Le recrutement, nouvelle priorité stratégique des établissements
Par Catherine Piraud-Rouet | Le | Concours/recrutement
Face aux difficultés de recrutement dans la fonction publique, les établissements du supérieur se sont mis en ordre de marche ces dernières années pour mener une politique de recrutement plus globale et stratégique. Objectif : attirer et fidéliser les talents, dans un environnement de plus en plus complexe et concurrentiel.
C’est l’histoire d’un double déséquilibre. « D’une part, entre des ressources RH qui se raréfient du fait du vieillissement de la population, et la massification de l’enseignement supérieur, qui implique des besoins croissants en compétences. D’autre part, entre un marché du travail qui penche clairement en faveur des candidats », analyse Damien Schoennahl, directeur général délégué du cabinet Insign.
Des métiers en tension
À la clé, pour tous, des difficultés croissantes à recruter, notamment sur les métiers en tension. « C’est compliqué sur l’informatique, mais aussi sur certaines fonctions appelant des compétences pointues, comme l’immobilier ou les achats publics », témoigne Marie-Béatrice Celabe, directrice générale des services (DGS) adjointe de l’Université de Bordeaux et présidente de l’association Sup’DRH.
« Certains profils très techniques, comme l’IT, mais aussi très demandés, comme contrôleurs de gestion et commerciaux, sont particulièrement rares », avance Annick Voltigeur, responsable recrutement et mobilité à Rennes school of business.
Recruter, mais aussi fidéliser
Recruter, c’est bien, mais fidéliser, c’est mieux ! « La notion de carrière à vie dans un établissement est devenue inaudible, particulièrement pour la “génération Z” », relève Damien Schoennahl. Les talents peuvent faire faux bond partout, y compris dans le public.
« Les titulaires eux-mêmes sont parfois attirés vers d’autres fonctions publiques, plus attractives, comme la territoriale », soupire François Paquis, DGS de l’Université Clermont Auvergne.
« Candidats comme personnels en place peuvent désormais connaître, d’un clic, les réalités concrètes de travail dans les organisations. D’où la nécessité, aussi, de s’inscrire dans une vraie démarche non seulement d’attractivité, mais aussi de fidélisation », pointe Damien Schoennahl. Le tout, en intégrant l’ensemble des parties prenantes de l’établissement.
Le recrutement, désormais un acte employeur global
Plus question de voir le recrutement comme de la simple gestion. « Il y a quelques années encore, c’était une fonction très administrative, statutaire et technique, précise Marie-Béatrice Celabe. Aujourd’hui, il s’agit d’un acte employeur fondateur où tous les leviers possibles sont utilisés pour aller chercher les meilleures compétences et les conserver, de la rédaction de l’offre d’emploi au processus d’onboarding. »
Frédéric Desprès, DGS de l’Université de technologie de Compiègne et vice-président de l’association des DGS appuie : « Finies, les campagnes de recrutement empiriques : le processus se professionnalise dans un cadre global de montée en compétences de la gestion des ressources humaines. »
Universités comme écoles ont dû intégrer, non seulement à leur vocabulaire, mais aussi à leur stratégie globale, des termes naguère pré carré des seules entreprises : onboarding, expérience collaborateur, marque employeur, engagement…
« Il s’agit de se faire connaître comme employeur tant par les futurs collaborateurs, qu’ils soient titulaires ou contractuels, et de se faire reconnaitre dans la diversité des métiers offerts, notamment sur le volet administratif et technique, ou en recherche », commente Marie-Béatrice Celabe.
Différents outils
Le recrutement au cœur des plans stratégiques
À l’Université PSL, les plans d’attractivité et de fidélisation sont votés lors des conférences annuelles depuis 2022. À l’Université de Strasbourg, a été mis en place depuis 2022 un schéma directeur RH axé sur l’attractivité et la marque employeur.
Les écoles ne sont pas en reste. « Le développement de notre attractivité et de la marque employeur est l’un des axes de notre projet stratégique 2021-2025 », présente Vincent Lafond, responsable du service RH de l’École nationale des travaux publics (ENTPE).
Une dynamique qui se traduit aussi par un travail politique national. Sup’DRH, en lien avec France Universités, l’ADGS et la DGRH du ministère, a engagé la rédaction d’un vadémécum autour de la marque employeur. Il devrait être rendu public mi-novembre.
« Au programme : la mise en avant de bonnes pratiques, sur la valorisation des métiers de l’ESR et des conditions de travail, l’accueil et l’intégration des nouveaux arrivants ou la professionnalisation des parcours », précise Marie-Béatrice Celabe.
Des politiques locales incitatives
À chaque établissement de faire preuve d’imagination. « Nous avons peu de marge de manœuvre sur les titulaires, du fait de procédures et de grilles indemnitaires très cadrées, expose Frédéric Desprès. En revanche, les dispositifs de rémunération accessoires, la QVT, la politique sociale, l’aménagement du temps de travail ou le télétravail sont de vrais éléments différenciants. »
Message bien reçu également à l’Université de Strasbourg. « Depuis deux ans, nous ouvrons à tous - contractuels ou titulaires - des postes non affectés aux concours, par exemple en gestion de la scolarité. Par ailleurs, on ne recrute pratiquement plus en catégorie C, ce qui participe d’une mécanique de repyramidage et de montée en compétences », relate Valérie Gibert, DGS de l’établissement et présidente de l’ADGS
Développer les actions de communication
Plusieurs universités ont fait une percée remarquée dans les techniques de marketing digital. Les pages intitulées « Dix bonnes raisons de nous rejoindre » fleurissent, par exemple, sur les sites des universités de Côte d’Azur ou de Lorraine. On y vante la qualité de l’environnement de travail, l’engagement en faveur de l’inclusion et de l’écoresponsabilité, l’accompagnement dans la carrière, le haut niveau de l’enseignement et de la recherche…
Quant à la plate-forme « Place de l’emploi public » rebaptisée « Choisir le service public » pour mieux attirer vers les concours, elle a vocation à se faire support de pages employeurs. « Nous avons pour projet de nous y implanter fin 2024-début 2025 », avance Marie-Pierre Coquard, chargée de développement RH et référente recrutement de l’ENTPE.
Des actions toujours, par ailleurs, menées « IRL ». « En avril dernier, pour la première fois, nous avons organisé une journée de découverte de nos métiers, ouverte à toute l’Eurométropole, avec entretiens individuels et dépôt de CV. Face au succès, nous renouvellerons l’opération l’an prochain », rapporte Valérie Gibert.
Présence sur des supports numériques nouveaux
« Il y a vingt ans, on passait principalement par les recommandations de collègues, les communautés et associations académiques, se souvient Lotfi Karoui, doyen de la faculté et de la recherche à l’ISC Paris. Aujourd’hui, le réseau personnel est démultiplié via les plateformes numériques, qui permettent de toucher des prospects plus facilement et rapidement, aux quatre coins du monde. »
Les établissements sont, par ailleurs, présents sur les jobboards généralistes, en lien, de plus en plus souvent, avec le déploiement d’un système d’information des ressources humaines (SIRH) interne. Une dynamique encore accrue par l’utilisation croissante des applicant tracking systems (ATS), des outils digitaux de gestion et de diffusion des candidatures qui permettent notamment le multipostage.