Qui est Patrick Hetzel, le nouveau ministre de l’ESR issu des Républicains ?
Par Isabelle Cormaty | Le | Stratégies
Le député Les Républicains du Bas-Rhin, Patrick Hetzel a été nommé le 21 septembre ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche, succédant à Sylvie Retailleau. Si la communauté de l’ESR salue le maintien d’un ministère de plein exercice, de nombreux défis attendent ce proche du Premier ministre, déjà critiqué.
Après deux mois de flottement politique suite aux élections législatives anticipées, le nouveau Premier ministre de droite Michel Barnier nommé le 5 septembre a enfin dévoilé la composition de son gouvernement. Et c’est le parlementaire Patrick Hetzel qui a été nommé le 21 septembre au ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche (MESR) à la suite de Sylvie Retailleau.
Quel est le parcours de Patrick Hetzel ?
Après deux présidentes d’universités issues de la société civile (Frédérique Vidal et Sylvie Retailleau), c’est donc un profil politique et étiqueté à droite qui a été privilégié rue Descartes. Avant de rejoindre le Gouvernement, Patrick Hetzel était député Les Républicains (LR) du Bas-Rhin depuis juin 2012. Durant ses mandats successifs au Palais Bourbon, il a notamment été vice-président de l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques (Opecst).
En mars 2018, il co-préside la mission d’évaluation et de contrôle sur l’évaluation du financement public de la recherche et des universités, qui suggère entre autres d’instaurer une loi pluriannuelle de programmation de la recherche. Une recommandation qui a servi de base deux ans plus tard pour l’élaboration de la LPR.
Lors de la primaire de droite en vue de l’élection présidentielle de 2022, il soutient Michel Barnier, dont il est coresponsable du projet politique. Puis il intègre l’équipe de la candidate investie par les LR, Valérie Pécresse, où il s’occupe du programme dédié à l’enseignement supérieur.
Un ancien professeur des universités, DGES et recteur
Avant de s’engager en politique auprès des Républicains, Patrick Hetzel a d’abord exercé dans l’enseignement supérieur. Diplômé de l’EM Strasbourg (alors IECS), titulaire d’un doctorat en sciences de gestion obtenu à l’Université Jean Moulin Lyon 3 et de l’agrégation en sciences de gestion, il a commencé sa carrière comme enseignant-chercheur en gestion dans les universités de Strasbourg, Lyon 3 puis Paris 2 Panthéon Assas.
Il devient recteur de l’académie de Limoges en 2005. Le Premier ministre d’alors, Dominique de Villepin le charge notamment de présider une commission pour rapprocher l’université et l’emploi. En 2007, il rejoint François Fillon à Matignon comme conseiller éducation, enseignement supérieur et recherche, au moment de l’adoption de la Loi relative aux libertés et responsabilités des universités (LRU).
Il est ensuite chargé de l’appliquer comme directeur général de l’enseignement supérieur (DGES) de 2008 à 2012 - durant cette période il transforme la direction qui devient la Dgesip (Direction générale de l’enseignement supérieur et de l’insertion professionnelle). Il a également présidé le conseil d’administration de l’école de commerce EM Strasbourg d’octobre 2017 à mars 2024.
Quels sont les chantiers prioritaires du nouveau ministre ?
Lors de la passation de pouvoirs avec Sylvie Retailleau le 23 septembre, Patrick Hetzel a précisé qu’il ne dévoilera sa feuille de route qu’après le discours de politique générale du Premier ministre le 1er octobre. Il a présenté sa méthode de travail : privilégier « l’écoute et le dialogue, et surtout pas d’idées préconçues. Mon premier message que je vous adresse, c’est que j’ai envie que nous puissions travailler ensemble, de manière sereine et apaisée ».
Parmi ses priorités figure ainsi « la question de l’attractivité de notre recherche, sa capacité d’innovation, sa capacité aussi à coopérer à l’échelle internationale en général et européenne en particulier », et l’accessibilité de l’enseignement supérieur qui « ne doit pas être l’apanage des grandes métropoles ». Il souhaite également que le budget européen consacré à la recherche et l’innovation puisse être doublé.
Quid de la pérennité des engagements budgétaires ?
D’autres chantiers évoqués par sa prédécesseure lors de la passation de pouvoirs attendent le nouveau ministre : la réforme des bourses et celle de la formation des enseignants, l’accès au logement étudiant, la régulation des écoles du supérieur privé, la négociation du budget 2025…
« La pérennité des engagements budgétaires reste un sujet de préoccupation majeure. Dans un contexte économique et politique incertain, je ne peux m’empêcher de m’inquiéter quant au respect à long terme de ces engagements. Nous devons protéger les investissements faits et prévus en particulier au travers de la LPR et de France 2030 », a souligné Sylvie Retailleau.
S’il n’a pas pris d’engagement à ce sujet, le nouveau ministre a déclaré : « Concernant notre enseignement supérieur et notre recherche, nous avons un message que nous devons sans cesse relayer — et depuis toujours, je fais partie de ceux qui ont cela chevillé au corps — qui est de dire : “Non, ce n’est pas une dépense, c’est un investissement” ».
Un appel à la grève lancé par une intersyndicale en octobre
Une intersyndicale de l’ESR réunissant 14 organisations représentatives de personnels et d’étudiants appelle à manifester et faire grève le 1er octobre lors d’une journée interprofessionnelle pour les retraites, l’augmentation des salaires et les services publics
« Le mois d’octobre marquera le début des discussions sur le budget de l’État et de la Sécurité sociale à l’Assemblée nationale. C’est le moment de peser pour une plus grande justice fiscale, sociale et environnementale », indiquent les organisations le 24 septembre.
Quelles sont les réactions de la communauté ESR ?
Des établissements soulagés du maintien d’un ministère de plein exercice…
Du côté de conférences d’établissements, c’est le soulagement qui prime avec le maintien du ministère de l’ESR et donc d’interlocuteurs sur les sujets. « France Universités se réjouit de la reconduction d’un ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche de plein exercice, confié à Patrick Hetzel, universitaire reconnu et très bon connaisseur, par son parcours, de ces sujets », réagit ainsi l’association, le 23 septembre.
Le président de l’association des villes universitaires de France (Avuf), François Grosdidier « salue l’arrivée d’un élu local à la tête du MESR. Il espère que la riche expertise de Patrick Hetzel dans ces domaines, confortée par 12 années d’expérience parlementaire au cours desquels il a toujours suivi les projets sur l’ESR, lui permettra de mener efficacement l’action de l’État dans une situation que l’on sait financièrement contrainte, et de plus en plus exposée aux concurrences internationales ».
… mais des syndicats inquiets du positionnement politique du ministre
Du côté de plusieurs syndicats en revanche, l’inquiétude règne. Pour la CGT Ferc’Sup, la personnalité du ministre « est à l’opposé de ce dont a besoin le service public ». En avril 2024, le député Patrick Hetzel avait déposé une proposition de résolution demandant la création d’une commission d’enquête, sur « l’entrisme idéologique et les dérives islamogauchistes dans l’enseignement supérieur ».
Selon le syndicat, Patrick Hetzel « veut mettre fin aux franchises universitaires et empêcher toute mobilisation étudiante. La CGT Ferc défend fermement les libertés académiques et les franchises universitaires, l’université est un lieu de savoirs et de confrontation d’idées, la contestation des idées reçues ou des politiques imposées y a toute sa place ».
Pour le Snesup-FSU, « Patrick Hetzel ministre de l’ESR, c’est la certitude qu’il n’y aura non seulement pas de changement de cap, mais une accélération de la casse du service public de l’ESR dans la droite ligne de la LRU. Le Snesup-FSU rappelle l’urgence d’une autre politique pour un service public de l’ESR ouvert, accessible à toutes et tous et émancipateur. »
Enfin, les syndicats étudiants notamment pointent les prises de position de Patrick Hetzel sur différents sujets de société. En 2013, le député LR avait voté contre la loi sur le mariage pour tous et, plus récemment au printemps 2024, il s’était opposé à la constitutionnalisation de l’IVG.
Certains de ses prises de position liées à la science sont aussi raillées sur les réseaux sociaux. En avril 2020, il avait ainsi écrit une lettre au président de la République demandant l’autorisation temporaire de l’utilisation de l’hydroxychloroquine contre le Covid, sans attendre les résultats des essais cliniques.
Clara Chappaz, secrétaire d’État en charge de l’IA
Auparavant rattaché à Bercy, le numérique a rejoint le giron du MESR. Clara Chappaz est nommée secrétaire d’État en charge de l’intelligence artificielle et du numérique, auprès de Patrick Hetzel. C’est la première fois qu’un portefeuille dédié à l’IA figure dans un gouvernement français.
Clara Chappaz a été d’octobre 2021 à juillet 2024 directrice de la mission French Tech, qui a pour objectif de soutenir la structuration et la croissance de l’écosystème français des start-up.
« La France est dans la course mondiale de l’IA et nous sommes aujourd’hui reconnus. Mais cette course est rapide et il nous faudra ne rien lâcher, en continuant à former les meilleurs ingénieurs, nos meilleurs chercheurs, et en les aidant bien sûr à lancer leur entreprise, mais aussi en formant nos étudiants à ses enjeux et à son bon usage. C’est une des conditions pour nous approprier collectivement cette nouvelle technologie. C’est pourquoi notre attachement au ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche est un signal fort », a-t-elle déclaré lors de la passation de pouvoir avec sa prédécesseure Marina Ferrari.