Vie des campus

À Sciences Po Paris, des parcours sur-mesure pour les étudiants sportifs de haut niveau

Par Isabelle Cormaty | Le | Expérience étudiante

Parmi ses formations, Sciences Po Paris propose pour les sportifs de haut niveau un certificat qui s’adapte à leurs nombreuses contraintes de disponibilité. Un dispositif qui s’inscrit pour l’institut d’études politiques dans une démarche de diversification des profils étudiants en attirant notamment les talents sportifs ou artistiques.

France Universités a commandé un rapport sur l’accompagnement des sportifs de haut niveau. - © D.R.
France Universités a commandé un rapport sur l’accompagnement des sportifs de haut niveau. - © D.R.

Aller en cours, rendre ses devoirs, réviser ses partiels tout en conciliant entraînements intensifs et compétitions nationales ou internationales… Un casse-tête pour les étudiants sportifs de haut niveau qui doivent concilier calendriers universitaire et sportif.

« Notre logiciel de fonctionnement n’est pas totalement adapté aux exigences du sport de haut niveauC’est la raison pour laquelle nous préconisons de changer totalement le paradigme des politiques d’accompagnement des étudiants sportifs de haut niveau », reconnait Stéphane Braconnier, le président de l’Université Paris Panthéon-Assas dans son rapport sur le sport commandé par France Universités et publié le 1er février dernier.

L’agrégé de droit public et ancien président du comité de déontologie du Comité national olympique et sportif français précise que « l’objectif n’est pas d’adapter marginalement ou de procéder à des ajustements de cursus, mais de passer dans un système où le cursus est construit autour du projet sportif. » 

Sciences Po Paris propose depuis 2007 pour les sportifs de haut niveau un certificat préparatoire porté par sa branche executive ainsi que de nombreux aménagements pour les sportifs inscrits en formation initiale. Une manière pour l’institut d’études politiques de diversifier les profils de ses étudiants. 

Un certificat qui s’adapte aux contraintes du haut niveau

Myriam Dubois-Monkachi est codirectrice de la scolarité de Sciences Po Paris. - © Didier Pazery / Sciences Po
Myriam Dubois-Monkachi est codirectrice de la scolarité de Sciences Po Paris. - © Didier Pazery / Sciences Po

« Le certificat a été  le premier programme de l’ESR dédié aux sportifs de haut niveau en carrière qui cherchent à préparer leur retraite sportive avec une formation interdisciplinaire en sciences humaines et sociales. Nos étudiants pratiquent des disciplines tellement différentes, avec des calendriers et des durées de carrière si variables que l’individualisation du suivi est la bonne manière de les accompagner », retrace Myriam Dubois-Monkachi, directrice de la scolarité et de la réussite étudiante de Sciences Po Paris.

Concrètement, les étudiants du certificat ont par exemple la possibilité de demander l’adaptation de leurs dates d’examen, de rendre leurs devoirs quand ils le peuvent et de ne pas aller en cours pendant plusieurs semaines s’ils s’entraînent ou participent à des compétitions…

« L’emploi du temps change régulièrement pour qu’il puisse correspondre au maximum avec les contraintes de tous les étudiants. Les sports d’hiver sont les plus difficiles à aménager. Je suis allée en cours en septembre, comme il y avait très peu de neige dans les Alpes, puis ponctuellement en octobre. Depuis, je suis majoritairement les cours à distance », témoigne Anna Valentin, snowboardeuse de l’équipe de France en première année de certificat préparatoire depuis la rentrée 2022.

Des professeurs volontaires

Les enseignements en présentiel sont en effet complétés par une plateforme en ligne, où les étudiants retrouvent les supports des cours auxquels ils n’ont pu assister. Un référent sportif de haut niveau rencontre également les sportifs dès leur arrivée et les suit ensuite durant leurs études. Comme certains autres étudiants de l’institut d’études politiques, les étudiants du certificat ont accès au tutorat par les pairs et au mentorat.

Et c’est aux professeurs de s’adapter au rythme ! D’une semaine à l’autre, ils n’enseignent pas leur discipline devant les mêmes étudiants. Particularité du cursus : les professeurs sont volontaires pour enseigner à ce public spécifique.

« Tout le monde ne comprend pas qu’un sportif de haut niveau ne peut pas reprendre les cours deux jours après une compétition, car il doit se reposer, voire gérer l’échec. Il faut connaître la psychologie des sportifs et leurs contraintes de temps pour leur enseigner : certains étudiants révisent fréquemment à l’aéroport ou dans les transports », explique Myriam Dubois-Monkachi.

Ce parcours sur-mesure demande néanmoins un engagement fort, comme l’illustre la snowboardeuse aux Deux-Alpes. « Les professeurs sont très réactifs, ils s’adaptent à nos contraintes. Suivre un tel parcours nécessite tout de même de la rigueur pour s’imposer des deadlines sur le rendu des devoirs par exemple. Mais il s’agit d’une qualité acquise par le sport de haut niveau. »

Une solidarité entre sportifs peu habitués à la vie étudiante

Anna Valentin est membre de l’équipe de France de snowboard depuis 2016. - © D.R.
Anna Valentin est membre de l’équipe de France de snowboard depuis 2016. - © D.R.

« La Fédération française de ski à laquelle je suis rattachée a des partenariats avec des établissements du supérieur à Annecy (Université Savoie Mont-Blanc) ou Grenoble (Université Grenoble Alpes) pour des formations en Staps ou marketing principalement. Parmi les formations compatibles avec ma vie de sportive, peu me correspondaient », raconte celle qui souhaite devenir journaliste.

Outre l’accès à une formation généraliste mêlant les sciences politiques, l’histoire, l’économie, la sociologie, le droit ou les relations internationales, la snowboardeuse de l’équipe de France apprécie la solidarité au sein de sa promotion, qui lui permet de sortir de sa bulle sportive.

« Lors de la rentrée mi-septembre, des diplômés nous ont expliqué les erreurs à ne pas faire en suivant ce parcours et les clés pour réussir. Notre promotion est très mixte, et nous sommes tous issus de sports différents. Cela me fait un peu sortir de l’univers du snowboard, où tout le monde se ressemble », ajoute l’étudiante. 

Un certificat aux alumni illustres

Le judoka Teddy Riner a suivi le certificat préparatoire pour les sportifs de haut niveau.  - © FF Judo
Le judoka Teddy Riner a suivi le certificat préparatoire pour les sportifs de haut niveau. - © FF Judo

Le certificat permet de valider 180 crédits ECTS au bout de trois ans d’études, ou plus en fonction des besoins des sportifs. En revanche, il ne donne pas le grade universitaire de licence. « Il existe néanmoins des passerelles pour intégrer le programme master de Sciences Po ou d’autres formations », précise la directrice de la scolarité.

Certaines fédérations prennent en charge les droits de scolarité, en partie ou totalement. Sciences Po dispose également d’une politique d’égalité des chances : dans le cadre du certificat, un élève sur deux bénéficie d’une prise en charge complète de ses frais de scolarité.

Depuis sa création en 2007, plus de 200 sportifs ont participé à ce programme et 40 ont poursuivi leurs études en master à Sciences Po. Parmi les anciens étudiants du certificat et sportifs émérites figurent notamment : le judoka dix fois champion du monde Teddy Riner, la boxeuse vice-championne olympique Sarah Ourahmoune, l’ancien numéro un du tennis français Richard Gasquet ou encore l’escrimeuse quadruple championne d’Europe Coraline Vitalis.

Attirer les talents sportifs et artistiques

En plus du certificat « à la carte », les sportifs de haut niveau peuvent également suivre les cursus classiques de Sciences Po avec des aménagements. « Nous en recrutons une dizaine chaque année par cycle d’études sur l’ensemble de nos sept campus », précise la directrice de la scolarité. 

Les étudiants en première année du Collège universitaire ont en moyenne 24 heures de cours par semaine, dont trois enseignements fondamentaux par semestre qui réunissent à chaque fois les mêmes étudiants dans un groupe classe « pour faciliter la transition avec le lycée ». Les sportifs ont eux la possibilité de changer de groupe pour ces cours fondamentaux, et de réaliser leur premier cycle en quatre ou cinq ans, au lieu de trois.

« Nous ciblons les éléments de la scolarité hors les murs en fonction des centres d’intérêt des sportifs. En fin de première année, les étudiants doivent par exemple faire un stage sur les questions d’engagement, dans le cadre du parcours civique. Les sportifs de haut niveau peuvent le faire dans des structures sportives avec un éducateur », détaille Myriam Dubois-Monkachi.

De même pour la troisième année de scolarité qui se déroule à l’international la destination s’adapte en fonction de l’agenda de compétition des sportifs. « Nous avons 480 partenaires universitaires dans le monde, nous faisons un travail de dentelle pour identifier les établissements partenaires dans un pays qui intéresse les sportifs pour l’accès à leur pratique », complète-t-elle.

Diversifier les publics de l’établissement

Sciences Po accompagne les sportifs de haut niveau à Paris et sur ses campus en région. - © D.R.
Sciences Po accompagne les sportifs de haut niveau à Paris et sur ses campus en région. - © D.R.

« Sciences Po est aujourd’hui la plus ouverte des grandes écoles en France. L’institution a évolué, nous sommes reconnus comme une université de recherche de rang mondial. Nous accueillons des étudiants internationaux et des sportifs internationaux de haut niveau », se félicite la codirectrice de la scolarité. 

Au-delà des conventions d’éducation prioritaire, le recrutement de sportifs de haut niveau permet à l’IEP de diversifier les profils de ses étudiants et de casser son image. L’étude des dossiers de candidature des lycéens prend donc en compte des critères quantitatifs et qualitatifs. 

« Un sportif de haut niveau qui a de bons résultats scolaires, sans avoir 18 dans toutes les matières nous intéresse, car il réussit à mener de front le sport et ses études », souligne Myriam Dubois-Monkachi.

Vers un élargissement des dispositifs en faveur des talents ?

Pour recruter davantage de talents sportifs ou artistiques, l’institut d’études politiques compte organiser l’an prochain des journées portes ouvertes sur cette thématique et valoriser le statut d’artiste confirmé qui vient d’être créé par l’IEP au printemps. « Nous souhaitons rendre davantage visible notre politique d’accompagnement pour les talents en créant un référent pour les artistes confirmés et les sportifs de haut niveau », précise Myriam Dubois-Monkachi.