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« Vis mon job » à l’université : un pari pour le rayonnement interne et externe

Par Antoine Bovio | Le | Management

L’Université Sorbonne Paris Nord organisait en avril 2024 la seconde édition de son initiative « Vis mon job ». L’objectif ? Présenter son métier et en découvrir un autre par binôme sur une journée. Campus Matin a rencontré le service des ressources humaines et quatre des participants qui reviennent sur les bénéfices d’un tel échange.

16 duos ont pris part à la deuxième édition de Vis mon job à l’Université Sorbonne Paris Nord. - © Université Sorbonne Paris Nord
16 duos ont pris part à la deuxième édition de Vis mon job à l’Université Sorbonne Paris Nord. - © Université Sorbonne Paris Nord

Renforcer l’attractivité, stimuler la cohésion interne, faire naître des opportunités pour les personnels : tels sont les objectifs auxquels répond l’initiative « Vis mon job » de l’Université Sorbonne Paris Nord.

Une démarche répandue dans le privé adaptée à l’université

Fernando Vieira dirige le service des ressources humaines de l’Université Sorbonne Paris Nord. - © D.R.
Fernando Vieira dirige le service des ressources humaines de l’Université Sorbonne Paris Nord. - © D.R.

Fernando Vieira, directeur des ressources humaines de l’établissement, le sait : il n’invente rien en reprenant un concept qui a déjà vu le jour dans le privé il y a une dizaine d’années. « Ce n’est pas quelque chose de nouveau. Mais pour en avoir fait l’expérience lorsque je travaillais dans le secteur des mutuelles, j’ai trouvé que le cadre universitaire s’y prêtait complètement. »

En tandem avec Marine Magot, responsable du recrutement et du pôle accompagnement des personnels au sein de la direction des ressources humaines, ils mettent sur pied en 2023 le projet Vis mon job dans leur université. 16 duos se sont mutuellement présenté leur poste durant la seconde édition en avril 2024.

Une seule contrainte : les participants doivent quitter leur poste pour une demie à une journée entière. Un coût humain jugé « dérisoire » par Fernando Vieira, au vu des bénéfices de l’expérience.

Répondre aux enjeux d’attractivité sur les postes administratifs

Dans un contexte marqué par des pénuries de recrutements dans le public, cette initiative concourt à un objectif : donner à voir les perspectives d’évolution des personnels et renforcer l’attractivité de l’établissement installé sur plusieurs sites excentrés de Paris.

« C’est un sujet qui nous préoccupe beaucoup, comment faire pour attirer les talents dans une université de banlieue ? C’est peut-être plus facile pour une université parisienne, mais quand on est en Seine-Saint-Denis (93), il y a cette nécessité de travailler avec le territoire », évoque Fernando Vieira.

Pour ce faire, la présidence a recruté en 2023 un chargé de mission qui consacre 30 % de son temps à l’attractivité de l’établissement et la qualité de vie au travail.

Stimuler la cohésion interne dans une grande structure

 En 2019, l’Université Sorbonne Paris Nord comptait un effectif de 2 115 personnels (Biatss et enseignants-chercheurs). - © Antoine Bovio
En 2019, l’Université Sorbonne Paris Nord comptait un effectif de 2 115 personnels (Biatss et enseignants-chercheurs). - © Antoine Bovio

L’autre objectif de ces journées de découverte est de renforcer le sentiment d’appartenance à l’établissement, en favorisant l’échange social et professionnel.

« Nous pensons que l’université est tellement immense que nos personnels n’ont pas l’occasion de se rencontrer au quotidien, et aussi de voir les avantages comme les contraintes d’autres métiers que le leur et ainsi peut-être de comprendre un certain nombre de choses », ajoute Fernando Vieira.

La direction des ressources humaines mesure les retombées du projet : gagner en compréhension sur un domaine inconnu ou lié à son poste, explorer de nouvelles perspectives professionnelles ou simplement satisfaire une curiosité intellectuelle sur le fonctionnement d’un poste ou d’un service…

Lors de la première édition en 2023, Vis mon job a débouché sur un premier changement de poste en interne. « Le responsable de l’Incub’SPN, un dispositif qui épaule les futurs créateurs d’entreprise avec du coaching sur la vie d’entreprise, a participé à l’expérience et est devenu directeur du service formation tout au long de la vie », souligne Marine Magot.

Contribuer à un transfert de compétences

 Chaque participant quitte son poste pour une durée d’une demi à une journée. - © Université Sorbonne Paris Nord
Chaque participant quitte son poste pour une durée d’une demi à une journée. - © Université Sorbonne Paris Nord

Aurélie Savigny, référente handicap pour l’accompagnement des personnels, et Sadia Agnaou, chargée des concours et appui à la formation, ont constitué un des 16 duos de l’édition 2024.

« Au-delà du fait de découvrir des notions professionnelles, nous avons apprécié le fait de lever un peu la tête de notre quotidien. Cela dans un moment d’échange qui nous a enrichis professionnellement et aussi, simplement, par le fait de partager un souvenir entre collègues », raconte Aurélie Savigny.

Salia Agnaou évoque quant à elle le changement de regard sur son poste qu’a provoqué l’expérience. « Nous ne nous rendons parfois pas compte de ce que nous faisons au quotidien, et quand nous devons l’expliquer, nous nous rendons compte que nous réalisons beaucoup de choses. Ce qui nous fait conscientiser aussi l’intérêt de notre métier pour l’université. »

Leur collaboration d’une journée a permis de joindre l’utile à l’agréable. Aurélie organise chaque fin d’année les recrutements des personnels en situation de handicap, là où Salia est en charge de la mise en place et de toute la gestion administrative des concours ingénieurs et personnels techniques, de recherche et de formation (IRTF).

« J’ai reçu Aurélie pour lui montrer ce que l’organisation des concours impliquait, pour qu’elle puisse de son côté également les mettre en place au sein du pôle handicap », explique Salia Agnaou.

Explorer des perspectives professionnelles

Mathieu Massette, gestionnaire des ressources humaines au service vacataire de la DRH, a souhaité cette année découvrir le travail de la référente de proximité de l’UFR de droit, avec qui il partage de nombreuses missions journalières. Et il souhaite réitérer l’expérience l’an prochain pour une toute autre raison.

« Pourquoi ne pas découvrir un poste qui m’intéresse avec de plus grandes responsabilités l’an prochain ? Ce serait l’opportunité pour moi de voir ce que cela représente concrètement en charge de travail et la suite à donner à mes envies d’évolution. »

La responsable du recrutement, Marine Magot souligne elle aussi toute « l’importance de mieux connaître la réalité du travail des collègues, leurs contraintes ou les compétences requises pour exercer différents postes ». Elle pense à la possibilité d’aider les personnels à préparer des concours, en pouvant solliciter leur binôme pour ces démarches.

Alimenter une curiosité intellectuelle

Le projet attire les curieux, soucieux d’en savoir plus sur des composantes et services de l’université. C’est le cas de Pierre Souche, gestionnaire pédagogique de la licence de psychologie à l’UFR lettres et sciences humaines, qui a fait le choix de découvrir le département des activités physiques et sportives (Daps). Il y a fait la rencontre de Sylvie Collet, professeure spécialisée dans le bien-être.

« Je voulais voir comment cela se passe quand on est professeur et qu’on enseigne le bien-être. Parce que je pense que ce dernier est important au travail. Cela a été une très belle découverte et j’ai beaucoup appris sur le fonctionnement de la direction des activités sportives », raconte Pierre Souche.

Quel avenir pour Vis mon job ? Le format pourrait s’ouvrir aux étudiants. Des journées de présentation de divers postes sont déjà organisées par le service d’orientation et d’insertion professionnelle, il s’agirait maintenant de favoriser une plus grande immersion en suivant un personnel dans son quotidien.

Une faible proportion d’enseignants-chercheurs parmi les participants

L’initiative qui sera reconduite l’an prochaine concerne l’ensemble des personnels, y compris les enseignants-chercheurs. Ces derniers semblent pourtant manquer d’intérêt pour l’expérience.

Parmi les 32 personnes qui ont pris part à cette seconde édition, seule une enseignante s’est prêtée au jeu en ouvrant les portes de ses cours. Une proportion encore maigre sur les quelques 1 200 enseignants-chercheurs (selon les chiffres de l’université) qui garnissent les rangs de l’Université Sorbonne Paris Nord.