent leurs instances en 2024 et organisent des élections pour les conseils centraux, puis pour la présidence. Campus Matin vous résume les premiers résultats, les surprises, les rebondissements et les enjeux qui sous-tendent ces élections, notamment dans les établissements publics expérimentaux, où la désignation du président répond à des règles spécifiques.
En 2024, direction les urnes ! L’ensemble des électeurs européens sont appelés à élire leurs représentants au Parlement européen du 6 au 9 juin prochain. Et dans 33 établissements universitaires, cette année sera aussi synonyme d’élections, aux conseils centraux cette fois.
46 % des universités ou établissements publics expérimentaux (EPE) renouvellent en effet leur présidence cette année. Tour d’horizon des premiers résultats, des surprises et des principaux enjeux.
Trois présidents réélus et une nouvelle présidente
Depuis le début d’année, trois présidents ont été réélus à la tête de leur établissement pour un second mandat :
- Éric Berton à Aix-Marseille Université, avec 83 % des voix le 9 janvier. Il était le seul candidat. Lors des élections pour les conseils centraux en novembre, les listes Pair (Partagée, attractive, innovante, rayonnante) soutenant sa candidature étaient arrivées en tête, avec 12 sièges sur 16 dans les collèges A et B des enseignants-chercheurs.
- Jeanick Brisswalter à Université Côte d’Azur, le 9 janvier avec 27 voix sur 36. Il était opposé à Luc Pronzato, directeur de recherche au CNRS et chef de file de la liste « Service public et démocratie universitaire ». Président de l’établissement public expérimental depuis sa création en janvier 2020, Jeanick Brisswalter doit désormais conduire la sortie de l’expérimentation sous forme de grand établissement prévue pour juillet 2024.
- Dominique Federici, à l’Université de Corse le 12 février. Lors des élections pour les conseils centraux en janvier, les listes soutenant sa candidature avaient décroché l’ensemble des 14 sièges des collèges A et B des enseignants-chercheurs au conseil d’administration.
Une PU-PH à la tête de l’Université Toulouse 3 Paul Sabatier
C’est un nouveau visage dans l’écosystème de l’enseignement supérieur toulousain ! La professeure de médecine interne et cheffe adjointe de l’Institut universitaire du cancer oncopole du CHU de Toulouse, Odile Rauzy, a été élue le 15 janvier présidente de l’Université Toulouse 3 Paul Sabatier avec 21 voix. Elle était jusqu’alors vice-doyenne de la faculté de santé de l’établissement.
Également PU-PH, sa concurrente, Isabelle Berry obtient 12 voix. Jean-Marc Broto, président de l’établissement de 2020 à 2024 l’avait désignée comme sa successeure.
Alors que la structuration du site toulousain est encore à définir, les listes Ensemble qui ont soutenu Odile Rauzy sont favorables à « la construction d’une grande université de recherche avec l’Université de Toulouse ». Elles avaient soutenu en avril dernier la candidature de Mike Toplis à la présidence de la Comue expérimentale créée en janvier 2023.
Des rebondissements à Saclay et Grenoble
Toujours pas de fumée blanche à Saclay ! À l’issue des élections pour les conseils centraux qui se sont déroulées du 29 janvier au 2 février, Estelle Iacona, qui conduit la liste « Ensemble, Construisons l’avenir » a obtenu quatre sièges au conseil d’administration de l’Université Paris-Saclay.
La présidente sortante avait pris la tête de l’établissement en juin 2022, après la nomination de Sylvie Retailleau au Gouvernement. Son adversaire, Yves Bernard, a obtenu six sièges. L’ancien directeur de Polytech Saclay est soutenu par les listes pour une Université humaniste, démocratique et écologique, conduites par la CGT et la FSU.
« Le programme de la présidente sortante, qui s’inscrit dans la droite ligne de son mandat, a été désavoué. Le conseil d’administration est désormais composé d’une majorité d’élus portant, depuis plusieurs mois, une méthode, une démarche et un projet de sortie de l’expérimentation différents de ceux de la présidence sortante », réagissent le 5 février les élus des listes soutenues par plusieurs syndicats (SNCS-FSU, SNPTES-Unsa, Sgen-CFDT et CGT).
Le 9 février, les élus au conseil d’administration se sont réunis pour élire les 18 personnalités qualifiées extérieures composées d’académiques et de représentants des collectivités territoriales et du monde socioprofessionnel. Une liste proposée par le comité de direction élargi de l’établissement, dont fait partie Estelle Iacona et qui a finalement été rejetée par le conseil d’administration.
Un nouveau vote sera donc organisé le 28 février. En cas de nouvel échec, la procédure d’appel à candidatures pour ces personnalités devra être rouverte.
L’ensemble du processus trainant en longueur, une administration provisoire se profile pour l’établissement.
Derrière cette impasse, se cachent des tensions sur la transformation institutionnelle de l’université, avec une sortie de l’expérimentation prévue au 1er janvier 2025. L’intégration sans fusion des universités d’Évry et de Versailles dans le futur grand établissement à la même date doit entraîner des modifications statutaires. Une évolution que plusieurs composantes et organisations syndicales jugent précipitée.
Le statut dérogatoire des EPE en question
Dans une lettre diffusée le 13 février, le syndicat national de l’enseignement supérieur Snesup-FSU pointe les statuts dérogatoires des EPE qui « étouffent la démocratie universitaire » selon lui et se dit « attentif à ce que les élections respectent le droit des électeurs ».
À l’Université Côte d’Azur, le président sortant Jeanick Brisswalter « a pu se maintenir uniquement grâce aux personnalités extérieures nommées par les tutelles alors que la liste intersyndicale a obtenu autant de sièges au conseil d’administration que la liste présidentielle », dénonce-t-il.
Les élections annulées à l’Université Grenoble Alpes
Dans l’Isère, le président de l’Université Grenoble Alpes, Yassine Lakhnech avait été réélu pour un second mandat le 11 janvier…
Mais un mois plus tard, le tribunal administratif de Grenoble a annulé les élections pour les conseils centraux de l’établissement qui s’étaient déroulées les 28 et 29 novembre 2023, entraînant de fait l’invalidation de la réélection du président. Le juge a en effet considéré qu’un message de campagne du président sortant a « porté atteinte à l’égalité entre les listes candidates ».
D’après le Snesup-FSU, Yassine Lakhnech a appelé à « faire barrage » à son concurrent Michel Rocca, professeur des universités et directeur de l’Institut d’études sociales de Grenoble dans un courriel adressé à plusieurs directeurs d’unité de recherche. Un message contraire au code de l’éducation, d’après le syndicat.
Le 8 février, le recteur de la région académique Auvergne-Rhône-Alpes a donc désigné un administrateur provisoire, en la personne de Jean-Christophe Camart, actuel directeur général de la Fondation Université de Lille et habitué des administrations provisoires. Il doit s’occuper des affaires courantes et organiser de nouvelles élections.
Les autres renouvellements à venir
Parmi les prochaines échéances électorales, à noter l’élection à la présidence de l’Université d’Angers le 22 février. Après deux mandats, Christian Roblédo, le président sortant ne peut se représenter. Deux candidats s’affrontent pour lui succéder : Françoise Grolleau, professeure en neurosciences et actuelle première vice-présidente de l’établissement et Christophe Daniel, doyen de la faculté de droit, d’économie et de gestion.
Après les élections aux conseils centraux les 30 et 31 janvier, le conseil d’administration de l’Université de Bourgogne élira de son côté son président le 11 mars. Pas de suspense ! Seul le président sortant, Vincent Thomas s’est porté candidat.
Quelle représentation des femmes ?
Sur les 72 établissements universitaires, 23,6 % sont présidés par des femmes. En plus d’Estelle Iacona en ballotage défavorable à Saclay, quatre présidentes arrivent au terme de leur premier mandat en 2024 et peuvent donc briguer un second mandat :
- Anne Fraïsse à l’Université Montpellier 3 Paul Valéry ;
- Macha Woronoff-Lemsi à l’Université Franche-Comté ;
- Virginie Laval à Poitiers ;
- et Virginie Dupont à l’Université Bretagne Sud.
Huit présidents ne peuvent se représenter
Enfin, sur les 28 universités qui n’ont pas encore renouvelé leur présidence en 2024, huit sont présidées par un homme qui a déjà effectué deux mandats à la tête de l’établissement et ne peut donc pas se représenter.
C’est le cas des universités de Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines (présidée par Alain Bui), du Littoral côte d’Opale (Hassane Sadok), de Picardie Jules Verne (Mohammed Benlahsen), de Nîmes (Benoît Roig), d’Artois (Pasquale Mammone), d’Angers (Christian Roblédo) et de Lyon 1 (Frédéric Fleury).
À la tête l’Université de Reims Champagne-Ardenne depuis mars 2016, Guillaume Gellé a pour sa part candidaté en février à la présidence du Haut conseil de l’évaluation de la recherche et de l’enseignement supérieur (Hcéres).
Celui qui est aussi président de France Universités depuis décembre 2022 sera opposé à Stéphane Le Bouler, président par intérim de l’Autorité publique indépendante depuis le départ de Thierry Coulhon pour IP Paris. La fonction de président du Hcéres est vacante au 30 octobre 2024.