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Carnet de Campus Matin : les enjeux derrière 5 mouvements de mars 2025 à suivre


La nouvelle présidente du Hcéres répond aux polémiques, la nouvelle présidente de l’Université de Strasbourg élue dans un contexte de tensions, le nouveau président de l’Afinef et ses ambitions pour les edtechs… Campus Matin vous fait vivre les enjeux de l’enseignement supérieur au travers des parcours de personnalités qui ont pris de nouvelles fonctions en mars 2025.

Campus Matin détaille le parcours de cinq personnes ayant de nouvelles fonctions en mars. - © Canva
Campus Matin détaille le parcours de cinq personnes ayant de nouvelles fonctions en mars. - © Canva

Elles et ils ont été appelés à de nouvelles fonctions dans l’écosystème de l’enseignement supérieur et de la recherche. Découvrez leur parcours et leurs nouvelles missions ! Coralie Chevallier, Frédérique Berrod, Aléssia Lefébure, Anne Szymczak et Patrice Ulles.

1. Coralie Chevallier, présidente du Hcéres

Coralie Chevallier, membre du directoire de l’Institut Curie, est nommée présidente du Haut conseil de l’évaluation de la recherche et de l’enseignement supérieur (Hcéres), le 3 mars. Elle est la première femme à la tête de cette instance créée par la loi Fioraso de 2013.

La présidence par intérim du Hcéres était assurée par Stéphane Le Bouler depuis le 26 septembre 2023. Il assurait cette fonction depuis le départ de Thierry Coulhon pour la présidence de l’Institut Polytechnique de Paris.

Une experte dans l’étude des comportements humains et des processus de décision

Coralie Chevallier est titulaire d’un doctorat en sciences cognitives de l’Université Lumière Lyon 2 obtenu en 2008. Elle a ensuite exercé en postdoctorat à l’Inserm pendant un an puis King’s College London et enfin à University of Pennsylvania, de 2011 à fin 2013. Elle intègre ensuite l’Inserm en 2014 d’abord comme chargée de recherche puis comme directrice de recherche (2022).

En 2018, elle est nommée directrice des études du département de sciences cognitives de l’ENS-PSL, fonction qu’elle exerce pendant deux ans. En 2020, elle a été membre de la mission de coordination nationale pour le déconfinement placée auprès du Premier ministre.

En 2021, elle est nommée vice-présidente formation de l’Université PSL jusqu’en 2023 et, dans le même temps, directrice académique du collègue sciences, humanités et sociétés.

Le Hcéres sous le feu des critiques

Au terme d’un an et demi de vacance de poste, Coralie Chevallier a pris la tête du Hcéres et a dû répondre à une première crise : les protestations concernant la parution de prérapports d’évaluation aux conclusions défavorables ou réservées sur des formations des universités de la vague E (Île-de-France hors Paris, Hauts-de-France, Mayotte, La Réunion).

Coralie Chevallier est également membre du directoire de l’Institut Curie. - © Seb Lascoux
Coralie Chevallier est également membre du directoire de l’Institut Curie. - © Seb Lascoux

Syndicats et responsables de formation ont reproché au Hcéres des retours plus sévères que lors de la précédente vague, un risque de démotivation des personnels en charge de ces formations et des critiques centrées sur les sciences humaines et sociales.

« En l’état, si le ministère et les universités suivaient ces avis du Hcéres, la quasi-totalité des diplômes nationaux de philosophie délivrés par les universités situées sur le nord de la France disparaîtrait en septembre 2026 ! », déplore le Snesup-FSU.

Autre reproche également fait au Hcéres, un manque de prise en compte des difficultés auxquelles font face les établissements concernés, notamment ceux de banlieue parisienne. Sur ce point Coralie Chevallier défend l’idée que toutes les universités ne peuvent pas être évaluées de la même manière et qu’il faut tenir compte des publics accueillis. Elle rappelle également que les conclusions sont encore provisoires.

Cette polémique dès le début de son mandat s’accompagne d’une menace plus existentielle : Coralie Chevallier doit convaincre de la pertinence du Hcéres alors qu’un amendement prévoyant sa suppression, déposé par le groupe Écologistes et soutenu notamment par le chercheur Hendrik Davi, a été adopté par l’Assemblée nationale, le 24 mars. Le projet de loi doit encore être examiné en séance publique avant de passer en commission mixte paritaire.

Dans un entretien à News Tank (abonnés), la nouvelle présidente essaie de reprendre la main en accélérant les mesures prévues dans son projet. Elle annonce vouloir : simplifier massivement l’évaluation, qui était jusqu’alors très chronophage pour les personnels, réduire de moitié le référentiel d’évaluation des établissements dès la vague B et accepter, pour les unités de recherche, les documents sous n’importe quel format.

2. Frédérique Berrod, présidente de l’Université de Strasbourg

Frédérique Berrod, vice-présidente sortante en charge des finances et professeure à Sciences Po Strasbourg, est élue présidente de l’Université de Strasbourg, le 18 mars. Elle succède à Michel Deneken, qui a effectué deux mandats.

Une spécialiste du droit de l’Union européenne

Avant d’être professeure à Sciences Po Strasbourg en 2008, Frédérique Berrod a été maîtresse de conférences à la Faculté des sciences économiques, sociales et juridiques de l’Université de Haute Alsace (2002-2006), puis à l’Institut des hautes études européennes à Strasbourg (2006-2008).

Frédérique Berrod est également professeure à Sciences Po Strasbourg. - © D.R.
Frédérique Berrod est également professeure à Sciences Po Strasbourg. - © D.R.

Frédérique Berrod est spécialisée dans l’enseignement du droit de l’Union européenne. Ses champs de recherche s’étendent de l’espace européen de l’énergie, à l’Europe des produits de santé et au marché intérieur numérique. Elle développe des recherches sur la frontière dans le cadre du Centre d’excellence franco-allemand Jean-Monnet de l’Université de Strasbourg. Elle a également travaillé sur le droit des robots, à partir de la science-fiction et de la robotique.

Avant de devenir vice-présidente finances sous le mandat de Michel Deneken en 2021, elle a été élue au conseil d’administration de Sciences Po Strasbourg, puis au conseil d’administration de l’Université de Strasbourg.

Une élection disputée, dans un contexte tendu

Frédérique Berrod a été élue dès le premier tour de votes par le conseil d’administration de l’Université de Strasbourg avec 19 voix sur 36. Elle faisait face à Matthieu Schneider, VP culture, science-société et actions solidaires et président du réseau Migrants dans l’enseignement supérieur, qui a obtenu 14 voix.

Ayant bénéficié du soutien de la liste d’opposition Refonder, arrivée troisième aux conseils centraux, l’ancien VP espérait incarner une bascule politique à gauche au sein de l’établissement. Les deux candidats s’opposaient ainsi sur les droits différenciés pour les étudiants étrangers que Matthieu Schneider voulait suspendre et Frédérique Berrod non.

Le 3 octobre 2024, Frédérique Berrod déclarait à News Tank « envisager la présidence de manière très collégiale », ajoutant la nécessité d’« espaces de dialogue plus fluides ».

Parmi ses propositions, la fin des appels à projets internes « dont le formalisme décourage les collègues ». Après son élection, elle a en outre annoncé vouloir construire une charte éthique. Et cité trois sujets qui lui tiennent particulièrement à cœur : en faveur des universités ukrainiennes, de la formation des femmes afghanes et des étudiants sans université de Gaza.

Comme elle l’explique dans Savoirs, Frédérique Berrod a réorganisé les vice-présidences en quatre branches : formation et recherche, pilotage et ressources, vie des campus et rayonnement dans les territoires.

Elle devra également résoudre la crise à l’IEP de Strasbourg, bloqué à plusieurs reprises du fait d’un vif conflit autour de son partenariat avec l’université israélienne Reichman. La suspension de deux membres du syndicat étudiant l’UNI après la publication sur instagram, par le collectif Golem, d’un jeu de cartes antisémite a également alourdi la période électorale.

3. Aléssia Lefébure, directrice de Sciences Po Aix

Aléssia Lefébure a été élue directrice de Sciences Po Aix le 8 mars, face à Walter Bruyère-Ostells, professeur des universités et coordinateur du double cursus Sciences Po Aix — École de l’air. Elle succède à Rostane Mehdi nommé recteur de l’académie et de la région académique de la Réunion le 23 octobre 2024. C’est Franck Biglione qui assurait l’administration provisoire de l’institut d’études politiques.

L’ancienne directrice des études de l’EHESP et dirigeante de l’Institut Agro Rennes-Angers

Diplômée de Sciences Po Paris, Alessia Lefébure est titulaire d’un doctorat en sociologie. Elle a occupé plusieurs postes de responsabilités, d’abord à Sciences Po Paris en tant que directrice du centre Asie Pacifique Afrique Moyen-Orient de 2006 à 2011, puis aux États-Unis, notamment comme directrice du programme Alliance de l’Université Columbia de 2011 à 2017. Elle rejoint ensuite l’EHESP en tant que directrice des études, avant de prendre la direction de l’Institut Agro Rennes-Angers en juillet 2021.

À l’occasion d’un renouvellement de mandat qui avait concerné l’ensemble des écoles de l’Institut Agro, elle avait candidaté à sa succession et été choisie par le conseil d’école. La procédure n’a pas été à son terme, car elle a finalement demandé sa réintégration dans son établissement d’origine, l’EHESP.

Une nouvelle page, une décennie après les dérives d’un ancien directeur

Sciences Po Aix a connu une crise importante à la suite des dérives de son ancien directeur, Christian Duval, qui a démissionné en 2014 après avoir multiplié les partenariats générant des diplômes trompeurs (des cursus coûtants jusqu’à 8 000 euros diplômés en réalité par Aix Marseille Université), des « Sciences Po » île Maurice ou Arménie avaient notamment vu le jour avant d’être supprimés…

Alessia Lefébure a un parcours très international. - © D.R.
Alessia Lefébure a un parcours très international. - © D.R.

En avril 2024, il a été condamné à 18 mois de prison avec sursis et son ancien adjoint, Stéphane Boudrandi, a été condamné à 9 mois de prison avec sursis. Tous deux doivent payer conjointement 30 000 euros d’amende de dommages et intérêts à l’IEP.

L’établissement a fait l’objet de deux rapports de la Cour des comptes : le premier en 2017, soulignant la réussite des nouveaux dirigeants à restaurer la crédibilité de l’IEP et le second en 2023, formulant des recommandations supplémentaires.

Notamment : renforcer le service en charge des RH, consolider ses atouts distinctifs (notamment l’offre de formation en lien avec le monde arabe et méditerranéen), développer les collaborations avec Aix Marseille Université et harmoniser le processus de sélection des doctorants entre les écoles doctorales.

Un chantier entamé par Rostane Medhi, devenu recteur à La Réunion, qui devra être poursuivi par Aléssia Lefébure.

4. Anne Szymczak, directrice générale du Cned

Anne Szymczak, ancienne cheffe de l’inspection générale de l’éducation, du sport et de la recherche (Igésr) par intérim, a été nommée directrice générale du Centre national d’enseignement à distance (Cned) lors du conseil des ministres du 12 mars. Olivier Guiard était directeur général par intérim du Cned depuis le départ de Jean-Noël Tronc.

Des classes prépas à l’inspection générale

Diplômée de l’ENS-PSL en 1995 et agrégée de chimie, Anne Szymczak commence sa carrière en 1996 comme professeure en classes préparatoires aux grandes écoles. Elle devient inspectrice générale de l’éducation nationale en 2013 et se voit confier, en 2019, le pilotage de la mission permanente « enseignement primaire ».

Elle est nommée cheffe de l’Igésr par intérim en août 2024 après la nomination de Caroline Pascal à la Dgesco. Elle se porte candidate pour diriger le service, mais les fonctions reviennent à Dominique Marchand, nommée le 13 février.

Une nouvelle directrice après un départ dont les raisons ne sont pas connues

Anne Szymczak était cheffe de l’Igésr par intérim. - © D.R.
Anne Szymczak était cheffe de l’Igésr par intérim. - © D.R.

Anne Szymczak prend la suite de Jean-Noël Tronc, qui avait été démis de ses fonctions par un décret du président de la République daté du 5 juillet 2024. Aucune raison n’a été mentionnée, mais le management de l’intéressé a été mise en cause.

Il s’était déjà fait écarter de la Sacem, dont il a été directeur général pendant 10 ans, en 2021. En cause, un conflit avec une partie des membres de son conseil d’administration et plusieurs responsables de la société sur fond de nombreux départs de salariés. « Il a la réputation d’essorer ses équipes à force de vouloir tout contrôler dans les moindres détails », d’après Télérama.

Dans un courrier aux équipes du Cned, il a souligné avoir pu « progresser dans de nombreux domaines, par exemple avec l’adoption de notre plan de formation, de nos dispositifs sur la qualité de la vie au travail, sur les conditions de travail tant des agents que des enseignants en poste adapté, sur les moyens d’améliorer l’égalité femmes-hommes, comme sur beaucoup d’autres sujets ».

Jean-Noël Tronc est aujourd’hui directeur exécutif de la chaire media and digital de l’Essec business school.

5. Patrice Ulles, président de l’Afinef

Patrice Ulles est élu président de l’association française des industriels du numérique de l’éducation et de la formation (Afinef), annonce-t-il sur Linkedln le 11 mars. Le fondateur et CEO d’Easytis succède à Pierre Laborde, à ce poste depuis mars 2023, qui redevient vice-président international de l’association.

Un directeur commercial devenu entrepreneur

Patrice Ulles est le fondateur de la edtech Easytis. - © D.R.
Patrice Ulles est le fondateur de la edtech Easytis. - © D.R.

Patrice Ulles commence sa carrière en 1996 chez Calcomp en tant que responsable commercial pour le sud de l’Europe. En 2000, il rejoint Interwrite Learning où il occupe pendant neuf ans le poste de directeur pour cette même zone.

En 2010, il intègre eInstruction corporation, d’abord comme vice-président des ventes pour les régions Europe, Moyen-Orient et Afrique puis également pour l’Asie-Pacifique. Il poursuit cette mission à Turning Technologies en 2013 et à Boxlight Mimio entre 2017 et 2019.

En 2014, il fonde Easytis, une edtech spécialisée dans le e-learning.

Convaincre de l’intérêt des edtechs, dès l’école

Dans son discours de candidature à la présidence de l’Afinef, Patrice Ulles a dit regretter que « la trajectoire pour l’enseignement au et par le numérique ne se dessine pas et notre marché reste toujours incertain ».

Il souhaite convaincre les décideurs et politique la vision d’une école équipée moderne, plus équitable et inclusive. « Nous peinons à encourager les pratiques numériques à l’école, à développer l’appétence pour les outils numériques et la compréhension de leur fonctionnement, et mettons trop peu en avant ce que le numérique, dans un contexte pédagogique, apporte aux élèves et aux enseignants », rapporte-t-il.

Patrice Ulles formule plusieurs propositions : généraliser l’apprentissage du code dès le plus jeune âge, adopter une approche plus nuancée sur les écrans — dont le mésusage relève selon lui davantage de la sphère familiale — et définir un socle numérique de base