Covid : l’ESR en attente d’un positionnement du Mesri pour la lutte contre les aérosols
Par Marine Dessaux | Le | Stratégies
Si les protocoles du Mesri mentionnent l’usage d’un système de ventilation et la mesure du CO2 comme outils contre la propagation de la Covid19, les directives restent toujours floues. Pourtant, pour les 2000 signataires d’une tribune publiée dans le Monde, il faut prendre des mesures pour préparer la rentrée, dès maintenant.
Dans sa circulaire du 1er mars, la Dgesip mentionne l’avis du Haut Conseil de la santé publique (HCSP) qui recommande « d’aérer durant quelques minutes toutes les heures au moins ou, à tout le moins, s’assurer d’un apport d’air neuf adéquat par le système de ventilation ». Elle précise que « le haut conseil de santé publique indique par ailleurs qu’il est possible de mesurer en continu la concentration en dioxyde de carbone (CO2), à l’aide de capteurs, et de monitorer ainsi l’aération des locaux ».
Pour autant, les établissements du supérieur n’ont aucun protocole à appliquer ni budget défini pour la mise en place de ces capteurs de CO2 ou d’un système de ventilation. Aujourd’hui, alors que la rentrée se profile, enseignants-chercheurs et personnels de l’ESR s’interrogent sur la direction que prendra le ministère de l’enseignement supérieur de la recherche et de l’innovation (Mesri) concernant la ventilation, ce geste barrière indispensable pour la lutte contre les aérosols.
Une tribune pour que la qualité de l’air soit considérée comme un bien commun
Près de 2 000 signataires - étudiants, enseignants et personnels de l’enseignement supérieur demandent - demandent le financement et la mise en place, dès cet été, des outils indispensables pour maintenir les établissements ouverts, dans une tribune du Monde publiée le 22 juin.
« La mesure du risque de contamination à l’aide de capteurs de CO2 est une solution simple (…). L’exécutif doit consentir à ces investissements modestes au regard du coût social et économique de la [pandémie] (…). La qualité de l’air à l’intérieur des bâtiments doit désormais être considérée comme un bien commun, à l’instar de la qualité de l’eau, comme de l’université elle-même », peut-on lire.
Des directives et un budget attendus
« Personne ne bouge parce que les informations ne sont pas très claires, explique Alain Godon, enseignant-chercheur à Polytech Angers qui a fabriqué des capteurs CO2 actuellement en phase de test à l’Université d’Angers. Nous n’avons pas de visibilité sur ce qui se fera. »
C’est maintenant qu’il faudrait travailler sur la question de la qualité de l’air
« Nous attendons des directives du Mesri pour la rentrée, confirme Florence Elias, enseignante-chercheuse et membre de Projet CO2, collectif de chercheurs s’étant donné pour mission de sensibiliser à l’intérêt de la mesure du CO2 pour la lutte contre la transmission aéroportée. Tout le monde espère que l’épidémie continue de décroitre et que la couverture vaccinale augmente, mais ce n’est pas gagné pour la rentrée. Il y a en outre un risque voir apparaître d’autres variants qui nécessiteront une couverture vaccinale plus large. Il faut continuer à lutter contre la Covid en trouvant des alternatives au distanciel car on voit ses effets catastrophiques sur les étudiants. C’est maintenant qu’il faudrait travailler sur la question de la qualité de l’air. »
Un point de vue également exprimé par Jérôme Giordano, secrétaire national du SNPTES, interrogé par News Tank : « Au niveau du Mesri, on ne sent pas de doctrine nationale, par exemple pas de financements pour des systèmes de filtration d’air ou pour mesurer le taux de CO2 corrélé à la présence du virus… ».
Le temps de la science et le temps de la politique
Pourquoi la prise en compte de la contamination aéroportée par la politique et l’OMS s’est-elle fait attendre ? C’est l’interrogation de Bruno Andreotti, professeur de physique à l’Université de Paris, et Jacques Haiech, professeur honoraire de biotechnologie à l'Université de Strasbourg, lors d'un webinaire le 17 mai dernier.
En effet, la question de la contamination par les aérosols s’est posée en février 2020 au sein de la communauté scientifique. À l’été, le consensus scientifique a été atteint. Et pourtant, ce n’est que depuis fin avril 2021 que l’OMS, et les agences sanitaires nationales dans son sillon, partagent ces connaissances.
« Il y a un endroit qui est extrêmement important dans le transfert du savoir, ce sont les rubriques News & Views des grandes revues internationales, en particulier Nature et Science, explique Bruno Andreotti. Lorsqu’un évènement scientifique important se produit, assez vite l’information est vulgarisée et accessible, non pas aux politiques eux-mêmes, mais à leurs conseillers et aux agences sanitaires.
Le temps de la controverse scientifique a duré jusqu’à début juillet 2020, où des centaines d’articles apportant des preuves irréfutables ont été publiés et où ces connaissances ont été cumulées dans des éditos récents des revues scientifiques, donc accessibles au grand public.
Nous n’avions pas besoin de fermer les universités
Ce temps de la science a été extraordinairement rapide : en quatre mois, nous avions une réponse. Le temps politique a duré lui plus de sept mois. Ce qui signifie que nous n’avions pas besoin de fermer les universités [lors du deuxième confinement, NDLR], nous savions déjà quoi faire pour les sécuriser depuis juin. »