Nightline, une ligne d’écoute par les étudiants pour les étudiants
Par Marine Dessaux | Le | Expérience étudiante
Depuis sa création en France en 2016, Nightline, la ligne d’écoute nocturne étudiante, fait des émules. D’année en année, le nombre d’appels reçus augmente, particulièrement depuis le début de la crise sanitaire. Dans plusieurs villes, des initiatives similaires fleurissent. Mais attention à respecter un cadre éthique strict, prévient le bénévole de longue date, Nicolas Cerardi.
Britannique d’origine, la ligne d’écoute nocturne Nightline est apparue dès les années 70 outre-manche. En France, il aura fallu attendre 2016 pour qu’elle voit le jour. Et pourtant, le besoin d’accompagnement en termes de santé mentale ne cesse de prendre de l’ampleur.
Avec la crise sanitaire et l’ouverture de nouvelles antennes en 2019, la ligne d’écoute tenue par des étudiants à destination de leurs pairs enregistre un nombre records d’appels téléphoniques.
« Nous avons reçu 200 appels la première année, 2 300 en 2019-2020 et pour 2020-2021, nous en sommes déjà à plus de 2 800 », indique Nicolas Cerardi lors des Rendez-vous de la santé étudiante organisés par Universités & Territoires.
Des antennes à Paris, Saclay, Lille et Lyon
Bénévole depuis de nombreuses années, Nicolas Cerardi constate l’utilité de cette ligne d’écoute ouverte entre 21h et 2h30, qui aide notamment les étudiants en proie aux terreurs nocturnes. D’abord présente à Paris, elle ouvre des antennes fin 2020 à Saclay, Lille et Lyon.
« Nous travaillons sur l’ouverture d’une nightline à Toulouse, précise Nicolas Cerardi. L’avantage d’une implantation locale, c’est que l’étudiant qui appelle tombera sur un bénévole de la même ville, qui connait la même expérience que lui et qui le peut rediriger vers des soutiens sur place. »
Pour autant, les différentes lignes d’écoute de l’association peuvent recevoir des appels de toute la France. « Le bénévole pourra peut-être moins vous orienter mais sera là pour vous écouter », dit celui qui a également été écoutant du temps de ses études.
Soutien-etudiant.info : un site qui liste les ressources
Nightline Paris a mis en ligne le 7 avril 2020, en lien avec le Cnous et le Mesri, un site internet dédié au recensement des services d’écoute et de psychologie pour les étudiants à l’échelle nationale. Contactée par le ministère au début du confinement, l’équipe de l’association a prolongé son travail de recensement, débuté à l’échelle parisienne avant la crise sanitaire, dans chacune des académies.
Il est par ailleurs disponible en anglais et recense les services d’écoute dans cette langue. Patrick Skehan précise néanmoins qu'« il est dommage que très peu de dispositifs soient conçus pour les personnes résidant en France et ne parlant pas bien le français », indique Patrick Skehan, délégué général de Nightline Paris, à News Tank [abonnés].
Une cadre éthique indispensable
S’il n’y a pas de cadre éthique, cela peut être très dangereux dans les deux sens
C’est un aspect primordial de l’engagement de Nightline : poser « un cadre éthique très précis ». Avec l’anonymat et la confidentialité, les valeurs cardinales de l’association sont la non-directivité et l’absence de jugement. « Il s’agit d’un type d’aide non professionnelle, s’il n’y a pas de cadre éthique, cela peut être très dangereux (conseils inappropriés, etc.) dans les deux sens », alerte-t-il.
L’association porte également une grande attention à la sélection et à la formation des bénévoles, ainsi qu’à leur soutien psychologique. « La formation dure deux weekends, elle est assez intensive. Elle enseigne des bases d’écoute active », décrit le bénévole.
Une démarche éthique que Laurent Gerbaud, président de l’Association des directeurs des services de santé universitaires, considère indispensable pour toute ligne d’écoute non-professionnelle.
« On constate que l’aide par les pairs est très efficace. Pour autant, on recommande vraiment que toutes les initiatives soient accompagnées d’une démarche éthique », souligne Nicolas Cerardi.
Rediriger vers les services professionnels
Nightline, notamment via son site, recense les ressources qui s’adressent aux étudiants en détresse psychologique. La connaissance de l’écosystème de soutien à la santé mentale permet ensuite une bonne réorientation des appelants.
Cette complémentarité ne peut pas marcher sans soutien financier adéquat
« L’objectif n’est pas de remplacer les psychologues, affirme Nicolas Cerardi. Nous avons tout intérêt à travailler en complémentarité avec les services de santé universitaires (Sumpps* et Bapu**). Mais cette complémentarité ne peut pas marcher sans soutien financier adéquat de chaque acteur. Si nous réorientons, les étudiants qui ont besoin d’être aidés vers un service qui n’a pas les moyens de le prendre en charge, c’est un échec total. »
Des demandes de soutiens financiers
Le manque de moyens des acteurs de la santé mentale étudiante est pointé du doigt en novembre 2020 déjà : « En France, l’équivalent temps plein de psychologue pour les étudiants est jusqu’à 18 fois moins élevé que dans les six autres pays recensés », indiquait à l’époque l’association Nightline France.
Selon elle, « l’État doit augmenter les financements envers les universités : pour recruter des psychologues dans des postes pérennes au sein des SSU ; pour épauler les services avec une équipe de personnel administratif formée ; pour entreprendre les travaux d’aménagement nécessaires pour élargir l’espace accordé aux SSU ».
Le 24 février dernier, l’association réitérait ses demandes face à la ministre de l’Esri, Frédérique Vidal, lors d’un déplacement à son siège. « Nightline demande au gouvernement de mettre en place au plus vite des actions pérennes, pour endiguer le flux de la détresse psychologique chez les étudiants », a-t-elle déclaré.
Quels éléments nécessaires pour faire ouvrir une Nightline dans son établissement ?
« Souvent les universités nous contactent parce qu’elles ont entendu parler de ce qui existe et souhaitent voir le même type de services se développer », rapporte Nicolas Cerardi. Il est donc en effet possible qu’une Nightline ouvre dans une ville à l’initiative d’un établissement.
Cependant, sa mise en place ne se fera pas du jour au lendemain. « Cela demande du temps. Nous commençons donc par expliquer au partenaire ce qu’il faut pour qu’un tel projet se réalise : un local, des bénévoles et la capacité de communiquer pour faire savoir que ce service existe. Par la suite, nous travaillons avec les équipes du Sumpps à la mise en place. »
Interrogé sur la possibilité de monter une ligne d’écoute étudiante dans une ville moyenne, Nicolas Cerardi est incertain. « Je n’ai pas forcément la réponse. La limite, c’est d’avoir suffisamment de bénévoles », explique-t-il.
*Service universitaire de médecine préventive et de promotion de la santé.
**Bureaux d’aide psychologique universitaire.