Comment lever les obstacles à l’épanouissement professionnel dans le supérieur ?
Par Isabelle Cormaty | Le | Management
Le management participatif, l’accompagnement des nouveaux recrutés et la notion de sens au travail sont autant de leviers à disposition des établissements du supérieur pour améliorer l’épanouissement professionnel de leurs personnels. Des initiatives existent et se développent.
Pénurie de personnels dans les services, surcharge de travail, difficultés à être titularisé ou reconnu, salaires peu attractifs dans le secteur public… Les obstacles à l’épanouissement professionnel dans les établissements de l’enseignement supérieur sont nombreux ! Mais « le tableau est loin d’être noir, il existe des leviers pour changer la situation », comme le rappelait l’ancienne présidente de l’Anstia, Sophie Guichard.
À l’occasion de ses Journées nationales à Bordeaux le 3 novembre dernier, l'Association nationale des services Tice et audiovisuel de l’enseignement supérieur et de la recherche (Anstia) a réuni différents acteurs du secteur lors d’une table ronde sur le sujet.
Accompagner les personnels nouvellement recrutés
Pour faciliter l’intégration de ses personnels, le Centre d’enseignement multimédia universitaire de l'Université de Caen Normandie a créé un dispositif avec la direction des ressources humaines (DRH) de l’établissement.
« Nous nous sommes rendu compte que nos collègues ne maîtrisaient pas bien leur écosystème professionnel. Nous avons mis en place un accompagnement avec la DRH sous forme d’un parcours “entrée dans le métier” avec une série d’ateliers. Nous avons aussi travaillé avec les autres services de l’université pour qu’ils apprennent à connaître les différents fonctionnements », témoigne Jeanine Berthier, responsable du pôle développement et innovation pédagogique de l’établissement.
Former les managers qui prennent leurs fonctions
L’accompagnement des recrues concerne aussi les managers, chefs de service et directeurs de service… À l'Université Paris 8 Vincennes Saint-Denis, la DRH a mis en place un système de pair-à-pair : un manager expérimenté répond aux questions et accompagne une personne qui accède pour la première fois à des fonctions d’encadrement.
« Il faut accompagner ces personnes dès leur prise de poste pour qu’elles puissent comprendre comment fonctionne leur équipe, connaître les compétences des uns et des autres et leur faire confiance. Les services RH sont là pour former dès l’arrivée, puis un ou deux ans après. Nous avons une formation entre les pairs pendant six mois à un an », détaille Florence Housset, directrice générale des services (DGS) de l’établissement et membre du conseil d’administration de l’association des DGS.
Quid de l’intégration des chefs de projet ?
Le représentant de l’association des vice-présidents numériques, Hervé Luga soulève également la question de l’intégration entre les personnes recrutées sur projet et celles dans les services. Les premières exercent dans un environnement valorisant, de façon plutôt indépendante et en contact avec la gouvernance, quand les secondes s’occupent de tâches récurrentes.
« Cette différenciation est vectrice de souffrance entre ceux qui ne se sentent pas reconnus dans leurs fonctions et ceux qui se retrouvent isolés avec une relation unique avec le chef de projet », analyse le vice-président numérique de l'Université fédérale Toulouse Midi-Pyrénées.
Il avance une piste : « Certains établissements ont essayé d’intégrer des temps de travail commun. Les personnes des services viennent travailler sur des projets et des personnes du projet participent à l’activité et la vie du service. »
Donner du sens au travail des équipes
Pour motiver les personnels, les managers se doivent de redonner du sens à leurs missions. Christophe Porlier, chargé de mission à l’Université de la Réunion cite plusieurs facteurs qui améliorent la motivation des personnels :
« Le salaire est une composante de la motivation qui n’est pas négligeable. Un certain nombre de collègues partent pour gagner mieux leur vie dans le privé ou comme entrepreneur. L’autre élément de la motivation, c’est le sens qu’on donne à son travail. L’autonomie est un grand levier de la motivation, tout comme le feedback : avoir un retour sur son action est un élément très important pour les équipes. »
Les projets d’équipe permettent aussi de créer de la cohésion et redonner du sens comme l’illustre Jeanine Berthier. « Nous avons engagé une démarche de structure apprenante après le burn-out d’une collègue, car on s’est dit que quelque chose n’allait pas. Nous avons été accompagnés et nous avons mis en place des temps de travail en équipe, et de la collaboration. Nous avons confié des projets à des petits groupes de travail qui restituent ensuite à l’ensemble de l’équipe », explique-t-elle.
Communiquer en interne et en externe
Donner du sens au travail des équipes passe également par la communication, interne et externe pour faire connaître les activités des services. « Nous organisons une journée d’innovation, où les enseignants qui ont travaillé avec nous présentent leurs projets », expose Élodie Trotin, responsable du Learning Lab de l'Université d’Orléans.
L’Université Paris 8 réalise de son côté un bilan des activités de l’université et sollicite les services à cet effet. « Nous avons invité les collègues à s’inscrire dans les réseaux professionnels, à contribuer aux colloques, aller à la rencontre de leurs pairs pour revenir avec de bonnes idées », complète Jeanine Berthier.
Le management participatif
Autre piste évoquée lors des Journées nationales de l’Anstia, la mise en place du management participatif dans les services. Jean-François Février, directeur de l’audiovisuel, du multimédia et de l’accessibilité numérique à l'Université de la Réunion l’applique avec ses collègues depuis sa prise de poste en février 2020.
« Je fais partie des plus jeunes de ma direction. Je me voyais mal embarquer des collaborateurs plus âgés que moi, en ayant un management très directif et autoritaire. Manager par la confiance, c’est pouvoir accorder à ses collaborateurs une confiance totale », témoigne-t-il.
Celui qui est aussi réalisateur, laisse ainsi ses salariés travailler selon leurs intuitions et l’approche qu’ils souhaitent. Mais mettre en place ce mode de management ne s’improvise pas d’après Christophe Porlier, chargé de mission de l’établissement réunionnais.
« Le management en confiance n’est pas quelque chose de naturel. Se dire que les acteurs peuvent avoir un niveau d’autonomie et de prise de responsabilités au plus proche des problématiques rencontrées doit se réfléchir. Il faut accepter qu’il y ait une délégation de la responsabilité importante et que le changement soit pensé à tous les niveaux de l’organisation », rappelle-t-il.