Investir TikTok, innover en interne et en externe… les défis de la communication pendant la crise
Par Laura Makary | Le | Personnels et statuts
Dans les établissements d’enseignement supérieur, de nombreux services ont vu leurs missions et leur quotidien chamboulés par la crise sanitaire. Les communicants en font partie !
Les professionnels de la communication ont l’habitude de voir des micros, mais ces derniers se tournent rarement vers eux. Pourtant, le service com’ a, comme tous les autres, subi de plein fouet la crise Covid. Et l’enseignement supérieur ne fait pas exception.
Passage au tout distanciel, impossibilité de promouvoir ses formations lors de salons, d’organiser portes ouvertes, événements, conférences ou affichages, explosion des réseaux sociaux, besoin de rassurer les candidats, étudiants, partenaires et collègues en interne… Clairement, l’année, bien que riche en apprentissages, n’a pas été de tout repos.
Une « double mission »
Premier défi : gérer l’annulation des salons en 2020, puis en 2021, innover et trouver de nouvelles solutions pour faire parler de son école. « Dans un premier temps, l’annulation des événements physiques ne nous a pas fait gagner de temps, au contraire. C’était même une double mission : les gérer et les traiter, tout en cherchant des idées. En revanche, en un temps record, nous avons été capables d’innover, avec des actions mises en place rapidement, c’est une vraie capitalisation pour l’avenir », retrace Stiwie Bouzenade, responsable promotion de l'École supérieure des technologies industrielles avancées.
Face à la difficulté d’entrer en lien avec les candidats, il a par exemple l’idée de proposer des rendez-vous individuels aux internautes. « Étant donné qu’il y a une multitude d’informations en ligne, le fait de reprendre un temps, défini pour chacun, et de faire du cas par cas, a été une grande force. Nous avons reçu de nombreux messages de remerciements à ce sujet et nous avons gagné en qualité d’échange avec nos futurs élèves. C’est une grande valeur ajoutée que nous aimerions garder à l’avenir, en plus de la journée portes ouvertes », détaille-t-il. De quoi conserver le meilleur des deux mondes sur le plus long terme.
Innover en interne et en externe
Qui dit crise, dit aussi communication de crise. Alors, pour les dircom, il a fallu être à la hauteur de la tâche, notamment en termes d’échanges internes.
« Il fallait à la fois garder le lien, avoir de l’empathie et rassurer notre communauté. Nous devions aussi donner des indications rapidement aux collaborateurs pour mettre en place le dispositif 100 % distanciel, fermer les locaux… Nous avons dû inventer de nouveaux outils, par exemple, des newsletters dédiées à nos équipes, en restant toujours positifs », se souvient Christine Bracaval, directrice de la communication d’Excelia.
Côté externe, il a fallu de même innover. L’école de commerce a dû ainsi trouver une solution pour la cérémonie de remise des diplômes, impossible de visu, du fait de la crise sanitaire : « Nous voulions malgré tout maintenir un moment festif, alors nous avons imaginé un véritable show, avec un plateau télévisé, quatre caméras, les étudiants et leurs familles en ligne… Tous nos diplômés étaient connectés et se voyaient. Même si on était tristes de ne pas être réunis, c’était malgré tout un beau moment ».
Les bons outils
Trouver les bons outils a été une obsession pour nombres de communicants. Peut-être encore un peu plus pour ceux déjà tournés vers le numérique avant la crise. Comme Julien Malhere, chargé de mission communication digitale à l’École supérieure d’ingénieurs des travaux de la construction. « C’était peut-être le plus gros changement à titre personnel : j’ai mis en place une veille technologique, en étant aux aguets pour trouver de nouveaux biais d’échanges. Il a fallu aussi prendre des risques, par exemple, le pari d’une journée portes ouvertes totalement virtuelle, via un chat et des avatars », explique-t-il.
Les réseaux sociaux l’ont aussi bien occupé. « Pour personnifier l’échange, nous avons tenu des lives Instagram, avec des rendez-vous et des thématiques donnés, durant lesquels je posais des questions un peu naïves et accessibles à mes interlocuteurs. Finalement, dans l’urgence, nous avons eu l’audace d’essayer et nous avons beaucoup appris », résume le chargé de mission, qui a aussi travaillé sur un site plus léger et festif sur la vie étudiante au sein de l’école d’ingénieurs.
TikTok, Twitch, Clubhouse : de nouveaux formats s’imposent
Dégoter de nouveaux formats a également été un point clef pour Florian Rippert, responsable marketing et communication de Sports Management School : « On avait l’habitude de Facebook, Instagram, voire Snapchat, mais on s’est rendu compte que les jeunes étaient tous sur TikTok, lors du premier confinement. Ayant la chance d’avoir justement un étudiant influenceur sur TikTok avec plus de 500 000 abonnés dans l’une de nos promos, nous lui avons demandé de nous aider à créer des contenus, plus décalés, moins institutionnels, pour montrer la vie sur notre campus ». Parmi les vidéos : des concours de pompes entre étudiants et enseignants, par exemple.
Notre communicant regarde également Clubhouse, nouveau réseau social porté sur la voix, sur lequel plusieurs de ses intervenants sont déjà inscrits, ou encore Twitch, une plateforme de gamers élargissant petit à petit son public. « L’idée sur Twitch est de proposer des émissions avec l’un de nos enseignants, pour parler des sujets liés à l’économie du sport », pointe-t-il, précisant que l’école a aussi développé ses propres podcasts, toujours sur le business et le sport : « Nous avons financé tout cela notamment grâce aux économies réalisées sur le budget salon ».
L’informel en berne
Autre difficulté : tenter de retrouver un peu d’informel dans des relations lissées par les outils de visio. En particulier avec les journalistes.
« Côté relations presse, depuis le premier confinement, toutes les interviews de la directrice se font uniquement par visio. C’est dommage, il est toujours mieux de rencontrer les journalistes en amont, de faire connaissance, discuter ensemble, prendre le temps de leur expliquer concrètement ce que l’on fait, c’est beaucoup plus facile lorsque l’on se voit, plutôt que par téléphone ou en envoyant des documents par mail », relève Mélissa Hucher, chargée de communication et marketing de l’Institut des hautes études pour la science et la technologie, obligée néanmoins de se plier à l’exercice.
Plaquettes PDF ou papier ?
Quid des sacro-saintes plaquettes, préparées avec soin par les écoles et généralement distribuées lors des salons et portes ouvertes ? Là aussi, il a fallu s’adapter, confirme Fanny Cygan, responsable print et digital à l’EM Strasbourg. D’ailleurs, son poste, qui était réparti à 50-50 entre ces deux facettes, penche désormais à 80 % vers le digital.
« La plaquette reste malgré tout un incontournable, le support de base de nos équipes de promotion. Elle n’est pas morte, loin de là ! Aujourd’hui, nous la mettons en format PDF sur nos sites et la diffusons par mailing. Il est certain qu’à distance, nous privilégions la version électronique. De son côté, la plaquette physique a plus de sens dans une campagne de promotion traditionnelle, donnée à la main », acquiesce-t-elle, estimant que « le print sera toujours nécessaire. »
Pas de retour en arrière
Sur de nombreux usages numériques développés depuis mars 2020, tous nos interlocuteurs sont formels, il n’y aura pas de retour en arrière. Les visites 3D des campus demeureront sur les sites, le développement de la présence des établissements sur les réseaux sociaux se poursuivra, tout comme les webinaires, conférences et autres événements en ligne.
« La bascule est faite sur le digital, mais je reste convaincue que cela ne remplacera jamais le contact physique et l’humain, les deux seront nécessairement complémentaires », conclut Christine Bracaval, d’Excelia. Restera ensuite pour chaque école à trouver le bon équilibre entre numérique et présentiel, dans sa communication, et bien au-delà.