« Ce que Samuel Paty a fait, j’aurais pu le faire » : l’hommage des établissements après l’attentat
Par Isabelle Cormaty | Le | Relations extérieures
Avant la cérémonie d’hommage national présidée par Emmanuel Macron, mercredi 21 octobre au soir, grandes écoles, universités, enseignants et étudiants partout en France, ont rendu hommage au professeur d’histoire-géographie assassiné à Conflans-Sainte-Honorine la semaine dernière.
L’émotion était vive, à Paris par exemple, où Sorbonne Université organisait une cérémonie. Campus Matin était sur place.
« Ce que Samuel Paty a fait dans sa classe, j’aurais pu le faire exactement de la même façon ! Samuel Paty est mort pour nous tous. » Très ému, le professeur de géographie Jean-Marie Théodat se souvient de ses années d’enseignement au lycée. Il tenait à être place de la Sorbonne, ce mardi 20 octobre pour rendre hommage au professeur d’histoire-géographie assassiné vendredi dernier à la sortie de son collège à Conflans-Sainte-Honorine (Yvelines).
Comme Jean-Marie Théodat, plus de 250 personnes, étudiants et professeurs, se réunissent à Paris sur la place de la Sorbonne. L’événement, sobre et marqué par le recueillement, est organisé à l’initiative des UFR d’histoire et de géographie de Sorbonne Université. Il s’ouvre par la marche funèbre jouée par une étudiante en musicologie.
Samuel Paty est mort de façon tragique après avoir fait son devoir
« Les professeurs de l’université sont extrêmement touchés comme tous les enseignants par cette atteinte insupportable à l’humanité et à la liberté d’expression. Samuel Paty est mort de façon tragique après avoir fait son devoir », lance Jean Chambaz, président de Sorbonne Université.
La lecture de textes, comme le poème « Liberté, j’écris ton nom » de Paul Eluard, Albert Camus ou Le Petit Prince de Saint-Exupéry, ponctue les quelques discours de professeurs. Puis, une longue minute de silence qui s’étire fige les participants, à peine troublée par la pluie fine, mais persistante.
Des professeurs choqués, mais déterminés à poursuivre leur mission
Afin de rappeler l’importance de la liberté d’expression, la directrice de l’UFR d’Histoire de Sorbonne Université, Michèle Coltelloni-Trannoy récite le premier article de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789.
« Beaucoup de jeunes professeurs ou d’étudiants qui préparent le concours ont été bouleversés par l’événement, confie-t-elle à l’issue de l’hommage. Nous avons été terrassés, emplis de colère et d’une opiniâtreté à poursuivre notre mission. »
Sa collègue Édith Fagnoni, directrice de l’UFR de Géographie et Aménagement, coorganisatrice de l’hommage, complète : « Être professeur, c’est transmettre des savoirs, des valeurs et le vivre-ensemble. C’était important de se mobiliser, de se rassembler et d’inviter tous nos collègues. »
Un hommage hors de l’université
Le rassemblement se déroule hors de l’université, sur la place de la Sorbonne et non dans la cour d’honneur, comme prévu initialement. En concertation avec la famille de Samuel Paty, l’Élysée a décidé d’organiser un hommage national dans les lieux ce mercredi 21 octobre à 19 heures, en présence du Président de la République Emmanuel Macron. Le bâtiment a donc dû fermer deux jours consécutifs, le temps de préparer l’événement.
« C’est un symbole très fort de le faire à la Sorbonne », salue Jean Chambaz qui précise qu’il s’agit là d’un « hommage naturel » dans un lieu qui incarne selon lui la connaissance.
Une décision politique et symbolique qui a pourtant fait grincer des dents… Des cours prévus en présentiel ont ainsi basculé en distanciel, bousculant un peu plus les emplois du temps déjà perturbés par les conditions sanitaires et la jauge de 50 % dans les universités. Paris 1 Panthéon Sorbonne, initialement associée à l’événement, n’était pas représentée par son administrateur provisoire Thomas Clay, contrairement à ce qui avait été annoncé.
Une émotion partagée sur tout le territoire
Ailleurs en France, de nombreuses écoles et universités se sont également mobilisées pour rendre hommage à Samuel Paty. Minutes de silence, lectures de textes ou drapeaux en berne, autant de signes de solidarité à l’égard de l’enseignant et de la communauté éducative.
À Lille, professeurs et étudiants ont par exemple observé une minute de silence sur le campus lundi 19 octobre « afin de rendre hommage à la victime, de témoigner notre solidarité à ses proches et de rappeler notre attachement aux valeurs qui étaient les siennes et qui sont les nôtres au sein de la communauté universitaire », précise Jean-Christophe Camart, son président, dans un communiqué.
D’autres minutes de silence se sont tenues dans la semaine à l’université d’Aix-Marseille, de Lorraine, Lyon 2, Poitiers… Après la marche populaire organisée dimanche 18 octobre dans les grandes villes de France, c’est toute la communauté enseignante qui fait part de sa solidarité face à cet attentat terroriste ciblant un professeur.