Numérique

Aider les étudiants à réussir leurs études grâce à un tuteur virtuel basé sur l’IA générative

Par Isabelle Cormaty | Le | Pédagogie

Générer automatiquement un plan de révision, un résumé de cours ou une liste de concepts clés à retenir d’un module d’enseignement, tout en s’adaptant aux besoins et au niveau des étudiants. C’est la promesse des tuteurs virtuels basés sur l’intelligence artificielle générative qui ont fait leur apparition dans quelques établissements du supérieur fin 2023, dont Skema et l’Essca.

70 % des étudiants ont une vision positive de l’intelligence artificielle. - © Tom Rogerson (Unsplash)
70 % des étudiants ont une vision positive de l’intelligence artificielle. - © Tom Rogerson (Unsplash)

99 % des étudiants utilisent l’intelligence artificielle générative contre 60 % pour l’ensemble des Français, d’après une étude autour de l’impact des IA génératives sur les étudiants, réalisée par le Pôle Léonard de Vinci et Talan et publiée le 16 mai dernier.

Tandis qu’Open AI annonçait fin mai le lancement de ChatGPT Edu, une version conçue pour les universités « afin de déployer de manière responsable l’IA auprès des étudiants, des enseignants, des chercheurs et des opérations sur le campus », certains établissements du supérieur se sont saisis des IA génératives dès leur arrivée auprès du grand public début 2023.

Campus Matin a interrogé deux écoles de commerce qui ont testé la mise à disposition de tuteurs IA virtuels à leurs étudiants en 2024.

Des tuteurs en circuit fermé : l’exemple de l’Essca

Officiellement annoncé en avril 2024, le bot de l’Essca est né de la collaboration interne entre les services de l’école de commerce, notamment sa direction des systèmes d’information (DSI).

« Les différents services de la DSI ont réfléchi à mettre en place des agents conversationnels afin de fournir des informations aux étudiants concernant l’organisation des études à l’école et les orienter vers les bons interlocuteurs correspondants. Notre service de pédagogie s’est rapproché d’eux pour aller plus loin et proposer cet assistant à l’échelle d’un cours », retrace Stéphane Justeau, directeur de l’Institut de pédagogie avancé de l’établissement.

Laurent Barbin est ingénieur pédagogique à l’Essca. - © D.R.
Laurent Barbin est ingénieur pédagogique à l’Essca. - © D.R.

« Le bot est intégré dans l’espace virtuel des étudiants, et ce n’est pas anodin. Cela permet de réduire une partie de la fracture numérique des usages, et notamment de l’IA », complète Laurent Barbin, ingénieur pédagogique à l’Essca. Il s’agit d’un bot « fermé », c’est-à-dire qu’il n’a pas accès à internet ou à d’autres ressources que celles fournies par le professeur.

« Il ne va pas chercher ailleurs pour fournir une réponse à tout prix. Ainsi, son contenu ne peut pas sortir du cadre académique et pédagogique fixé par l’enseignant et est en phase avec les connaissances et les compétences en cours d’acquisition par l’étudiant », explique Stéphane Justeau, également doyen associé à la pédagogie de l’Essca.

« Autre avantage  : nous n’avons pas de problématiques liées à la protection des données ni de propriété intellectuelle puisque tout se passe en circuit fermé », ajoute-t-il.

Une application en no code à Skema

Nathalie Hector est directrice de l’innovation et de la learner experience de Skema business school. - © Lora Barra
Nathalie Hector est directrice de l’innovation et de la learner experience de Skema business school. - © Lora Barra

L’école de commerce et de management Skema a elle privilégié une application en no code, intitulée Skema AI Tutor. Elle est alimentée par les supports d’enseignement déposés par les professeurs dans le LMS. L’IA suggère ensuite des activités aux étudiants pour évaluer leurs connaissances.

« Nous avons travaillé sur le développement d’une application et de prompts au service de la réussite de nos élèves. Ainsi, des prompts dédiés à accompagner l’étudiant proposent des résumés de cours, d’explorer des sujets plus en profondeur ou de questionner un document », détaille Nathalie Hector, directrice de l’innovation et de l’expérience apprenant de l’établissement.

« Nous avons aussi fait le choix de développer des fonctionnalités pour aider l’étudiant à se préparer au mieux aux examens en générant des plans de révisions, des QCM. Parce qu’il est important que les étudiants cultivent leur créativité et l’esprit critique nous avons intégré cette dimension dans le cadre des réponses proposées par AI Tutor invitant ainsi nos étudiants à aller plus loin dans leurs recherches. »

Cette application répond à un double enjeu pour Skema : aider les étudiants à mieux réussir leur scolarité et leur donner un cadre d’usage de l’IA leur permettant d’appréhender le potentiel de cette technologie dans leur futur quotidien professionnel.

Vers un déploiement à grande échelle des outils d’IA

Professeur d'économie, Stéphane Justeau dirige l’Institut de pédagogie avancée de l’Essca depuis 2010. - © D.R.
Professeur d'économie, Stéphane Justeau dirige l’Institut de pédagogie avancée de l’Essca depuis 2010. - © D.R.

Déployé depuis fin 2023 dans les cours d’économie et de management des opérations, l’Esscabot a vocation à être disponible à plus grande échelle. « À terme, il n’y a pas de contre-indication pour le déployer dans tous les cours. Il s’agit d’un outil pédagogique très intéressant à explorer et au service des étudiants », affirme Stéphane Justeau.

Outre une application pour préparer et réviser ses cours, Skema a de son côté aussi injecté de l’IA sur ses modules de remise à niveau en mathématiques notamment. Elle teste aussi l’amélioration des CV et lettres de motivation avec l’IA.

« Tous les prompts ont été conçus avec l’équipe talent et carrières. Quand un étudiant prend ensuite rendez-vous avec ce service, cela permet de sortir des questions de premier niveau ou de forme et d’aller plus loin dans la réflexion professionnelle avec l’étudiant et enrichir ainsi le temps avec les coachs », constate Nathalie Hector.

La période des révisions, propice à l’usage d’un tuteur

Si ces deux tuteurs virtuels ont pour l’instant été expérimentés durant quelques mois auprès d’une petite cohorte d’étudiants, les premiers retours d’utilisateurs montrent qu’ils utilisent principalement ces outils pour leurs révisions.

« Il y a eu un engouement à la découverte de l’application, puis les étudiants l’ont surtout utilisé pour la préparation de leurs examens. Nous voulons améliorer l’outil pour qu’il soit utilisé au quotidien », précise Nathalie Hector.

Particularité du bot de l’Essca, il a été conçu pour offrir un soutien empathique aux étudiants, c’est-à-dire les rassurer et les guider vers un dialogue constructif si ces derniers expriment des émotions négatives.

Un outil disponible 24 h/24 et 7 j/7

Nathalie Hector pointe également un avantage de ce tuteur virtuel : sa disponibilité à toute heure du jour et de la nuit. « L’outil s’adapte aux rythmes des étudiants et à leurs besoins », résume-t-elle.

« Cela permet aux étudiants qui ne sont pas forcément enclins à poser des questions en salle de classe, par manque de confiance en soi ou parce qu’ils ne sont pas à l’aise, de le faire à n’importe quel moment, via le chatbot », ajoute Laurent Barbin.

Une application qui ne remplace pas les cours ni les profs

Historiquement implantée à Angers, l’Essca compte cinq autres campus en France.  - © D.R.
Historiquement implantée à Angers, l’Essca compte cinq autres campus en France. - © D.R.

Pour la directrice de l’innovation et de l’expérience apprenant de Skema, le tuteur IA est comparable à un coach de sport, qui accompagne les athlètes durant les entraînements et les aide à réussir leurs compétitions ! Mais il ne se substitue pas aux enseignants.

« Le tuteur va amener les étudiants à poser des questions, l’oral redevient central dans les enseignements », expose-t-elle.

Même approche à l’Essca. « Le bot n’a pas du tout vocation à remplacer les professeurs ! Il fonctionne intégralement avec leurs ressources. En revanche, nous sommes convaincus que les enseignants doivent être accompagnés », expose Laurent Barbin.

Des enjeux éthiques à prendre en compte

Quid des enjeux éthiques de l’usage de l’IA ? « Nous nous attachons à avoir une approche holistique de l’IA, notamment dans ses usages. Cette approche doit se faire dans un cadre éthique et réglementaire connu de toutes et tous », indique Stéphane Justeau.

À Skema, cela se traduit par une charte des usages de l’IA destinée aux étudiants, aux enseignants et aux personnels et qui sera diffusée à la rentrée 2024. « Ce document explique des cas pratiques : comment présenter ses données quand on s’est aidé de l’IA pour les traiter par exemple », illustre Nathalie Hector.

« Nous voulons proposer un environnement sécuritaire aux étudiants en leur assurant que leurs données et leurs prompts sont stockés sur des serveurs de l’école. Cela fait partie de notre mission d’assurer des garanties de l’école », ajoute-t-elle.

À Dauphine, un tuteur virtuel pour les étudiants en licence

De son côté, l'Université Paris Dauphine-PSL a travaillé avec l’entreprise edtech Craft AI pour proposer à ses étudiants de licence un tuteur qui leur suggère chaque jour une activité pédagogique adaptée à leur niveau et leurs appétences. Les étudiants peuvent aussi solliciter le tuteur via un chatbot pour les aider à réviser.