Vie des campus

Loin de la Croisette, quand les universités se transforment en décor de films

Par Isabelle Cormaty | Le | Relations extérieures

Le quotidien des écoles et des universités ne se résume pas à l’enseignement et à la recherche ! Certains établissements du sup’ accueillent ponctuellement des tournages de films ou de séries sur leurs campus. À l’occasion du Festival de Cannes qui se tient du 17 au 28 mai, Campus Matin vous raconte les coulisses et les enjeux de cette activité qui s’est professionnalisée ces dernières années.

32 établissements du supérieur figurent dans le catalogue édité par France Universités. - © Pixabay
32 établissements du supérieur figurent dans le catalogue édité par France Universités. - © Pixabay

Si vous faites partie des 4,1 millions de spectateurs ayant regardé « Le Grand Bain », réalisé par Gilles Lellouche, vous n’avez pas pu rater le décor principal de la comédie sortie en 2018. Une piscine olympique crève l’écran…. celle de l'Université Grenoble Alpes !

Trois tournages ont eu lieu sur le campus de l’établissement depuis sa création en 2016. Le dernier, « Loin du périph », avec Omar Sy et Laurent Lafitte est sorti le 6 mai dernier sur Netflix.

Comme l’université grenobloise, d’autres établissements du supérieur accueillent des tournages sur leurs campus. À une seule condition : « Que les missions premières de l’université que sont l’enseignement et la recherche ne soient pas perturbées », indique Pascal Louvet, vice-président finances et patrimoine de l’Université Grenoble Alpes.

Valoriser le patrimoine des établissements

« L’accueil de tournages nous permet de valoriser notre patrimoine », explique Fabrice Hirsch, vice-président délégué à la culture, à la communication et aux relations science-société de l’Université Paul Valéry Montpellier 3. Les tournages sont également un moyen de dégager des ressources financières, bien qu’elles restent infimes comparé aux budgets des établissements.

Un établissement, plusieurs décors

Les établissements du sup’ peuvent servir de lieu de tournage pour les films ou séries se déroulant dans un environnement universitaire. Salles de cours, bibliothèques, amphithéâtres, laboratoires, couloirs sont alors mis en avant. Mais les universités proposent aussi d’autres types de lieux : musées, infrastructures sportives, bureaux, couloirs, espaces extérieurs…

« Les sociétés de production recherchent aussi des endroits modulables. L’un des bâtiments de notre école d’ingénieurs Seatech s’est transformé en commissariat de police pour le tournage du téléfilm 'Le Sang des îles d’or', raconte par exemple Éric Chauzu, responsable communication de l'Université de Toulon. Nos départements de formation en génie civil ou mécanique peuvent aussi servir de décor d’usine. »

Des étudiants qui jouent les figurants

Au-delà de la valorisation du patrimoine et de la visibilité, les tournages profitent parfois aux étudiants. « Nous avons créé des liens avec des sociétés de production que nous pouvons mettre en contact avec nos étudiants en filière artistique. Il arrive aussi que nos étudiants soient figurants », confie Fabrice Hirsch, vice-président de l’Université Montpellier 3.

Éric Chauzu abonde : « Un de nos laboratoires de recherche a été utilisé pour le tournage du “Sang des îles d’or”. Deux de nos doctorants ont été figurants dans le téléfilm car ils savaient manipuler du matériel. »

Une professionnalisation récente des établissements

« Il y a quelques années, les universités étaient très peu professionnalisées et mal identifiées des acteurs du cinéma. Nous avons créé un groupe de travail sur le sujet et emmené à partir de 2018 quelques universités au Salon des tournages pour identifier précisément les besoins des professionnels du cinéma et mieux valoriser le potentiel des établissements », se souvient Johanne Ferry-Dély, directrice de la communication et des partenariats de France Universités.

Un catalogue des lieux de tournage universitaires

Virginie Dupont est vice-présidente de l’association France Universités depuis décembre 2020. - © Université Bretagne Sud
Virginie Dupont est vice-présidente de l’association France Universités depuis décembre 2020. - © Université Bretagne Sud

Depuis 2019, France Universités (anciennement Conférence des présidents d’université) édite un catalogue des lieux de tournage universitaires. 32 établissements disposés à accueillir des films ou des séries y figurent, présentant brièvement les campus et leurs atouts.

« Nous voulions montrer que France Universités pouvait être une porte d’entrée pour les professionnels du cinéma, qu’ils soient scénaristes, régisseurs ou repéreurs. Dans les films anglo-saxons, les espaces universitaires sont souvent des lieux de tournage, ce qui n’est pas le cas en France, remarque Virginie Dupont, vice-présidente de l’association regroupant une centaine d’établissements du supérieur. Le patrimoine universitaire français est pourtant très riche ! »

France Universités se veut donc un intermédiaire avec les sociétés de production qui la contactent. « Quand un repéreur recherche un lieu de tournage qui ressemble à une université, nous pouvons l’aider à trouver l’établissement qui correspond à ses besoins », ajoute Johanne Ferry-Dély.

Une personne « référente » dans chaque établissement

La professionnalisation des établissements du supérieur est également passée par la désignation d’une personne référente dans chaque école ou université volontaire pour accueillir des tournages. Les repéreurs des sociétés de production peuvent la solliciter pour des renseignements ou des visites.

Le catalogue édité par France Université indique les coordonnées de ces personnes ressources, tantôt rattachées à la direction de la communication, tantôt à la direction de la culture, du patrimoine, ou encore à l’équipe présidentielle. 

Fabrice Hirsch est vice-Président délégué à la culture, à la communication et aux relations science-société de l’Université Paul-Valéry. - © D.R.
Fabrice Hirsch est vice-Président délégué à la culture, à la communication et aux relations science-société de l’Université Paul-Valéry. - © D.R.

À l’Université de Toulon, c’est le responsable du service communication, Éric Chauzu qui assure ainsi les relations avec les professionnels du septième art. L’Université Paul Valéry Montpellier 3 a quant à elle confié cette mission « chronophage » à Fabrice Hirsch.

« J’assure les visites du campus avec les repéreurs et éventuellement le réalisateur. Il y a aussi des échanges téléphoniques ou par mail avec l’équipe de tournage en amont et des visites pour caler la mise en place du tournage », détaille le vice-président délégué à la culture, à la communication et aux relations science-société.

Des établissements aux tarifs compétitifs

« Nous établissons à chaque fois une convention avec la société de production », poursuit Fabrice Hirsch. Signée entre l’université et la société de production, elle définit entre autres les tarifs de location des espaces, leurs conditions d’utilisation et de remise en état, ainsi que des clauses juridiques. L’établissement s’assure également d’être cité au générique.

Sous l’impulsion de France Universités, les établissements du supérieur ont établi pour la location de leurs espaces des grilles tarifaires votées en conseil d’administration. Une manière d’harmoniser les procédures et de monter en gamme dans leurs activités événementielles.

« Nos tarifs de location s’appliquent à l’ensemble des usagers : sociétés de production, associations et entreprises organisant des colloques ou des séminaires », explique Pascal Louvet, vice-président finances et patrimoine de l’Université Grenoble Alpes.

Une démarche parfois coordonnée avec les collectivités

Eric Chauzu est responsable du service communication de l’Université de Toulon. - © Yves Colas
Eric Chauzu est responsable du service communication de l’Université de Toulon. - © Yves Colas

En plus du référencement dans le catalogue de France Universités et de la présence au salon des tournages en janvier, certains établissements peuvent compter sur l’appui des collectivités locales. C’est le cas notamment de l’Université de Toulon, soutenue par sa métropole.

« Depuis janvier 2021, la Métropole Toulon Provence Méditerranée a mis en place un Bureau des congrès et des tournages. Nous avons rencontré ses membres pour leur présenter le campus et les différents lieux de tournage possibles », précise Éric Chauzu.

Ce bureau toulonnais se veut un guichet unique pour les professionnels du cinéma qui apprécient la Côte d’Azur pour son ensoleillement et sa luminosité. Il oriente les sociétés de production vers l’université si le campus répond aux besoins du tournage. De son côté, France Universités travaille avec la Commission du film d’Île-de-France qui référence les lieux de tournage universitaires de la région parisienne, où se déroulent deux tiers des tournages en France.

Pour aller plus loin : un livre sur les films de campus

En 2012, deux enseignants-chercheurs ont consacré un livre à ce sujet : Damien Malinas et Emmanuel Ethis, ancien président de l’Université d’Avignon, aujourd’hui recteur de la région académique de Bretagne. Dans « Les films de campus, l’université au cinéma », les auteurs évoquent la manière dont sont représentés l’université et la jeunesse au cinéma en fonction des pays.