Numérique

L’éducation nationale mise sur l’IA et la start-up Evidence B

Par Isabelle Cormaty | Le | Edtechs

Tous les élèves de seconde disposeront à la rentrée 2024 d’une application de révision de français et mathématiques basée sur l’intelligence artificielle, a annoncé le ministre de l’éducation nationale Gabriel Attal. Conçue par la start-up Evidence B, la solution a été construite avec des laboratoires de recherche et d’autres entreprises edtechs.

L’application Mia Seconde sera accessible à partir de février 2024 pour 200 000 élèves. - © Freepik
L’application Mia Seconde sera accessible à partir de février 2024 pour 200 000 élèves. - © Freepik

Bien que dans la moyenne de l’OCDE, les résultats des élèves en 2022 sont « parmi les plus bas jamais mesurés par l’enquête Pisa en France ». Entre 2018 et 2022, la performance des élèves en France a baissé de 21 points en mathématiques, 19 points en compréhension de l’écrit et de 6 points en sciences.

Telles sont les principales conclusions de la dernière enquête Pisa sur les connaissances et les compétences des élèves de 15 ans, publiée le 5 décembre par l’OCDE. 

La France, « premier pays à généraliser l’IA à tous les élèves d’une classe d’âge »

Trois heures à peine après la parution de cette étude, le ministre de l’éducation nationale, Gabriel Attal a détaillé les mesures qu’il retenait de la « mission exigence des savoirs », lancée le 5 octobre dernier.

Y ont participé quatre personnalités du scolaire de premier plan : Édouard Geffray, le directeur général de l’enseignement scolaire du ministère ; Gilles Halbout, recteur de l’académie d’Orléans-Tours ; Caroline Pascal, cheffe de l’inspection générale de l’éducation, du sport et de la recherche ; et Stanislas Dehaene, président du conseil scientifique de l’éducation nationale. 

« J’ai confiance dans ces nouvelles technologies »

Gabriel Attal a annoncé les mesures sur la « mission exigence des savoirs » le 5 décembre. - © D.R.
Gabriel Attal a annoncé les mesures sur la « mission exigence des savoirs » le 5 décembre. - © D.R.

Concernant le numérique, le ministre prévoit donc le déploiement de l’application de remédiation en mathématiques et en français, Mia Seconde, basée sur l’IA et conçue par la start-up edtech française EvidenceB. Elle sera disponible gratuitement à partir de février 2024 auprès de 200000 élèves dans plusieurs académies, avant une généralisation à l’ensemble des élèves de seconde à la rentrée 2024. 

« Je souhaite que l’intelligence artificielle soit pleinement utilisée, au service de l’élévation du niveau, et dans les apprentissages de nos élèves. En matière d’IA, je préfère choisir plutôt que subir : c’est pour cela que la France sera le premier pays au monde à généraliser l’intelligence artificielle à tous les élèves d’une classe d’âge », déclare le ministre. 

Face à l’arrivée de nouvelles IA qui bouleversent le monde de l’éducation depuis un an, le locataire de la rue de Grenelle prend donc parti. « J’ai confiance. Confiance dans nos élèves. Confiance dans ces nouvelles technologies, lorsqu’elles sont régulées, et mises au service de l’acquisition des connaissances et des apprentissages », assure-t-il.

De nouveaux P2IA sur le cycle 3 et 4 en janvier 2024

Enfin, le ministère de l’éducation nationale précise le calendrier des nouveaux partenariats d’innovation en intelligence artificielle (P2IA) pour les cycles 3 et 4, attendus de pied ferme par les entreprises edtechs depuis deux ans ! Ils seront lancés le 8 janvier et concerneront le français, en mathématiques et en langues vivantes (anglais, espagnol, italien et allemand).

En octobre 2019, cinq solutions edtechs avaient été sélectionnées lors du précédent P2IA sur le cycle 2 : Lalilo et Navi pour l’enseignement du français ; Mathia, Smart enseigno et Adaptiv’Math (EvidenceB) pour les mathématiques. Durant l’année scolaire « 2023-2024, ce sont plus de 53000 professeurs et 1,3 million d’élèves qui utiliseront ces ressources numériques en classe », précise le ministère.

Les autres mesures de la « mission exigence des savoirs »

Outre ces mesures sur le numérique, Gabriel Attal a annoncé entre autres pour la rentrée 2024 :

• de nouveaux programmes à l’école primaire, à commencer par les classes de la maternelle au CE2 et la labellisation des manuels scolaires du premier degré dont l’efficacité des contenus a été prouvée par la science et par la pratique ;

• une répartition en groupes de niveaux pour leurs enseignements de français et de mathématiques pour les élèves de 6e et de 5 ;

• une évolution du brevet en 2025 et l’instauration en 2026 d’une épreuve anticipée du bac en mathématiques et culture scientifique pour les élèves de première générale et technologique. 

Evidence B, une entreprise issue de la recherche

Après avoir travaillé pour Microsoft, Thierry de Vulpillières a cofondé EvidenceB en 2017. - © D.R.
Après avoir travaillé pour Microsoft, Thierry de Vulpillières a cofondé EvidenceB en 2017. - © D.R.

Créée en 2017, EvidenceB propose des modules d’apprentissage adaptatifs sur les savoirs fondamentaux basés sur les recherches en sciences cognitives, en IA (comment personnaliser les parcours d’apprentissage) et en interfaces d’apprentissage numérique (comment stimuler le désir d’apprendre).

Loin d’être une nouveauté, le déploiement de l’application de remédiation d’EvidenceB découle du marché public remporté en novembre 2022 par la start-up avec Docaposte pour la remise à niveau des jeunes lycéens. 20000 exercices seront disponibles sur l’application.

Les secondes pourront les réaliser en autonomie en dehors des cours, et les professeurs pourront suivre leurs progrès sur un tableau de bord. 

Comment fonctionne l’application ?

« C’est de l’adaptive testing, non pas des cours, mais des exercices qui s’adaptent au niveau des élèves. La puissance de nos six algorithmes garantit que chaque élève ait un parcours qui lui est propre », explique Thierry de Vulpillières, CEO et cofondateur d’EvidenceB.

« L’un de nos algorithmes (ZPDES), issu d’un transfert de recherche de l’Inria Bordeaux, se réfère à la zone proximale du développement, un concept de Vygotski. Pour faire progresser un élève, il faut lui proposer des exercices un peu plus difficiles, mais pas trop pour ne pas le perdre. Derrière l’algorithme, un graphique détermine cette zone proximale de développement. Quand un élève atteint une zone à 60 %, on ouvre la zone suivante. Quand il est à plus de 80 %, on ferme l’activité », poursuit-il.

Une solution construite avec 14 laboratoires de recherche

La solution est hébergée par Docaposte, un des rares organismes labellisés SecNumCloud en 2022. Il s’agit du référentiel du plus haut niveau de sécurité délivré par l’Agence nationale de la sécurité des systèmes d’information. 

« Evidence B est une entreprise de transfert de recherche. Derrière Mia seconde, il y a 14 laboratoires, certains spécialisés sur la science de l’espace, d’autres sur le verbe… L’un de nos actionnaires, Daniel Andler, a créé le département d’études des sciences cognitives de l’EN-PSL. Il montre dans son dernier livre que le cerveau a des prédispositions sur des savoirs fondamentaux. Pour faire un beau meuble, il faut suivre les lignes naturelles du bois. C’est pareil pour le cerveau. Les exercices conçus par les laboratoires permettent de retrouver l’intuition naturelle dont les enfants disposent », retrace Thierry de Vulpillières. 

D’autres entreprises edtechs ont participé à l’élaboration de la solution : Mobidys sur la dyslexie, Magik Eduk sur les préalables à la lecture et Vittascience sur l’apprentissage du code. « Nous échangeons avec une quinzaine d’associations d’enseignants », détaille le fondateur d’EvidenceB.

Une start-up habituée des concours internationaux

La start-up française, qui travaille aussi avec des établissements anglo-saxons et singapouriens, est une habituée des concours internationaux.

En novembre, elle faisait partie des cinq lauréats du Tools Competition 2022-2023 dans la catégorie recherche en sciences de l’apprentissage. Elle a remporté une dotation de 250000 $ et annoncé le lancement d’une expérimentation de sa solution de remédiation en mathématiques, Adaptiv’Math, dans le school district de New York pour lutter contre le décrochage scolaire.

En 2022, EvidenceB était aussi finaliste des Bett awards, un concours organisé en marge du Bett Show, le plus grand salon européen dédié aux technologies pour l’éducation. Pour la prochaine édition, l’entreprise tricolore est nommée dans trois catégories : IA dans l’éducation, solution numérique d’apprentissage du calcul et mathématiques au primaire et entreprise de l’année.

Réponse le 24 janvier ! 

EdTech France réagit à Pisa et aux annonces du ministre

EdTech France « salue l’engagement [du ministre] en faveur du déploiement des solutions numériques nécessaires à la vie scolaire et à l’efficacité éducative. L’annonce de nouveaux appels à projet de partenariat d’innovation en intelligence artificielle, centré sur les savoirs fondamentaux, est le signal d’une politique que nous appelons de nos vœux, car elle va soutenir le renforcement et la consolidation des outils que les enseignants utilisent déjà au quotidien et ont vérifiés et validés l’utilité pédagogique », écrit l’association représentant les entreprises de la filière edtech, le 5 décembre. 

« L’association EdTech France s’inquiète des résultats de la France dans l’enquête Pisa 2022 qui témoignent d’un besoin profond de rénovation de l’école. EdTech France est convaincue que le sursaut collectif que nous devons engager pour une école performante et inclusive passe par la mobilisation - raisonnée et raisonnable, mais assumée - du numérique en ce qu’il est un levier puissant de différenciation dans les apprentissages. »