Comment l’Université Côte d’Azur a-t-elle transformé son organisation et sa DRH ?
Par Isabelle Cormaty | Le | Management
Lors de sa création comme établissement public expérimental en 2020, la jeune Université Côte d’Azur a entrepris la réorganisation de l’ensemble de son administration et de sa direction des ressources humaines pour qu’elle soit plus performante et alignée avec la stratégie portée par sa gouvernance.
Aligner l’administration de l’établissement avec la stratégie portée par la gouvernance. C’est le chantier mené par la vice-présidente développement RH de l’Université Côte d’Azur de 2020 au début d’année 2024, Sabrina Loufrani, et par le directeur général des services (DGS) de l’établissement, Régis Brandinelli.
« L’objectif n’est pas de faire simplement fonctionner une organisation, mais d’aller dans la direction fixée par la gouvernance. Nous avons donc réorganisé l’administration pour répondre aux attentes de l’équipe présidentielle », commence le DGS.
Ce dernier a rejoint l’établissement public expérimental (EPE) en juin 2020, quelques mois après la création de l’université labellisée Idex qui a succédé à l’Université Nice-Sophia-Antipolis
D’une DRH de gestion des personnels à la stratégie
La transformation organisationnelle de l’établissement débute par une refonte de la DRH.
« Nous avions une DRH essentiellement tournée vers la gestion du personnel. Puis, avec la création de l’EPE — et en parallèle de la gestion du Covid, et de réformes nationales majeures sur le volet RH comme les lois de transformation de la fonction publique et de programmation de la recherche (LPR) — nous avons souhaité passer à une vraie DRH », retrace Sabrina Loufrani, vice-présidente développement RH de l’établissement de 2020 à début 2024.
Objectif : « Changer son positionnement, à travers la fonction de VP et la DRH, pour qu’elle soit un partenaire stratégique de la gouvernance et un agent de la transformation organisationnelle, engagé dans l’action sociale », poursuit celle qui est aujourd’hui chargée de mission de l’Université Côte d’Azur.
La direction des ressources humaines s’organise désormais autour de quatre pôles :
- Développement RH : « C’est là où il y a la vraie valeur ajoutée en matière de gestion prévisionnelle des emplois et compétences, de formation et développement des compétences, de recrutement et d’intégration, avec notamment un service mobilité carrière, et une cellule égalité diversité », indique Sabrina Loufrani.
- Administration du personnel : gestion des contrats, paie, carrière…
- Pilotage RH, pour gérer la masse salariale et fournir des tableaux de bords permettant d’éclairer les campagnes d’emploi, le repyramidage, etc. « Il y a aussi un service système d’information des ressources humaines (SIRH) qui accompagne la montée en qualité de données RH là aussi pour disposer de tableaux de bord complets », précise-t-elle.
- Santé et qualité de vie et conditions de travail (QVCT) : « C’est un élément clé de notre politique RH et sociale, que nous avons réaffirmé dans notre schéma directeur pluriannuel RH, et dont un des axes est d’engager les personnels par de l’accompagnement. »
Développer une offre de services RH
Pour mener à bien cette transformation, l’établissement a embauché 10 équivalents temps plein en plus pour la DRH. Des personnels qui s’occupent par exemple de l’évolution du SIRH et de missions nouvelles : la cellule égalité diversité, la qualité de vie et les conditions de travail, ou encore le conseil en mobilité-carrière.
« Cette transformation a pour objectif de développer une vraie offre de services RH internes, que ce soit en matière de recrutement, d’intégration, de soutien à la carrière, etc. Cela passe aussi par une refonte des process RH », note Sabrina Loufrani.
L’établissement s’appuie notamment sur sa cellule transformation et accompagnement du changement créée en 2021 et dont Campus Matin vous raconte les coulisses. Autre changement : la DRH veut faire monter en compétences les personnels en charge des RH et déployer en 2024 un parcours certifiant de développement des compétences managériales.
Des indicateurs de performance
Pour suivre l’aboutissement des projets et la qualité de service rendu aux usagers, l’établissement a mis en place dans toutes les directions des indicateurs suivis une fois par mois par la DGS.
« Sur la partie formation par exemple, nous avons des indicateurs qualitatifs et quantitatifs sur le nombre d’inscrits et sur les taux de réussite des étudiants. Nous vérifions l’évolution des cohortes d’étudiants, leur passage de L1 à L2 jusqu’au master… Il existe évidemment des indicateurs financiers pour piloter l’établissement. Concernant la communication, nous vérifions notre marque employeur, l’image de l’établissement auprès des étudiants », illustre Régis Brandinelli.
Des bénéfices sur la marque employeur
Réélu pour un second mandat à la tête de l’université le 9 janvier, Jeanick Brisswalter entend sortir son établissement de l’expérimentation en juillet 2024 pour devenir un grand établissement. L’heure est donc à la pérennisation !
« Nous souhaitons désormais stabiliser cette transformation RH, d’autant qu’elle fait suite à d’autres réorganisations importantes comme la création des huit Écoles universitaires de recherche (EUR) », avance Sabrina Loufrani.
Quid des effets de cette transformation organisationnelle ? Premier avantage : rationaliser les recrutements, comme l’explique Régis Brandinelli.
« Les personnes qui se tournent vers l’ESR le font pour travailler dans un secteur qui a du sens. Aujourd’hui, nous savons expliquer à un candidat quels seront précisément ses missions et son impact. Plus les projets transversaux sont nombreux, plus la motivation et le sens donné aux équipes sont importants. »
L’université a ainsi remarqué une hausse des candidatures, de leur qualification et une baisse du turn-over. La chargée de mission développement RH de l’établissement observe aussi les effets sur la marque employeur :
« Nous percevons une hausse du nombre de candidatures et de leur qualification. Dans les entretiens, nous voyons que l’image de l’université, qui est pourtant une jeune marque, existe sur le bassin azuréen, mais aussi dans le paysage régional et national. Nous avons une diversité de métiers et de parcours qu’il nous faut valoriser, en montrant cet alignement avec les valeurs de responsabilité, d’inclusion, d’ambition », souligne-t-elle.
Donner du sens aux entretiens annuels
Pour le DGS de l’établissement, cela a aussi permis de clarifier l’objectif des entretiens annuels d’évaluation des personnels.
« La procédure manquait de sens, car la performance était basée sur la volonté du chef de service et non sur le projet stratégique. Nous avons travaillé avec la vice-présidente RH pour expliquer les objectifs du projet stratégique. Il n’y a plus d’ambiguïté sur les objectifs fixés aux personnels, c’est très apprécié en interne », salue Régis Brandinelli.
« Grâce à cette vision stratégique, je peux dire à mes équipes où nous allons aller et ce que nous allons faire année après année. Cela permet de donner du sens au travail. Par exemple, la direction de la formation va être capable de décliner sur quatre ans les attentes vis-à-vis des personnels », développe-t-il.
Un schéma directeur pluriannuel RH
L’Université Côte d’Azur a par ailleurs travaillé à la construction d’un schéma directeur pluriannuel RH de site pour la période 2023-2028, adopté le 28 novembre 2023. « Il y a un vrai travail d’articulation avec les établissements composantes, et notamment l’Observatoire Côte d’Azur et la Villa Arson, au sein des comités de pilotage des EUR où elles sont concernées », précise Sabrina Loufrani.
Le schéma directeur contient trois axes stratégiques :
- attirer et recruter ;
- développer les compétences et révéler les talents ;
- engager et fidéliser les personnels par l’accompagnement.
L’importance de la GPEC
La deuxième partie du schéma directeur concerne la Gestion prévisionnelle des emplois et compétences (GPEC). « Il a fallu créer ce service dédié, et prévoir des postes au pôle pilotage pour recueillir et fiabiliser les données. Il s’agit aussi de pérenniser cette démarche, ce qui implique de sensibiliser toute la communauté. Par exemple, dans la campagne de repyramidage, j’ai demandé à ce que chacun regarde et vérifie ses données personnelles sur son espace (notamment HDR ou pas), car sans cela on ne peut pas piloter et décider correctement », insiste Sabrina Loufrani.
L’établissement qui a établi une cartographie de ses métiers souhaite maintenant définir dans une logique prospective quelles seront les activités et compétences dont l’université aura besoin dans cinq, 10 ou 20 ans.
« Ce travail va s’appuyer sur un observatoire des métiers que nous allons mettre en place. Et il ne faudra pas oublier dans cette GPEC l’évolution du métier d’enseignant-chercheur, en termes de compétences », ajoute-t-elle.