Vie des campus

Des chargés de projets participatifs à l’épreuve du collaboratif

Par Marine Dessaux | Le | Stratégies

La mise en place de budgets ou de projets participatifs se développe à l’université… Une tendance qui a de beaux jours devant elle à condition de faire école ! Car elle émerge tout juste et les enjeux de mobilisation des communautés sont encore grands. C’est pourquoi Cap Collectif, spécialisée dans la technologie participative et dans la démarche qui l’accompagne, organise des réunions entre établissements. Qui s’avèrent productives.

« Nous faisons du co-développement », partage Emilie Armand. - © D.R.
« Nous faisons du co-développement », partage Emilie Armand. - © D.R.

Se réunir, pour discuter librement d’expériences similaires, sans avoir peur de partager constats d’échec, critiques comme bonnes pratiques : c’est l’objectif d’un « club » un peu particulier, rassemblant des chargés de projets participatifs au sein d’établissements d’enseignement supérieur qui travaillent avec Cap Collectif.

Cette civictech* met à disposition des sites, clés en main, conçus pour organiser votes, sondages ou consultations. Une société qui est à l’origine de la plateforme du grand débat national lancé par le président Emmanuel Macron, en 2019.

Une technologie pour accompagner le participatif dans l’ESR

Initialement pensée pour des consultations citoyennes dans les collectivités, Cap Collectif s’est également tournée vers les établissements d’enseignement supérieur pour mobiliser leurs communautés sur des questions de campus, des boîtes à idées ou la dématérialisation du fonds de solidarité et de développement des initiatives étudiantes (FSDIE).

Mais, ce qui semble séduire le plus - et qui n’est qu’aux prémices - c’est le budget participatif, appliqué à des projets d’amélioration de la vie de campus. Le contexte s’avère favorable, les étudiants ayant ainsi la possibilité d’être acteurs de l’utilisation de la CVEC, une taxe étudiante dédiée à la vie de campus et aux actions de prévention santé, mise en place à la rentrée 2018.

Deux participantes aux réunions organisées par Cap Collectif ont justement mis en place leur premier budget étudiant en « codéveloppement ».

Des problématiques similaires

Emilie Armand est coordinatrice projets communication à Insa Rennes - © D.R.
Emilie Armand est coordinatrice projets communication à Insa Rennes - © D.R.

« Ce qui est intéressant, c’est de voir que des établissements de tailles différentes ont les mêmes problématiques, témoigne Emilie Armand, qui participe à ses réunions en tant coordinatrice projets communication à Insa Rennes et chargée de communication sur le projet d’Université de Rennes. C’est l’occasion de partager nos initiatives réussites et loupées, de trouver des solutions collectives alors que nous communiquons rarement avec les autres universités et écoles »

« Il est d’autant plus positif de pouvoir partager avec des confrères qui ont la même expérience que, quand on défend une démarche participative, on est un peu seuls, acquiesce Carole Fournel, responsable du service vie étudiante de l'Université Lumière Lyon 2. C’est marrant parce que nous avons tous l’impression de faire quelque chose d’innovant mais, en fait, on fait un peu tous la même chose ! Échanger permet notamment d’identifier plus rapidement les interlocuteurs pertinents. »

Bonnes pratiques et codéveloppement

En effet, ces réunions permettent avant tout aux participants de récolter des bonnes pratiques et des conseils. « On est dans quelque chose d’un peu “open source“, on transmet les documents qui nous ont été utiles. Nous avons par exemple pu obtenir le règlement d’un budget participatif », rapporte Carole Fournel.

Nous nourrir les uns les autres de nos expériences

Le travail en synergie offre ainsi l’opportunité d’apprendre collectivement : « Nous faisons du codéveloppement, partage Emilie Armand. Chacun peut participer à la construction du projet des autres. Nous présentons nos projets participatifs et, grâce aux différents retours d’expérience, et étant chacun à une phase d’avancement différente, nous pouvons nous nourrir les uns les autres de nos expériences ».

Quels budgets participatifs ?

En pratique, un budget est fixé ainsi qu’une ou plusieurs thématiques et la communauté visée est appelée à soumettre des idées. À l’Université Lyon Lumière 2, « nous avons mis en place un budget participatif étudiant en 2019, avec un montant dédié de 40 000€. 80 projets ont été présentés, 20 ont été soumis au vote et 10 ont été retenus », rapporte Carole Fournel, responsable du service vie étudiante de l’université.

Insa Rennes, de son côté, a lancé, en septembre 2019, « un budget participatif '100 % développement durable' dédié aux étudiants et aux personnels, d’un montant de 20 000 €. Huit projets ont été retenus », rapporte Emilie Armand, coordinatrice projets communication au sein de l’école d’ingénieurs.

Des projets percutés par la crise sanitaire

Si ces projets ont rencontré du succès lors de leur lancement, la crise sanitaire a impacté leur avancement. « Nous avons été ralentis par la crise », confirme Carole Fournel.

Emilie Armand partage la même expérience : « Les projets retenus devaient être mis en place au printemps 2020, une partie d’entre eux ont pu être maintenus mais d’autres ont dû être repoussés ».

Deux éléments clés : le temps et la mobilisation

 « La seule chose qui peut nous manquer pour la mise en place de budgets participatifs, c’est le temps et la mobilisation », confie Emilie Armand.

Savoir doser de façon juste

En effet, « pour mobiliser toute la communauté, il ne faut pas qu’il y ait trop de budgets participatifs, il faut savoir doser de façon juste. À Insa Rennes, les financements participatifs sont actuellement en pause de façon à redonner une dynamique avant d’y revenir », poursuit-elle.

« À l’Université Lyon Lumière 2, nous étions également en pause depuis le premier confinement, mais nous sommes sortis de notre hibernation ! Nous organisons un budget participatif étudiant pour la rentrée prochaine », se réjouit Carole Fournel.

Elle confirme néanmoins : « Les consultations ont généralement lieu une année sur deux, car il faut une année pour le lancement et la mobilisation des étudiants et une année pour réaliser le projet ». Par ailleurs, elle souligne l’importance d’avoir effectivement réalisé les actions d’un précédent budget participatif avant d’en lancer un nouveau.

Une crise sanitaire qui complique la mobilisation des étudiants

Difficile pour des étudiants, qui ne se sont que très peu appropriés leur établissement, de se sentir concernés par les chantiers de vie de campus à venir. « Nous travaillons sur la question de la proximité. Quand les campus ne sont pas ouverts, et alors que les étudiants sont très peu venus, il est complexe de les impliquer », indique Carole Fournel.

« En ce moment, il y a peu d’étudiants sur site et il est difficile de les mobiliser. L’échange est le terreau des nouvelles idées », acquiesce Emilie Armand.

Des thématiques en évolution

Les thématiques des budgets participatifs reflètent les tendances sociétales. Actuellement, « on s’aperçoit qu’il y a beaucoup de projets liés au développement durable, la responsabilité sociale et sociétale », témoigne Carole Fournel.

Mais le sujet qui sera beaucoup abordé, conséquence directe de la crise Covid-19, est celui de la précarité, d’après nos deux interlocutrices. « Je pense qu’à l’avenir, il va y avoir plus d’actions sur la précarité étudiante : des bourses aux vêtements solidaires, des dons, etc. », dit Carole Fournel.

« Oui, mettre à disposition des locaux pour des épiceries solidaires est un projet qui revient beaucoup. Il y a également tout ce qui a trait à l’hygiène, notamment menstruelle. On voit par ailleurs beaucoup de potagers collectifs », complète Emilie Armand.

*Civictech : une société dont l’objectif est l’engagement des citoyens par la technologie (consultations nationales en ligne, pétition, sondages, etc.).