Numérique

Certification en langue anglaise : PeopleCert veut rebondir en France avec le distanciel

Par Marine Dessaux | Le | Edtechs

Bien qu’ayant remporté l’appel d’offres du ministère pour une durée de cinq ans, l’organisme de certification en langues PeopleCert n’aura collaboré avec les universités qu’une année. Cette fin de contrat prématurée, Pascal Mevellec, directeur France et Benelux, ne la regrette pas : car elle ouvre le champ des possibles. Entretien.

La certification en anglais doit être passée sans exigence de résultat - © Pixabay/Fruber
La certification en anglais doit être passée sans exigence de résultat - © Pixabay/Fruber

Passer un test de niveau en langue anglaise est, depuis cette année universitaire 2021-2022, une obligation pour tout étudiant de BT, DUT et licence. Pour sélectionner le prestataire en charge de ce chantier- qui soit reconnu à l’international et par les employeurs- le ministère de l’enseignement supérieur, de la recherche et l’innovation (Mesri) a dans un premier temps opté pour un appel d’offres au niveau national. Une initiative qui a été largement décriée par les universités pour sa rapidité de mise en place, le choix imposé d’un organisme de certification jugé trop peu connu et la limitation à une langue.

Après une année de mise en place critiquée et complexe en période de Covid, le Mesri a mis fin à son contrat avec PeopleCert comme le contrat en prévoyait la possibilité. « Cela nous a paru cohérent, témoigne Pascal Mevellec, directeur France et Benelux chez PeopleCert. Dans le contexte de crise sanitaire que nous avons connu, comment aurait-il été possible pour les universitaires d’organiser cet examen en présentiel avec 500, 3000 ou même 8 000 étudiants en salle ? »

Un besoin de flexibilité revendiqué par les universités

« Le retour est bon. Seul le mode opératoire est à changer » - © D.R.
« Le retour est bon. Seul le mode opératoire est à changer » - © D.R.

Car c’est en effet pour une modalité de certification commune qu’avait opté le ministère : à savoir un test « papier-crayon » dont la logistique et les coûts de surveillance restaient à la charge des établissements. Et la crise sanitaire n’a facilité pas les choses avec des salles à jauge réduite et des colis soumis aux aléas de services de livraison surchargés.

Lors de son bilan annuel avec le Mesri, PeopleCert évoque la piste du distanciel. Convaincue que cette modalité est la plus pratique et répond au besoin de flexibilité des universités, la société en fait part aux acteurs concernés. « Le retour est bon, ce qui nous conforte dans l’idée que c’était la bonne approche. Seul le mode opératoire est à changer »,  rapporte Pascal Mevellec.

Il approfondit : « Le Mesri a fait à mon avis ce qu’il fallait faire : arrêter ce qui était en cours face à l’incertitude actuelle et ouvrir le champ des possibles pour les universités. Avec du recul, la situation est devenue assez positive, car elle permet de proposer des solutions plus adaptées aux besoins ».

Vers une certification en distanciel ?

LanguageCert, la division langues de PeopleCert, propose trois modes de passation de la certification : en présentiel sur papier, en présentiel sur ordinateur et en distanciel sur ordinateur.

Et si la solution en présentiel peut convenir à un établissement de petite taille ou lorsque l’accès à internet est compliqué sur un territoire donné, la certification en distanciel présente de nombreux atouts.

« Nous voulons éliminer le plus de contraintes aux universités en proposant une solution de surveillance à distance (online proctoring) grâce à notre plateforme où des humains observent les étudiants dans le respect du RGPD (données utilisateur sécurisées et non communiquées, etc.).  L’objectif pour nous, c’est qu’il n’y ait pas de surcoût pour l’université qui doit investir dans la formation et surtout de communiquer un coût intégrant tous les services. De façon simple, à coût égal le service doit être bien supérieur », explique le directeur France et Benelux de PeopleCert.

La télésurveillance reste néanmoins un sujet sensible. Si certaines universités comme celle de Caen-Normandie l’expérimentent depuis 2015 sur de petits effectifs, peu d’établissements l’ont mise en oeuvre pendant la période critique de la crise sanitaire. HEC qui avait fait ce choix s’y est même cassé les dents, confrontée à une fronde des étudiants.

Objectifs : communication, démarcation et prise de pouls du marché

Alors qu’il revient désormais aux universités de sélectionner elles-mêmes un prestataire, LanguageCert doit se faire connaître et se démarquer auprès de chacun des établissements. « LanguageCert est aujourd’hui moins connu en France, mais est reconnu à l’international, précise Pascal Mevellec. Au Royaume-Uni notamment où nous avons remporté l’appel d’offres du ministère de l’intérieur pour les examens destinés aux visas vers l’immigration. Au total, tous tests confondus, PeopleCert représente six millions d’examens passés dans 200 pays. »

Un vrai « observatoire des compétences », voici la réelle richesse de cet exercice national

La société met en avant son respect des enjeux de sécurité et de vie privée. « Parmi les grands acteurs de la certification en langue anglaise, nous sommes les seuls à offrir un service de surveillance à distance effectué avec nos plateformes, nos outils et nos salariés. » Des données relevées qui sont ensuite mises à disposition des établissements : « Toutes ces informations sont très riches pour positionner le niveau d’une classe, d’une promotion étudiante ou d’un établissement en termes d’analyse statistique anonyme. Un vrai « observatoire des compétences », voici la réelle richesse de cet exercice national », souligne Pascal Mevellec.

Autre argument : PeopleCert ne délivre pas une certification ayant une date d’expiration de deux ans. « Ce serait une aberration pour des étudiants en licence qui, s’ils enchaînent avec un master, se retrouveraient sur le marché du travail avec un certificat expiré ! », défend le directeur France.

Développer l’offre de certification en France

« Nous ne sommes pas pressés, nous ne sommes pas là pour du court terme. » LanguageCert a commencé à répondre aux appels d’offres des universités et attend des réponses novembre. Pour autant, Pascal Mevellec voit plus loin pour la France !

L’organisme propose également une certification en espagnol - ce qui représente une opportunité alors que les établissements plaident pour un test qui ne soit pas réduit à l’anglais. C’est également le bon moment pour faire connaître une approche plus approfondie de l’évaluation du niveau de langue.

« En France, nous avons pâti d’une offre limitée des certifications en langues qui fait que le niveau ne progresse pas. Jusqu’à maintenant on ne testait quasiment que la compréhension, écrite (reading) et orale (listening) ; le ministère avait fait le choix d’ajouter à cela l’expression écrite (writing)  qui n’est pas toujours évaluée. À l’international, on va même plus loin avec un test qui permet précisément de mesurer en profondeur chacune des 6 compétences du Cadre européen de référence pour les langues (CERL). Et c’est ce que recherche un responsable de fin de cycle académique plutôt qu’un test qui atteste d’un niveau mesuré rapidement (A1, A2, etc.) sans aller en profondeur dans l’ensemble des compétences de chaque niveau. »

Pascal Mevellec estime néanmoins qu’il était pertinent dans un premier temps, « de chercher à se positionner sur un niveau d’une échelle globale avant d’entrer plus en détail ».

Un recrutement stratégique

Pascal Mevellec a pris ses fonctions de directeur France en avril dernier, une prise de poste qui démontre la volonté d’entrée de PeopleCert sur le marché hexagonal.

« C’est sur la partie stratégique et de compréhension des enjeux propres à la France que j’ai été recruté. En effet, le système éducatif français est très particulier et difficile à comprendre pour d’autres pays. Mon rôle est donc d’identifier les attentes et faire connaître PeopleCert aux acteurs de l’enseignement supérieur en France, puis à l’ensemble du marché professionnel également. Avec modestie, patience et écoute. »

L’intéressé connait bien le sujet, puisqu’il a participé à l’essor du leader du marché, le Toiec, proposé par ETS Global, comme directeur exécutif Europe, Moyen-Orient, Afrique. « J’y ai développé un sens du besoin et des demandes utilisateurs et acteurs institutionnels. Soutenir l’essor de ce test dans plus de 60 pays et notamment la France ce m’a apporté une vision des besoins qui ont évolué », raconte-t-il.

De 2018 à  2020, Pascal Mevellec a travaillé avec le CEO et créateur de PeopleCert, Byron Nicolaides, pendant quelques années puis sous le conseil de Michael Milanovic, à la tête de l’équipe de LanguageCert, en tant que chargé du développement à l’international sur les marché institutionnels, notamment sur des zones comme le Moyen-Orient.