Vie des campus

À la découverte du fonds ancien de l’Université Rennes 2

Par Antoine Bovio | Le | Expérience étudiante

Ce n’est pas le lieu le plus visible du campus rennais de Villejean et pourtant. Des ressources, stockées dans une réserve sécurisée, offrent un voyage scientifique et littéraire à travers les années. Le fonds ancien de l’Université Rennes 2 dispose de 34 000 ouvrages allant du 15e siècle au 19e siècle. Caroline Chevallier, la gestionnaire de ce fonds, nous fait remonter le temps.

Le fonds ancien Rennes 2 rassemble 34 000 ouvrages, dont 21 000 antérieurs à 1915. - © Antoine Bovio
Le fonds ancien Rennes 2 rassemble 34 000 ouvrages, dont 21 000 antérieurs à 1915. - © Antoine Bovio

Campus Matin vous invite à découvrir le fonds ancien de l’Université Rennes 2, situé sur le campus de Villejean depuis sa création en 1969. Caroline Chevallier, gestionnaire de ce fonds depuis 2019, nous a accueillis pour une visite exclusive.

Une histoire multiséculaire

Depuis 2019, Caroline Chevallier est la gestionnaire du fonds anciens de l’Université Rennes 2. - © D.R.
Depuis 2019, Caroline Chevallier est la gestionnaire du fonds anciens de l’Université Rennes 2. - © D.R.

Tout démarre en 1735 avec la création de la faculté de droit de Rennes. Plus tard, en 1879, la bibliothèque universitaire de Rennes est officiellement créée. C’est de cette structure que provient une partie de la collection actuelle.

Des dates relativement tardives : « Nous sommes une université très jeune si nous nous comparons à des universités parisiennes. Nous ne pouvons pas non plus concurrencer des bibliothèques beaucoup plus anciennes dans la capitale », contextualise Caroline Chevallier.

Arrive l’année 1905 et la loi de séparation de l’Église et de l’État. Les fonds des séminaires, des bibliothèques, des couvents, des abbayes et des monastères sont alors confisqués. Ce qui permet à l’Université de Rennes, alors unifiée, d’hériter de tous ces ouvrages autour de Rennes et ses environs.

Une collection divisée entre les différents campus

En 1969, l’histoire évolue avec la création des campus de Villejean et de Beaulieu, marquant la séparation des disciplines : les lettres, sciences humaines et langues sont enseignées à l’Université Rennes 2, tandis que les sciences dures sont rattachées à l’Université de Rennes (anciennement Rennes 1). L’enseignement du droit et des sciences économiques, relevant de Rennes 1, reste quant à lui au centre-ville.

« Nous nous retrouvons donc avec trois campus, ce qui occasionne aussi la séparation des collections. Rennes 2 récupère les ouvrages de ses domaines d’enseignement », explique Caroline Chevallier.

Le fonds ancien, alors organisé grâce à des cotes, se trouve divisé. Ce qui explique des numéros manquants dans les collections, restées dans le centre-ville de Rennes ou à Beaulieu.

La querelle des inventaires

Un autre événement historique a aussi profité aux ouvrages anciens de l’Université Rennes 2 : l’inattendu héritage en 1906 des fonds de la ville d’Angers, de ses couvents et de ses séminaires qui est venu garnir un peu plus la collection rennaise.

« Dans notre fonds se trouvent également beaucoup d’ouvrages très anciens (16e, 17e siècles…), car nous avons hérité de collections provenant des séminaires et des couvents d’Angers, confisquées après la promulgation de la loi de séparation de l’Église et de l’État, en 1905. On a appelé ça “la querelle des inventaires”. Le maire d’Angers ayant refusé que ces collections soient intégrées à la bibliothèque de sa ville, elles ont été acheminées vers l’université la plus proche, celle de Rennes. »

Des œuvres uniques

L’ouvrage le plus ancien de ce fonds date de 1496 et est l’œuvre du philosophe Jean de Pic de la Mirandole. - © Antoine Bovio
L’ouvrage le plus ancien de ce fonds date de 1496 et est l’œuvre du philosophe Jean de Pic de la Mirandole. - © Antoine Bovio

Depuis son arrivée, il y a cinq ans, la gestionnaire de ce fonds découvre chaque jour de nouvelles œuvres parmi la multitude d’ouvrages présents.

« À chaque fois que l’on me demande un ouvrage, je jette toujours un œil sur les autres volumes qui sont à côté. Je suis intriguée par les titres, je regarde et je découvre des choses. Je prends toujours des notes et cela me permet ensuite d’alimenter des listes thématiques d’ouvrages. »

Caroline Chevallier partage ses coups de cœur : une édition de 1619 d’un atlas de Mercator, à qui l’on doit la cartographie sous forme de planisphère, ou encore un incunable datant de 1496. Il constitue un des premiers livres imprimés et est l’œuvre d’un philosophe italien Jean de Pic de la Mirandole.

Une diversité de domaines et de cultures

Les gravures sur cuivre étaient coloriées manuellement jusqu’au XIXè siècle. - © Antoine Bovio
Les gravures sur cuivre étaient coloriées manuellement jusqu’au XIXè siècle. - © Antoine Bovio

Dans la salle prévue pour l’accueil du public, on peut observer une sélection d’ouvrages témoignant du savoir-faire particulier pour s’exercer à la gravure : « Nous avons des gravures sur cuivre et coloriées du 18 ᵉ siècle. Nous ne savions pas faire les couleurs à l’époque, il fallait les colorier manuellement pour illustrer ces œuvres de zoologie ou de botanique. »

Caroline Chevallier souligne aussi l’apport de nombreux professeurs de l’université rennaise au début du siècle dernier. Des ouvrages de culture bretonne et celtique garnissent ainsi les étagères de la réserve, mais pas uniquement. « Nous avons étrangement une collection importante de pièces de théâtre du 16e-17e siècle en anglais. Ce sont des livres qui n’existent pas forcément dans le reste de la France et qui peuvent même avoir disparu en Angleterre ! Ils sont ici grâce à un professeur d’anglais. »

Livres et récits de voyage, cartes, partitions de musique… C’est une diversité d’œuvres, de cultures et de langues qui se présentent au visiteur. « Nous avons beaucoup de latin, car c’était évidemment la langue commune des savants jusqu’au 18e siècle dans toute l’Europe. Il y a aussi de l’allemand, de l’anglais, de l’espagnol, de l’italien, du russe, du chinois et même du suédois », se réjouit la gestionnaire des lieux.

Les cartographes alliaient informations géographiques et spécificités culturelles et naturelles. - © Antoine Bovio
Les cartographes alliaient informations géographiques et spécificités culturelles et naturelles. - © Antoine Bovio

Des visites ouvertes au public chaque mois

Pour toucher un public curieux, le fonds ancien a lancé une initiative en janvier 2024 : toute personne peut désormais participer à une visite organisée une fois par mois à 17 heures.

Avec la mise en place d’ateliers, Caroline Chevallier espère pouvoir davantage familiariser la communauté universitaire avec ce fonds. Elle se réjouit des premières visites. « Souvent, les gens qui viennent sont étonnés, épatés, posent plein de questions : ils découvrent ! Pour l’instant, nous organisons surtout des ateliers-découverte en espérant accroître un intérêt chez nos enseignants et étudiants. »

Et pourquoi pas proposer à terme des visites à thème, sur les axes de travail d’enseignants-chercheurs ou sur des cours spécifiques pour les étudiants ?

Une exposition universitaire annuelle pour présenter le fonds ancien

Pour mettre en valeur ce patrimoine, une exposition annuelle est organisée dans un espace dédié de la bibliothèque universitaire de Rennes 2. Après l’univers de Dante ou les voyages en livre, le thème de cette année est Pompéi.

« Un professeur d’histoire romaine nous l’a proposé et nous avons trouvé pléthore d’ouvrages sur le sujet allant du 16e siècle jusqu’au 20e siècle. Parmi eux, un ouvrage de Pline le Jeune qui raconte l’éruption du Vésuve. Il a été un témoin oculaire de l’éruption du Vésuve en 79 et a raconté cela dans une lettre à Tacite, dont nous avons une édition très précoce du récit. »

L’espace d’exposition de la bibliothèque de Rennes 2 sera en revanche inaccessible l’an prochain, en raison de travaux.