Vie des campus

Autonomie, bourses, IA : la feuille de route du ministre de l’ESR, Patrick Hetzel

Par Marine Dessaux | Le | Stratégies

Un peu moins de deux mois après sa nomination comme ministre de l’ESR, Patrick Hetzel a présenté le 19 novembre sa feuille de route à la presse. Acte 2 de l’autonomie, régulation du supérieur privé, bourses, IA, pacte pour la recherche… Campus Matin vous résume les principaux enjeux.

Patrick Hetzel a notamment annoncé une feuille de route propre à l’IA. - © D.R.
Patrick Hetzel a notamment annoncé une feuille de route propre à l’IA. - © D.R.

Après avoir rencontré et consulté les principaux acteurs du supérieur et de la recherche, dont les conférences, les organisations syndicales et étudiantes, et les patrons d’organismes nationaux de recherche, Patrick Hetzel a présenté les sujets prioritaires pour son début de mandat.

Ils se résument en trois grandes actions :

  • accompagner et former les étudiants aux défis de demain,
  • investir en R&D pour innover et accroître l’impact de la recherche,
  • responsabiliser, évaluer et simplifier les modes d’action.

Enseignement supérieur : poursuivre les chantiers de Sylvie Retailleau

L’Acte 2 de l’autonomie des universités autour des neuf établissements pilotes

L’autonomie des universités est un sujet familier à Patrick Hetzel puisqu’il y a travaillé, dès 2006, dans le cadre du rapport « De l’université à l’emploi » en amont de la loi relative aux libertés et responsabilités des universités (LRU) de 2007.

Il reprend le chantier initié par sa prédécesseuse, Sylvie Retailleau, en mars 2024, autour des neuf établissements pilotes engagés dans une phase exploratoire, en lien avec l’Inspection générale de l’éducation, du sport et de la recherche (Igésr). Il dit vouloir s’appuyer sur les remontées de terrain pour diffuser les bonnes pratiques.

Les travaux entamés ont montré des freins nécessitant « des évolutions réglementaires, voire législatives ». Le ministre se donne jusqu’à 2027 pour formaliser ce nouveau cadre juridique.

Régulation du supérieur privé : la création d’un label repoussé à la rentrée 2026

Le chantier de la régulation du supérieur privé, et plus particulièrement la création d’un label pour distinguer les formations de qualité, initiés par l’ancienne ministre Sylvie Retailleau, aurait dû être présenté à l’été 2024. Patrick Hetzel estime avoir encore besoin de temps et évoque la rentrée 2026 comme horizon.

Il reste néanmoins déterminé à aller au bout de ce chantier : « Il est essentiel que l’État fasse le ménage ! Aujourd’hui, la multiplication des formations de qualité inégale représente un risque et une perte de temps et d’argent pour les étudiants et leurs familles », pointe-t-il.

Le ministre compte s’appuyer sur les travaux du groupe qui s’était réuni début 2024 sous le pilotage de la direction générale de l’enseignement supérieur et de l’insertion professionnelle (Dgesip). Avec une volonté affichée de s’accorder prioritairement avec le ministère du travail et de l’emploi, chapeauté par Astrid Panosyan-Bouvet. En discussion notamment : l’articulation avec Qualiopi, opéré par le ministère du travail, qui pourrait évoluer pour prendre en compte la qualité des formations délivrées.

Le ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche (MESR) entend « clarifier le paysage juridique des établissements privés », et renforcer les contrôles pour repérer les formations problématiques. Entre 400 et 500 d’entre elles pourraient être concernées.

Une boite à outils sur la sécurité et des instances académiques pour les faits délictueux

Patrick Hetzel annonce lancer une mission flash pour aboutir fin 2024 à une boîte à outils opérationnelle pour les présidents d’université et directeurs d’école « afin de lutter efficacement, notamment contre l’antisémitisme et le racisme ».

Il prévoit aussi de créer des instances disciplinaires académiques pour traiter des faits « délictueux ». « Il faut savoir dépayser une affaire, car, quand une instance disciplinaire se tient dans l’établissement où les faits ont eu lieu, ce n’est pas sain. C’est pour objectiver, permettre une plus grande distanciation », précise le ministre. Une demande qui émane des chefs d’établissements.

Réforme des bourses

Patrick Hetzel a aussi dit vouloir poursuivre le chantier de la réforme des bourses sur critères sociaux, mais en repoussant l’atterrissage à 2026, notamment pour des raisons budgétaires. Il évoque également la réouverture d’un cycle de concertation au printemps 2025 avec les parties prenantes, laissant entendre avoir trouvé à son arrivée au MESR une réforme inaboutie.

Il souhaite :

  • rendre le système visible en fondant l’éligibilité uniquement sur les ressources et la composition du foyer ;
  • aboutir à un système plus progressif et bien entendu adaptable ;
  • et simplifier les démarches pour les étudiants, notamment par le biais d’une application et d’une automatisation de l’accès aux repas et de l’exonération de la contribution vie étudiante et de campus (CVEC).

Formation des enseignants : le projet de concours de recrutement à bac+3 sera-t-il abandonné ?

Bien qu’il n’ait pas pu être mené à son terme en raison de la dissolution de l’Assemblée nationale, le projet de réforme du précédent Gouvernement était marqué par une évolution de taille sur le sujet de la formation initiale des enseignants : l’avancement du concours de recrutement à bac+3 suivi de deux années de master rémunérées.

Anne Genetet, ministre de l’éducation nationale, semblait convaincue par cette perspective qu’elle décrivait comme « une excellente base pour une mise en œuvre en 2026 », lors de son audition à la commission de la culture, de l’éducation, de la communication et du sport du Sénat, le 22 octobre.

Lors de la présentation de sa feuille de route, Patrick Hetzel a cependant émis des réserves : « Aujourd’hui, nous ne nous interdisons rien quant aux options possibles. (…) Il y a des débats, des arbitrages à faire, parce que chaque scénario a des avantages et des inconvénients. »

Recherche : des mesures pour ne pas laisser la France décrocher

Un pacte de la recherche pour la rentrée 2025

S’il avait déjà annoncé, dès son arrivée rue Descartes, vouloir lancer un Pacte pour la recherche, le ministre en a détaillé les contours et quelques mesures. L’objectif : renforcer la confiance avec les entreprises afin d’augmenter l’investissement national en R&D d’ici 2027.

Cela passera par un plan d’action engageant le secteur économique et la création d’un coupon recherche-innovation pour faciliter l’accès des petites et moyennes entreprises et entreprise de taille intermédiaire aux laboratoires publics de recherche.

Clara Chappaz est secrétaire d’État à l’IA et au numérique auprès de Patrick Hetzel. - © D.R.
Clara Chappaz est secrétaire d’État à l’IA et au numérique auprès de Patrick Hetzel. - © D.R.

Une feuille de route spécifique sur l’IA

Avec la secrétaire d’État à l’IA et au numérique, Clara Chappaz, le ministre de l’ESR a défini une feuille de route de l’IA.

Pour développer les infrastructures, un premier travail sera dédié à mieux chiffrer les besoins afin d’investir dans leur amélioration continue.

Le MESR veut aussi :

  • promouvoir « une 3e voie pour une IA éthique, frugale et souveraine » ;
  • former et acculturer à l’IA pour la formation initiale et continue ;
  • lancer une mission coprésidée entre un membre du monde économique et un membre du monde académique pour regarder comment intégrer et encadrer l’usage de l’IA dans les établissements.

Enfin, des journées scientifiques seront organisées en amont du Sommet pour l’action sur l’IA, qui se déroulera en France les 10 et 11 février.

Réaction au rapport d’évaluation de l’IHU Méditerranée qui dévoile des manquements éthiques

Interrogé sur le rapport d’évaluation éthique portant sur huit articles scientifiques dont la majorité des auteurs est affiliée à l’IHU Méditerranée Infection, dévoilé par l’Express le 16 novembre, Patrick Hetzel a souligné : « Il faut que les différentes instances qui évaluent et qui prononcent des vérifications éthiques jouent pleinement leur rôle. »

L’enquête des inspections générales des affaires sociales (Igas) et de l’éducation, du sport et de la recherche (Igésr) sur les dysfonctionnements de l’IHU dirigé par Didier Raoult, avait été lancée par Éric Berton, président d’Aix Marseille Université (AMU). Remis en juin 2022 à l’établissement, le rapport faisait état de préoccupations quant à la conformité de certains articles aux règles éthiques, voire légales. Il estimait « nécessaire d’établir une gouvernance éthique claire ».

La présidence d’AMU a, de son côté, indiqué avoir transmis « sans délai » le rapport et ses conclusions aux autorités compétentes (MESR, Igas et Igésr) et saisi la justice en informant le procureur par l’application de l’article 40 « afin que ces manquements fassent l’objet d’une suite judiciaire ».

Défendre un programme de financement européen spécifique à la recherche

Alors que l’hypothèse que le futur programme-cadre européen pour la recherche, le FP 10, qui succédera à Horizon Europe, soit intégré à un « fonds de compétitivité » circule à Bruxelles, Patrick Hetzel plaide à minima pour « une ligne spécifique recherche, au-delà du seul Conseil pour la recherche européenne (ERC) ».

Lors d’un déplacement à Berlin le 8 novembre, le ministre avait avancé l’idée d’un « fonds de recherche et de compétitivité » afin de « préserver le soutien européen à la recherche ». Il attend désormais la nomination des futurs commissaires pour se rendre à Bruxelles.

Pourra-t-il compter sur le soutien de ses homologues européens ? Des discussions sont en tout cas en cours avec les Allemands, les Italiens et les Espagnols.

Une synthèse réalisée à partir de la veille de News Tank

Cette synthèse a été réalisée à partir de la veille de l’agence de presse spécialisée News Tank Éducation & Recherche, dont Campus Matin est le site ouvert. Pour tout connaître de l’actualité de l’enseignement supérieur et de la recherche, demandez votre accès découverte gratuit.