Un nouvel outil pour accompagner l’encadrement de la recherche en master et doctorat
Par Marine Dessaux | Le | Pédagogie
Collaborer pour innover : c’est le pari de six enseignants-chercheurs de l’Université Libanaise, épaulés par des collègues de Suisse et d’Égypte. Ensemble, ils ont conçu un référentiel de compétences pour accompagner l’encadrement des étudiants de master. Retour sur cette démarche soutenue par l’Agence universitaire de la francophonie.
Surmonter les difficultés rencontrées dans l’enseignement supérieur libanais quant à la transmission de la méthodologie scientifique, dans un contexte de manque d’encadrants. Tel est l’objectif derrière la création d’un référentiel de compétences créé par six enseignants-chercheurs de l’Université Libanaise, en collaboration avec les universités d’Alexandrie (Égypte) et de Lausanne (Suisse).
Emmanuel Sylvestre, directeur du Centre de soutien à l’enseignement de l’Université de Lausanne, revient sur cette collaboration qui a fait l’objet d’une publication dans la Revue internationale de pédagogie de l’enseignement supérieur, le 28 décembre 2024.
Comment est née cette étude ?
Emmanuel Sylvestre : Le projet a été initié en 2020 par des collègues de l’Université Libanaise qui identifiaient un manque de préparation des enseignants-chercheurs pour encadrer la méthodologie de recherche. Bien que je n’aie pas directement collaboré avec l’Université Libanaise auparavant, j’ai travaillé avec d’autres universités du Liban et suis intervenu dans plusieurs conférences, ce qui m’a permis d’être identifié et sollicité par ces chercheurs.
Nous avons répondu à un appel à projet de coopération scientifique inter-universitaire lancé par l’Agence universitaire de la francophonie (AUF), qui a soutenu cette initiative intitulée « Innovation dans les pratiques pédagogiques universitaires de l’enseignement de la méthodologie et de l’encadrement des recherches ».
Le modèle de l’enseignement supérieur au Liban est assez proche du nôtre et du système américain — mais de multiples crises compliquent la mise en œuvre des projets. Le soutien financier de l’AUF, par exemple, est intervenu juste avant la dévaluation de la livre libanaise.
La période Covid a permis de développer des collaborations à distance. Le travail en commun avec le Liban se déroule très bien, il existe une envie forte de renforcer la qualité de l’enseignement.
Y a-t-il une ou des compétences clés qui ressortent particulièrement de ce référentiel ?
L’une des compétences clés est l’encadrement des travaux de recherche des étudiants : les accompagner dans la construction d’un plan de recherche, puis les soutenir pendant leurs recherches.
À l’Université de Lausanne, nous avons un Graduate campus, qui propose notamment une formation pour les superviseurs des doctorants. Mais il n’existe pas de dispositif équivalent pour les mémoires de master, seulement une petite formation en présentiel. L’accent est souvent mis sur les doctorats en raison des problématiques parfois soulevées dans la relation avec le directeur de thèse et du fait de la longueur du doctorat.
Cependant, cela pourrait être intéressant, ici aussi, de clarifier ce qu’implique l’encadrement des mémoires de master, compte tenu du grand nombre de crédits ECTS que cela représente et de l’absence de formation des encadrants.
Cela soulève plusieurs questions : quelle planification adopter ? Quel rôle doit jouer un superviseur ? Faut-il être proactif et solliciter les étudiants ou se rendre disponible quand ils ont des questions ?
Une absence de cadre commun clair
L’étude met en lumière des difficultés dans la conception des enseignements, notamment pour les stratégies d’évaluation et dans l’encadrement des étudiants de master. Autre problématique : les étudiants n’acquérent pas forcément les compétences recherchées lors les modules d’enseignement à la méthodologie.
Par ailleurs, le nombre élevé d’étudiants par encadrant limite des échanges décrits comme « irréguliers et discontinus ». Enfin, les séminaires spécifiques à ces enjeux restent rares, observent les auteurs.
Comment a évolué la démarche de recherche ?
Nous avions commencé par adopter une approche scholarship of teaching & learning (SoTL) en recherchant des éléments dans la littérature scientifique. Cependant, elle a progressivement évolué vers la création d’une communauté de pratiques, où des enseignants testent des choses dans leur pratique et font des retours.
Cette démarche est particulièrement riche, car elle a permis de voir l’émergence d’une véritable communauté, avec des applications propres à différents contextes. La flexibilité est un point clé : les modalités mises en place peuvent être adaptées et réutilisées.
Quelles applications en France et en Suisse ?
En France, des référentiels de compétences existent déjà pour les enseignants-chercheurs, mais ils sont plus génériques. Il est toujours utile d’avoir des cadres pour former les futurs collègues et de les adapter selon les contextes et les disciplines.
Quel usage a été fait de ce référentiel depuis sa production ? Quels projets pour la suite ?
Le référentiel a notamment été diffusé par une collègue libanaise dans son établissement. À l’Université de Lausanne, des projets sont en cours pour renforcer l’encadrement et la supervision au niveau du master. L’idée serait de créer un module de formation en ligne, principalement destiné à nos enseignants, qui sera par la suite accessible en open access.
Les prochaines étapes envisagées au sein de l’Université Libanaise
Selon les auteurs de l’étude, l’utilisation du référentiel nécessitera des mises à jour régulières, en tenant compte des évolutions pédagogiques et des retours d’expérience des utilisateurs
Il est prévu de soumettre ce travail à un plus grand nombre d’enseignants-chercheurs de l’Université Libanaise pour validation afin d’assurer son adoption et sa reconnaissance. Il s’agira, enfin, d’évaluer son impact sur l’acquisition des connaissances des étudiants et le développement des compétences des enseignants.