Intégration des nouveaux étudiants : le sup’ dans l’impasse ?
Par Marine Dessaux | Le | Expérience étudiante
Sur les campus de France, responsables de la vie étudiante et associations se voient contraints d’annuler la majorité, voire la totalité, des événements en présentiel. Alors que la fin d’année précédente a été mouvementée du fait de la pandémie et du confinement, l’intégration des étudiants peine à se faire en cette rentrée universitaire où le contexte sanitaire complique les échanges.
A l’occasion de sa semaine « spéciale rentrée », ponctuée de reportages un peu partout en France, Campus Matin s’est rendu à l’Université de Lille et à l’école d’ingénieurs HEI, pour aborder ces questions.
« Je suis très inquiète des conséquences psychologiques de l’isolement sur les étudiants », soupire Sandrine Rousseau, vice-présidente vie étudiante à l'Université de Lille. Alors que les primo-arrivants vivent une rentrée bouleversée par la crise sanitaire, difficile pour eux de trouver leurs premiers repères.
Une grande difficulté à se connaître
Et il ne faut pas compter sur les week-ends et journées d’intégration pour y remédier : ils ont très vite été interdits, à l’initiative des établissements puis selon les directives de la circulaire du Mesri. « Il faut imaginer que les premières années ont vécu la fin de leur terminale à distance pendant plusieurs mois. Aujourd’hui, ils reviennent physiquement en cours, mais il y a une grande difficulté à se connaître en dehors du cadre des cours », dit Sandrine Rousseau.
A l’université de Lille, le programme des « Jivé », les journées d’intégration sur le campus, a d’abord été adapté pour répondre aux consignes sanitaires. « Plusieurs événements ont lieu lors des Jivé mais le moment phare, c’est le concert de clôture. Nous avons dans un premier temps espéré le maintenir en organisant une retransmission à différents points dans les facultés », explique celle qui est également chargée de l’égalité homme-femme.
Mais cette initiative a tout de même dû être annulée, comme la majorité des manifestations en présentiel, à l’exception notamment d’une projection de film. Désormais, les activités se font en ligne, à l’instar du forum des associations.
Des étudiants peu friands du distanciel pour échanger
Oui, mais voilà : « Les évènements à distance, ça n’intéresse pas ! », indique Nathan du Soulier, étudiant en troisième année de pharmacie et membre de l’Association amicale des étudiants en pharmacie de Lille. Il observe un désintérêt des étudiants pour les tentatives de l’association de créer du lien via les réseaux sociaux et plateformes en ligne.
« La visite des locaux se fait bien à distance et pourtant ça n’a pas rencontré un franc succès. Les week-end d’intégration, le système de parrainage qui fonctionne selon les affinités entre deuxièmes et troisièmes années, les événements dans la cafétéria, rien de tout cela n’a pu avoir lieu.
Non seulement c’est frustrant pour nous qui organisons, mais, en plus, on observe que les étudiants n’ont plus cet intérêt pour l’association. On va sûrement avoir dû mal à recruter cette année. Il y a clairement un ressenti chez certains étudiants qui souhaiteraient que les événements en présentiel soient maintenus ».
Vers une disparition de certaines traditions voire de certaines associations ?
« Si une personne s’inscrit une fois et qu’on lui annonce que l’atelier est complet, elle tentera peut-être une deuxième fois, mais après, avec le temps et les cours, elle risque de passer à autre chose. Or, les participants des ateliers sont des membres potentiels pour l’association, surtout en ce début d’année universitaire : c’est la porte d’entrée pour un engagement plus important »L’association étudiante lilloise le Merle, dédiée à la protection de la biodiversité, a pu, elle, continuer à être active. Elle organise régulièrement des ateliers en extérieur par groupe de dix maximum.
« Nous avons dû penser les activités différemment : on fait plus d’événements avec moins de personnes », précise Richard Drinal, son trésorier.
Cependant, les demandes restent plus nombreuses que l’offre et certaines personnes se voient obligées de prendre leur mal en patience.
« Si une personne s’inscrit une fois et qu’on lui annonce que l’atelier est complet, elle tentera peut-être une deuxième fois, mais après, avec le temps et les cours, elle risque de passer à autre chose. Or, les participants des ateliers sont des membres potentiels pour l’association, surtout en ce début d’année universitaire : c’est la porte d’entrée pour un engagement plus important », regrette l’étudiant en master 2 biologie-santé.
Les nouveaux membres sont formés par les anciens, et c’est ce qui est le plus efficace
Richard Drinal et Nathan Du Soulier sont affirmatifs : si les recrutements ne sont pas au rendez-vous en cette rentrée, certains projets, voire les associations elles-mêmes, risquent de disparaître.
« À leur arrivée les nouveaux membres sont formés par les anciens, et c’est ce qui est le plus efficace. Les projets sont portés par certains membres qui passent le flambeau et transmette leur savoir-faire aux nouveaux arrivés motivés. Mais s’il n’y a personne pour prendre la suite, certaines choses disparaitront et ce qui sera créé dépendra entièrement des personnes qui arrivent », souligne Richard Drinal, qui supervise les actions de l’association sur les potagers de l’université, projet exigeant du temps et un engagement au fil des années.
Une autre organisation des cours pour faciliter l’intégration
A HEI, école d’ingénieurs généraliste à Lille, l’association WHEI (contraction de WEI pour week-end d’intégration et HEI) s’occupe traditionnellement du week-end d’intégration. Ses membres se sont dans un premier temps organisés pour maintenir certaines activités en divisant les nouveaux arrivants en groupes de dix.
Seulement, avec les restrictions, l’école n’a pas voulu prendre de risque et tout a été annulé.
« Même si les groupes devaient être séparés, c’était une seule et même structure qui prenait en charge les 200 nouveaux admis au cycle d’ingénieur. Nous ne pouvions pas prendre le risque que 50 étudiants se retrouvent à pique-niquer au jardin Vauban au même moment », explique David Marseault, responsable Life on Campus pour Yncréa Haut-de-France, dont HEI fait partie.
Ici, contrairement à l’Université de Lille où tout reste majoritairement ouvert, les locaux destinés aux associations ont été fermés. Ces dernières essaient cependant de rester actives, en organisant notamment leur forum sur Instagram et Facebook et en initiant des afterworks virtuels.
Des cours de connaissance de soi et des ateliers de co-design
Si l’intégration par les activités extra-scolaires semble dans l’impasse, le fonctionnement particulier des cours à HEI s’avère bénéfique aux échanges entre étudiants.
« Les deux premières semaines, avant d’émettre leurs vœux de spécialisation, les étudiants ont participé à des cours de connaissance de soi et des ateliers de co-design, propices aux discussions et interactions au sein de différents groupes », détaille David Marseault.
Une dynamique de brassage entre élèves d’une même promotion qui fait partie intégrante du déroulement des programmes :
« Depuis 2017, les groupes changent à chaque matière. Concrètement, cela signifie que les étudiants côtoient des camarades différents à chaque demi-journée ».
Des initiatives contre l’isolement, mais une problématique toujours posée
À l’Université de Lille, plusieurs initiatives tentent de lutter contre la détresse psychologique causée par l’isolement.
C’est le cas de la nightline, un service d’écoute nocturne gratuit en place dans plusieurs campus de France, d’un dispositif étudiant de lutte contre l’isolement social (DELCIS) mis en place pendant le confinement par la Fédération des associations étudiantes de l’université de Lille (FAEL) via Discord et du projet d’étudiants sentinelles.
Pour lutter contre cela dans ce contexte sanitaire, je n’ai pas vraiment de solution
Cependant, la vice-présidente vie étudiante, Sandrine Rousseau, regrette la difficulté à saisir les personnes avant qu’elles se retrouvent en situation de détresse.
« Beaucoup d’étudiants, comme les deuxièmes années de médecine qui sortent d’une année très éprouvante, se retrouvent seuls, perdus. Et pour lutter contre cela dans ce contexte sanitaire, je n’ai pas vraiment de solution », déplore-t-elle.
Pour les associations désœuvrées, elle envisage cependant de « profiter de cette année pour faire monter les bénévoles en compétences ».
La rentrée de Campus Matin
Campus Matin fait sa rentrée ! En cette période charnière, alors que les établissements oscillent entre présentiel et distanciel, et que les premiers clusters provoquent des fermetures de campus, nous allons sur le terrain pour prendre la température (sans mauvais jeu de mot).
• Lundi, nous avons parlé intégration avec l’Université de Lille et l’écoles d’ingénieurs HEI. Nous avons également rencontré Jean-Charles Caillez, enseignant à l’Université catholique de Lille et fervent défenseur de l’innovation pédagogique.
• Mardi, c’est avec l’Université de Reims, plus précisément la fac de pharmacie et médecine, et le labo CardioVir, que nous avons discuté santé.
• Jeudi, rendez-vous à CY Cergy Paris Université pour rencontrer des professeurs et partager leur expérience de travail. Et à Mines-PSL pour découvrir l’intérieur d’un service informatique.
• Vendredi, direction l’Université de Grenoble pour faire témoigner les personnels de l’ombre, essentiels à la vie de l’établissement.