En visite dans le bunker de Sciences Po Paris
Par Marine Dessaux | Le | Relations extérieures
Campus Matin vous fait découvrir des institutions de l’enseignement supérieur sous un angle différent. Cette semaine, visite des lieux insolites que renferme le campus de Sciences Po Paris : un bunker, un automate et une cuisine ancienne.
À Paris, le campus de Sciences Po est vaste - et il s’est récemment modernisé et étendu. Il est aussi historique et insolite : au 9 rue de la Chaise, c’est dans un ancien hôtel particulier du 18e siècle que se trouve le bâtiment administratif… mais aussi un bunker.
À peine plus loin, au 28 rue des Saints-Pères, sous les amphis et bureaux, on découvre près d’une pièce réhabilitée pour le stockage, une cuisine ancienne dans son jus.
Enfin, sous une des bibliothèques universitaires (BU) de l’école, un automate suisse transporte des dizaines de livres chaque jour depuis le magasin jusqu’au comptoir de retrait, en passant sous la rue. Visite.
Un bunker… pour plus de fraîcheur !
C’est dans l’ancien hôtel particulier Madame Récamier, du nom de la femme de lettres du 19e siècle qui tenait un salon près de là, que Sciences Po Paris accueille ses étudiants en année préparatoire et une partie de ses personnels administratifs. Un bâtiment qui appartient à l’école depuis 1974, après avoir été utilisé par EDF et appartenu à la ville de Paris.
Il y a huit ans, sa cour et façade sont rénovées. On entame ensuite des rénovations en sous-sol. C’est alors qu’est découvert, derrière une imposante porte d’acier, un… bunker !
« Nous supposons que ce bunker a servi pendant la Seconde Guerre mondiale, probablement comme abri lors des bombardements, mais nous n’avons d’informations plus précises et ne connaissons pas sa date exacte de création », indique Emmanuelle Durbana, directrice du patrimoine de Sciences Po.
« Appelé en interne le sous-marin, il semble être conçu pour être étanche », observe Françoise Albareil, responsable projets immobiliers et gestion de patrimoine de l’école.
Son usage, aujourd’hui, est plus basique : il sert de lieu de stockage pour les dossiers des élèves. Des dossiers récents uniquement, les plus anciens étant conservés ailleurs puis détruits - à l’exception de ceux des alumni célèbres. Le bunker est également sur la liste des endroits frais, diffusée en interne pour les personnels qui souhaitent se réfugier en temps de canicule !
Le petit train du livre
Situé au sous-sol de deux bâtiments de Sciences Po Paris, au milieu d’un magasin - l’endroit où est stocké une partie des ouvrages de l’établissement - se trouve un drôle de chemin de fer… Il s’agit d’un automate créé par une société Suisse, spécialisée dans les télésièges, dans les années 80 et renouvelé au début des années 2000. Sa mission : déplacer des livres d’un bâtiment à l’autre.
Comment ce système de transport fonctionne-t-il ? Les livres, commandés par les usagers de la BU, apparaissent sur le logiciel des agents de bibliothèque qui vont les récupérer parmi les 5 km linéaires de collections du magasin. Ils sont placés dans un bac autonome qui se déplace sur plusieurs mètres jusqu’à destination, pour un trajet de trois minutes seulement. Il ne reste plus qu’à ouvrir le bac, récupérer les livres et les faire remonter, du sous-sol au rez-de-chaussée, à l’étage de la BU !
Un jeu d’enfant en apparence rendu possible par une machinerie complexe et qui nécessite une maintenance importante. Un travail effectué par l’entreprise suisse à l’origine de l’automate pour un coût de 20 000 € par année.
Ce petit train du livre est loin d’être un gadget. En effet, quatre agents travaillent avec cette machine qui est utilisée au quotidien. Si en période estivale, le rythme est plus calme, pendant l’année et particulièrement à l’approche des examens ce sont des dizaines de livres qui sont transportés par jour.
Il faut dire que le choix est vaste, notamment pour les sciences humaines et sociales dont Sciences Po possède la plus grande collection d’Europe continentale (hors Royaume-Uni). Au total, c’est près de 1 million de documents que possède l’institution.
Et pour transporter les messages : un tube pneumatique
Autre installation originale : un tube pneumatique permet la communication entre le magasin et la BU.
Il s’agit d’une technologie du 19e siècle permettant de transporter des tubes contenant des messages par air comprimé.
Cette technologie permettait de communiquer rapidement. Aujourd’hui, elle peut encore être utilisé - même si le numérique est plus rapide - pour des demandes de vérifications sur les emprunts étudiants par exemple.
Une cuisine ancienne intacte
Dernière étape de notre visite insolite au 26-28 rue des Saints-Pères, à l’hôtel de Fleury (18e siècle) acheté par Sciences Po en 2009. Dans le sous-sol de ce qui fut notamment le siège de l’École nationale des ponts et chaussées, une cuisine d’époque impressionne : immense cheminée, passe-plat, soupiraux… Tout est resté dans son jus, c’est à peine si le cochon de lait ne rôtit pas encore sur sa broche !
Et pourtant, non loin de là changement d’ambiance : une pièce a été complètement rénovée pour servir de fonds d’archives. Y ont été installés des rayonnages mobiles flambants neufs dans une salle blanche et à température contrôlée.
Interrogée sur la politique de Sciences Po sur ce patrimoine historique mais non classé, Emmanuelle Durbana répond : « Nous veillons à ce qu’il n’y ait pas de stockage sauvage et que les normes incendie soient respectées mais la réhabilitation de ces endroits n’est pas une priorité actuellement, les levées de fonds sont à destination des étudiants. »
Néanmoins, ce patrimoine hors du commun éveille l’intérêt des personnels de l’établissement qui suggèrent d’organiser des visites à l’avenir. D’ores et déjà, d’autres lieux insolites de Sciences Po sont à retrouver dans la vidéo ci-dessous !