À Mines Nancy, « le confinement a obligé les enseignants à repenser totalement leurs cours »
Par Marine Dessaux | Le | Pédagogie
« Le confinement a obligé les enseignants à repenser totalement leurs cours et la pédagogie associée et cela aura sans aucun doute un impact sur leurs prochains cours en présentiel », estime Yves Meshaka, directeur de la formation Ingénieur Civil des Mines de Nancy.
Il répond à Campus Matin.
Yves Meshaka, directeur de la formation Ingénieur Civil des Mines de Nancy, répond à Campus Matin
Quel retour avez-vous de vos élèves ?
Nous avons mis en place, dès le début du confinement, un baromètre à destination de nos élèves via plusieurs questions sur leurs conditions de confinement, leur entourage, leur moral et des questions plus techniques sur leur matériel de travail (ordinateurs, connexions wifi, etc.) et leur aisance à suivre les cours à distance.
Dans leur grande majorité, les étudiants de Mines Nancy sont satisfaits de la réactivité et de l’agilité dont ont fait preuve leurs enseignants et l’administration de l’école pour être opérationnels dès le début du confinement avec la transformation de leurs cours à distance. Les enseignants n’ont eu de cesse depuis d’adapter et d’améliorer leurs pratiques en s’appuyant notamment sur les retours quotidiens des étudiants.
Quels sont les points forts et les points faibles de cette situation, selon les étudiants ?
Les points forts de cet enseignement à distance, que les étudiants ont pu nous remonter, sont les suivants :
- La possibilité de re-visionner un cours à tout moment en cas de difficulté
- Dans certaines disciplines (informatique par exemple), le travail collaboratif entre petits groupes d’étudiants est encore plus développé qu’en présentiel où les TD étaient effectués dans des salles informatiques ne permettant pas forcément une réorganisation spatiale en mode projet
- Il est plus facile de poser des questions pour les plus timides d’entre eux
Les points qu’ils aiment moins sont les suivants :
- Rester devant un écran toute la journée est usant physiquement et mentalement,
- L’enseignement à distance nécessite un travail et un investissement personnel plus conséquent,
- Pour ceux qui vivent dans un petit studio, l’absence de démarcation nette entre l’espace de travail et le lieu de repos est compliquée à vivre,
- Les évaluations à distance sont plus source de stress qu’en présentiel.
150 cours à distance chaque semaine
90 % des cours ont été assurés à distance dès le 16 mars et 100 % depuis le 23 mars (à l’exception des cours de sport qui sont assurés en ligne via les services du SUAPS de l’Université de Lorraine), soit 150 cours assurés à distance chaque semaine.
Quel est le retour des enseignants ? La perception des professeurs du distance learning a-t-elle changé ?
Les enseignants ont été très agréablement surpris par le degré d’investissement des étudiants et leur fort taux de participation. Les étudiants travaillent beaucoup et les TD ont conservé une grande interactivité. Ce confinement les a obligés à repenser totalement leur cours et la pédagogie associée. Cette nouvelle expérience aura sans aucun doute un impact sur leurs prochains cours en présentiel.
Il convient de noter que la préparation de cet enseignement à distance est très chronophage et que le lien humain entre étudiants et enseignants est forcément moins direct à distance.
Le niveau des connaissances obtenu par les élèves pendant cette période est-il satisfaisant ? Apprennent-ils mieux, aussi bien ou moins bien avec le distance learning ?
Certaines disciplines se prêtent plus ou moins au e-learning
Compte-tenu des fortes incertitudes globales et du stress associé à cette pandémie, dans laquelle sont plongés les étudiants (Fin du confinement ? Sous quelle forme ? Quand est ce qu’ils pourront revoir leurs familles ? etc), il nous semble dangereux d’en tirer trop tôt des conclusions définitives sur cette expérience d’enseignement à distance « forcée ». Le manque de lien social joue sur le mental des élèves et donc indirectement sur leurs capacités d’apprentissage. Dans d’autres conditions, les conclusions seraient sans aucun doute différentes.
Ce qui est sûr, c’est qu’ils apprennent différemment.
Certaines disciplines se prêtent plus ou moins au e-learning. Les acquis d’apprentissage attendus dans des modules comme le sport ou le cours d’humanité sur l’Art abstrait par exemple qui s’appuyaient sur une forte pratique ont été revus et corrigés pour s’adapter à la situation. A l’inverse, les cours d’informatique n’ont pas connu d’impact et le niveau de connaissance finale sera sans aucun doute le même que les années précédentes.
Quelles sont les erreurs à corriger ? Quelles méthodes de travail sont-elles à ajuster ?
Après 6 semaines d’expérience, nous avons pu noter que les étudiants ont besoin d’être rassurés. Cela passe par une communication fréquente, par des lieux virtuels de parole et d’échange, par des emplois du temps définis à l’avance et impliquant des rendez-vous pédagogiques réguliers.
Il est important également de se restreindre aux horaires annoncés dans l’emploi du temps et de ne pas déborder sur la fin des cours (qui vont impliquer par effet domino un décalage du cours suivant, des pauses plus courtes, un repas pris en toute vitesse, etc…).
De manière générale, il vaut mieux dans certaines matières revoir un peu à la baisse les attendus finaux en termes de connaissances et de compétences en étant sûrs qu’ils maîtrisent ce qu’ils ont vu plutôt que de vouloir tout faire mais de manière trop superficielle.
Quels dispositifs avez-vous mis en place dans l’urgence pour répondre aux problématiques qu’on vous exposait ?
Dès le premier jour, la direction des études a mis en place de nombreux points d’information et d’échange avec les enseignants (mails quotidiens, visio, page Arche résumant les outils pédagogiques à leur disposition avec points forts et points faibles, formation interne à certains logiciels (Microsoft Teams, Arche, Zoom, Discord, …) pour leur faire part des retours d’expérience des collègues et des retours des étudiants. Cet accompagnement apprécié par les collègues leur a permis de gagner du temps et gagner en efficacité.
S’il n’y a pas de retour à la case départ, quelles sont les évolutions prévisibles ou souhaitables ?
Minimiser les risques de triche possible tout en maintenant notre niveau d’exigence
La réflexion est encore en cours. Tout dépend de la durée restante de cet enseignement à distance ? 1 mois, 3 mois, 1 an ? Dans tous les cas, il faudra continuer à réfléchir à la forme de nos évaluations afin qu’elles soient le plus adaptées possibles, donc minimiser les risques de triche possible tout en maintenant notre niveau d’exigence et en étant sûr d’évaluer les compétences et connaissances souhaitées.
La question des mobilités entrantes et sortantes va aussi être une vraie problématique tant technique, pédagogique qu’humaine (si les étudiants chinois ou brésiliens ne peuvent pas venir en France, suivre des cours à distance avec un si grand décalage horaire va poser certains soucis ; la question de l’intégration est aussi fondamentale).
Si vous deviez résumer ce bilan du distance learning en une phrase ?
Une expérience inédite et unique menée à bras le corps par l’ensemble des parties prenantes de l’école (enseignants, étudiants, personnels, alumni) et dont les Mines Nancy sortira grandie et plus unie encore. Une expérience à l’image de notre maxime « Ici, c’est déjà demain » !
Résultat du baromètre élèves
« Chaque semaine nous sollicitons nos élèves pour un meilleur suivi. Les étudiants répondent à ces questions tantôt avec des jauges préétablies (exemple : Comment vivez-vous le confinement ? 1=très mal 5=très bien) tantôt par des réponses libres (exemple : Si vous rencontrez des difficultés techniques, merci de les préciser ci-dessous). »
• 80 % des élèves déclarent travailler dans de bonnes conditions techniques.
• Plus de 50 % soulignent l’amélioration constante des cours d’une semaine à l’autre.
• 76 % des élèves déclarent plutôt bien vivre le confinement.