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Mime, enseignant et entrepreneur, il raconte :« Mon but est d’étirer les frontières de mon parcours »

Par Marine Dessaux | Le | Personnels et statuts

«  Ce qui me guide, c’est la curiosité et la philosophie.  » Entre le mime corporel, l’entrepreneuriat et la blockchain, Won Kim, aujourd’hui enseignant à l’ESCE, n’a cessé de multiplier les expériences qui infusent dans sa pratique pédagogique. Portrait de ce touche à tout qui puise son énergie dans son rapport à l’autre.

Après avoir exercé dans le marketing et les RP, Won Kim s’est lancé dans le mime corporel. - © D.R.
Après avoir exercé dans le marketing et les RP, Won Kim s’est lancé dans le mime corporel. - © D.R.

Quand l’Américain Won Kim arrive en France en 2002, rien ne laisse présager qu’il consacrera une grande partie de sa carrière à l’enseignement supérieur. Et pourtant, ce sont ses premières expériences professionnelles et artistiques qui feront de lui un enseignant à part.

Dans les années 90, il se dédie au marketing et aux relations publiques aux États-Unis. Il travaille pour Daewoo Motor America, l’Office national du tourisme coréen et Samsung. De 1999 à 2001, se lance également dans une première aventure entrepreneuriale en fondant Adcarus, dont le concept est de sponsoriser des voitures et de les vendre à bas prix à des étudiants.

Il change complètement de cap en suivant sa compagne à Paris : inspiré par ses études en arts du spectacle, il s’inscrit en 2003 en master d’arts du spectacle à l’Université Paris 8. Dans les années qui suivent, il fonde deux compagnies, Boom et Pas de Dieux, et se produit dans 25 pays. Mais surtout, il crée des ateliers pour étudiants. «  Mon but principal était d’enseigner le mime  », explique-t-il.

Après avoir exploré le marketing et le mime, un coup de foudre pour l’enseignement

De 2004 à aujourd’hui, Won Kim enseigne le marketing dans neuf écoles de commerce, à commencer par l’Inseec. S’il choisit d’abord cette voie pour financer ses projets, elle devient vite une passion.

«  L’enseignement est devenu une addiction ! Avoir un dialogue avec les étudiants, leur faire comprendre quelque chose est une joie immense. Même si j’aime énormément le mime, est-ce que le monde a besoin de mon art ? Je ne pense pas, j’ai plus besoin de mon art que le monde. Mais pour l’enseignement, je crois que c’est le contraire. Car il y a peu de personnes qui comprennent que l’enseignant a besoin d’être vivant.  »

Won Kim donne des cours sur l’innovation, les nouvelles technologies, le marketing digital et le design thinking. - © D.R.
Won Kim donne des cours sur l’innovation, les nouvelles technologies, le marketing digital et le design thinking. - © D.R.

Olivier Jacquemond, concepteur de contenus pédagogiques à l’ESCE où Won Kim enseigne depuis 2014, observe : « En arrivant avec ce parcours, Won inspire les étudiants. Et lui-même a un tel appétit de découverte, il est toujours désireux de se lancer dans de nouvelles aventures. »

C’est une envie de bouleverser les cours dans les écoles de commerce, où les « présentations PowerPoint sont un grand problème », qui le pousse dans cet écosystème. Il regrette : « Beaucoup d’enseignants ne savent pas apprendre aux étudiants à être innovants, ils leur font un cours sur l’innovation. Pour comprendre ce processus, il faut le vivre en classe. Pour innover, il faut aller au-delà des sentiers battus, comme au théâtre quand on apprend à utiliser des choses qui ne vont pas ensemble pour en créer de nouvelles. Sur scène, une chaise n’est jamais juste une chaise.  »

Influence du mime sur ses enseignements

Les pratiques scéniques de Won Kim influencent beaucoup sa pratique : «  L’enseignement, c’est bien plus que transmettre des connaissances, c’est un art vivant  : le professeur doit incarner son rôle, créer une connexion authentique avec ses étudiants.  »

Olivier Jacquemond relate : « Il sait occuper l’espace et est très fluide dans ses déplacements. Il pense que la circulation des idées ne passe pas seulement par la tête, mais aussi par le corps. Autre particularité, c’est sa liberté  : nous ne savons jamais où il est lorsqu’il fait un cours  : dans un café, en extérieur… »

Won Kim a étudé le mime avec Thomas Leabhart qui a lui-même appris auprès de Étienne Decroux, connu pour être le père du mime moderne. - © Pas de Dieux
Won Kim a étudé le mime avec Thomas Leabhart qui a lui-même appris auprès de Étienne Decroux, connu pour être le père du mime moderne. - © Pas de Dieux

Une vocation qui porte Won Kim encore aujourd’hui, que ce soit à l’ESCE — où il est professeur assistant à temps partiel — mais aussi dans d’autres écoles de commerce. Il explique avoir besoin de toujours garder un pied dans plusieurs établissements, pour être sûr de continuer à être pertinent et ne pas risquer d’être inadapté à d’autres environnements. « Si je sens de la résistance de la part des étudiants, je change ma façon d’enseigner », partage-t-il.

Une thèse en philosophie, esthétiques et arts

En plus d’enseigner, Won Kim a continué de se former : après avoir obtenu son master en 2007, il entame un doctorat en philosophie, esthétiques et arts toujours à l’Université Paris 8. « C’était une extension naturelle de mon parcours : je voulais comprendre l’importance existentielle du mime. Pour moi, cet art et la philosophie doivent être mis en pratique. Comme le dit Heidegger, il ne s’agit pas d’apprendre de la philosophie, mais de pouvoir philosopher. »

Won Kim soutient en 2014 sa thèse intitulée « Le contrepoids du mime corporel dans le monde contemporain » et devient docteur.

Nouvelles technologies : avoir toujours une longueur d’avance

La curiosité et sa soif de nouveauté poussent Won Kim vers la blockchain. « En 2015, je me suis lancé avec l’ambition de créer ma start-up », retrace-t-il. Il fonde, en 2016, PiggyTag, une société de programmation d’étiquettes digitales pour les antiquités et autres objets de collection.

Won Kim dirige un master de blockchain à ESCE international business school. - © Pas de Dieux
Won Kim dirige un master de blockchain à ESCE international business school. - © Pas de Dieux

En avril 2019, la start-up devient Art Genies, qui s’oriente sur le marché de l’art en France. Cette application mobile crée de l’interactivité dans les expositions artistiques : en scannant une œuvre, le visiteur en apprend plus sur elle et peut l’ajouter à sa collection digitale.

La blockchain s’impose également dans son métier de professeur associé puisqu’il dirige un master dédié à ce sujet à l’ESCE. Il se penche également sur l’IA appliquée aux affaires et organise des ateliers à ce sujet pour d’autres enseignants.

NFT, cryptomonnaie, Web 4.0… Won Kim se passionne pour les technologies émergentes. « Pour comprendre Won, il faut avoir conscience que les nouvelles tendances sont déjà du passé pour lui. C’est très intéressant pour les étudiants, cela les pousse à réfléchir », rapporte Olivier Jacquemond.

Un parcours original… qui ne le sera plus tellement dans le futur ?

Won Kim explique vouloir ne pas se cantonner à un champ d’expertise : « Mon but est d’étirer les frontières de mon parcours professionnel. Me consacrer à ce qui me challenge et ce que je ne comprends pas. C’est aussi une façon d’attaquer ma peur. Avec le mime, c’était la peur de jouer à l’extérieur qui me portait, avec la blockchain, c’est l’envie de comprendre ce qui semble de premier abord difficile d’accès »

Ce parcours peu commun, Won Kim est persuadé qu’il n’aura rien d’original dans quelques années, en raison de l’apparition de l’intelligence artificielle qui redéfinit les métiers. « De nos jours, la frontière entre les professions s’efface. Ne nous pouvons pas être une seule chose ou ne connaître qu’un secteur. »

L’enseignement, une voie adaptée aux profils hybrides

Olivier Jacquemond, également auteur, comprend particulièrement l’attrait de l’enseignement pour Won Kim.

« C’est un espace où l’on peut travailler et rencontrer des gens. Nous sommes en relation permanente avec la jeunesse, c’est un puits d’énergie et d’interrogations », explique celui qui s’estime incapable de répondre aux exigences professionnelles classiques.

Il ajoute : « Won Kim aussi puise son énergie de cette relation  : à une période, il faisait plus de 500 heures de cours par an, passant d’une école à l’autre, alors qu’un enseignant-chercheur en réalise environ 200. »