Classement Tik-Tok dans le sup : « Un réseau incontournable où il fallait qu’on soit »
Par Marine Dessaux | Le | Stratégies
Une trentaine d’établissements d’enseignement supérieur sont présents sur Tik-Tok, en grande majorité des écoles de commerce et spécialisées. C’est l’un des apprentissages du classement de l’agence Canévet & Associés. Retrouvez les quinze écoles et université qui ont le mieux réussi leur lancement sur ce réseau social prisé des jeunes.
ESI, Neoma et l’Efrei : le podium du top 15 des établissements d’enseignement supérieur avec le plus de vues sur TikTok en 2023, publié par l’agence de conseil en communication, Canévet & Associés le 25 novembre 2022, se compose d’écoles.
Ce trio de tête est suivi de : ESCP, le groupe ISC Paris, l’Institut des stratégies et techniques de communication (ISTC) Lille, Audencia, Excelia, Skemal, Efap, Esdes Lyon business school, ICN, l’Université de Lille, Sciences Po Paris et l’Inseec.
« Dans ce classement, on observe une seule université. Ce sont principalement des établissements privés qui se positionnent sur TikTok, notamment des écoles de commerce et spécialisées », analyse Patrice Razet, consultant pour Canévet & Associés, en charge des classements.
Tik-Tok, « the place to be » ?
Au total, seule une trentaine d’établissements du supérieur sont présents sur le réseau à la note de musique. « Dans le lot, il y a des établissements qui ont réservé une place, en se créant un compte à leur nom, mais qui ne postent pas. Entre mai et octobre, date de mise à jour du classement, quelques établissements se sont retirés », révèle Patrice Razet.
TikTok est-il réellement le prochain réseau à investir pour l’enseignement supérieur et la recherche (ESR) ? Pour Collette Brown, responsable marketing et communication à l’Efrei, « TikTok est devenu le réseau incontournable pour les jeunes et il fallait qu’on y soit. » Maxime Willems, responsable communication à l’ISTC Lille, évoque par ailleurs qu’« en tant qu’école de la communication, il était logique d’y être. »
Si elle convainc pour l’heure un nombre assez faible d’établissements, la plateforme semble gagner en popularité auprès des universités européennes.
« Les trois quarts des personnes que j’ai interrogées lors d’un colloque de la League of european research universities, ont dit avoir ouvert un compte TikTok ou envisager de le faire. Ce mouvement est en train de gagner de l’ampleur », rapporte Patrice Razet.
Une stratégie spécifique à mettre en place
« TikTok est un réseau qui monte, mais il ne faut pas y entrer avec une politique de “gadget. S’il n’y a rien d’intéressant à raconter, ça ne sert à rien d’y aller » : l’agence de communication est catégorique à ce sujet. La plateforme de vidéos répond à un objectif de notoriété, pour faire connaître un établissement et la vie étudiante en son sein.
Sur le réseau, les vues grimpent beaucoup plus rapidement qu’ailleurs, de quelques milliers jusqu’à plusieurs millions. Mais pour que cela ait du sens, il faut trouver le contenu qui plait et qui répondra à un objectif de l’établissement.
Une plateforme de divertissement plutôt qu’un réseau social.
« TikTok est une plateforme de divertissement plutôt qu’un réseau social. L’utilisateur n’y voit pas du contenu qui correspond uniquement aux abonnements, mais beaucoup de recommandations selon ses intérêts. Si l’objectif est de transmettre une information quotidienne à ses usagers, cela ne convient pas. Il n’y a pas de notion de communauté si ce n’est une communauté de la tendance. Dès lors, on peut se questionner sur l’intérêt des établissements à reproduire la dernière chorégraphie à la mode », explique Patrice Razet.
Interrogées par Campus Matin, l’Efrei et l’ISTC partagent cet objectif de notoriété. Toutes deux, si elles s’adressent à de futurs étudiants de 13 à 18 ans, indiquent ne pas être dans une stratégie de retour sur investissement. « Le but n’est pas de vendre l’école, mais de montrer l’ambiance conviviale qui y règne », dit Maxime Willems.
Ainsi les thématiques abordées sont diverses, toujours présentées de façon ludique : la vie des associations, la venue de professeurs ou intervenants connus. « C’est l’occasion de partager une vision de la vie étudiante dans le format que les jeunes préfèrent », explique Collette Brown.
De la place pour un contenu et une cible différente ?
TikTok évoluant, un nouveau public peut également être conquis : celui des 25-35 ans. « Le réseau social vieillit, je suis persuadé qu’il reste de bonnes places à prendre dans la vulgarisation scientifique », évoque Patrice Razet.
En effet, un contenu explicatif peut trouver sa place sur la plateforme de divertissement, à condition d’opter pour un ton et une esthétique retravaillée. « Cette plateforme de divertissement, à l’instar YouTube, est propice à la création et au contenu innovant comme peut le proposer la chaîne Serial Thinker », poursuit le consultant.
D’ores et déjà, on peut voir des vidéos qui prennent la forme de tutoriels sur des chaînes comme celles de Sciences Po ou de l’Efrei. Conseils pour trouver un stage, les lieux à connaître pour bien travailler, bons plans étudiants… Ces formats peuvent aussi fonctionner. « Une de nos vidéos les plus vues porte sur les faux amis en anglais », confirme Collette Brown.
Des buzz à plusieurs millions de vues
À la rentrée 2021, six mois après le lancement de la chaine de l’ISTC en janvier, une vidéo qualifiée de « prank » (canular) par les usagers devient virale et atteint rapidement plusieurs millions de vues (4,2 millions à l’heure actuelle).
L’idée de départ est plutôt simple : lors d’une conférence de rentrée, on annonce qu’un étudiant « choisi au hasard » devra chanter devant toute la nouvelle promotion. C’est en réalité un élève en troisième année qui est sélectionné et se met à chanter impeccablement pour la plus grande surprise de ses camarades. « On voulait jouer sur l’ascenseur émotionnel : cette peur d’être choisi puis la surprise chez les uns et un sourire pour ceux qui devinent la supercherie, raconte Maxime Willems. Je me suis dit que ça pourrait plaire sur Tik-Tok et j’ai monté une vidéo très simplement. Le lendemain, il y avait 60 000 vues ce qui était déjà énorme par rapport à nos scores de départs à 100 ou 200 vues. »
La chaîne gagne finalement 30 000 abonnés, le chanteur dans la vidéo est interviewé sur la radio NRJ et prépare ses premiers titres musicaux, l’école remporte un prix du réseau des professionnels de la communication de l’enseignement supérieur et de la recherche (Arces)… Et à la rentrée suivante 4 % des étudiants déclarent avoir connu l’école par le biais de la vidéo !
Quel impact de la sponsorisation ?
Dans ce classement, malgré un contenu tourné autour de la promotion de l’école, c’est l’ESI business school, une école de commerce dédiée au développement durable, qui compte, de loin, le plus de vues. Difficile de savoir quel est l’impact de la sponsorisation sur cette première place et sur d’autres positions dans le classement.
« Au sein d’un même compte, on observe parfois des vidéos qui font des millions de vues à côté de scores plus intimistes, observe Patrice Razet. La mention “sponsorisé” apparaît lorsque la vidéo est partagée sur le fil d’actualité, mais cela n’est plus visible une fois l’opération terminée. Il n’est donc pas possible de connaître la part de vues obtenues par ce biais. »
Contactée l’ESI n’a pas souhaité s’exprimer sur sa stratégie TikTok. De leur côté, l’Efrei et l’ISTC disent avoir recours à la sponsorisation de façon occasionnelle avec pour objectif d’engager leurs communautés.
« Sur Tik-Tok il existe un dispositif de génération de leads assez intéressant que nous avons utilisé pour quelques vidéos, notamment pour booster celles qui fonctionnent bien en organique au moment du lancement de la chaîne. Le coût par lead y est moins cher que sur les autres réseaux sociaux, même s’il est difficile de savoir si c’est un lead qualifié », explique Collette Brown.
« Nous n’avons pas du tout sponsorisé la vidéo qui a fait le buzz [voir encadré, NDLR] mais par la suite, il est arrivé de mettre 100 à 200 euros maximums sur des contenus qui méritaient plus de visibilité », détaille Maxime Willems.
Des enjeux environnementaux et de protection des données
La responsabilité sociétale des établissements prend de plus en plus de place dans leurs missions. L’impact du réseau sur plusieurs questions éthiques doit être considéré avant de multiplier les contenus.
« TikTok est le réseau social qui a l’empreinte environnementale la plus contestable : les vidéos se chargent en lecture automatique avant même que l’utilisateur appuie sur le bouton. Cela pose également la question de la propriété, alors que TikTok est détenu par une société chinoise, et du respect de la protection des données », rappelle Patrice Razet.
Les conseils avant de se lancer
Pour suivre les traces des établissements du supérieur qui ont déjà rejoint Tik-Tok, voici quelques pistes de réflexion.