Gouvernement Attal : les chantiers continuent pour l’ESR…et pour Sylvie Retailleau
Par Marine Dessaux, La Rédaction, Audrey Steeves, Marie Dagman , Océane Provin, Camille Vandier | Le | Stratégies
Après la démission de la Première ministre Élisabeth Borne le 8 janvier, celui qui était jusqu’alors ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse, Gabriel Attal, a pris la tête d’un nouveau Gouvernement. Sylvie Retailleau reste ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche. Elle devra collaborer notamment avec la ministre des sports et des JOP, Amélie Oudéa-Castéra, dont le périmètre est élargi à l’éducation.
Le 11 janvier 2024, la composition du Gouvernement du nouveau Premier ministre Gabriel Attal est annoncée. Sylvie Retailleau y est reconduite aux manettes du ministère de l’enseignement supérieur et la recherche (MESR). Elle poursuit donc les chantiers entamés depuis sa première nomination, le 20 mai 2022.
Sylvie Retailleau reconduite au MESR
Cette reconduction n’était pourtant pas acquise. Le 20 décembre 2023, elle avait présenté sa démission, en réaction à certaines dispositions de la loi immigration, tout juste adoptée, concernant les étudiants internationaux, comme la mise en place d’une « caution retour » versée à l’État.
Le président Emmanuel Macron et la Première ministre d’alors, Élisabeth Borne, ont refusé son départ et lui ont donné des gages, promettant de limiter l’impact de cette loi.
Sylvie Retailleau poursuit donc son travail dans un domaine qu’elle connaît par cœur, en tant qu’ancienne enseignante-chercheuse et présidente de l’Université Paris-Saclay.
« Servir la France est un honneur, préparer son avenir est un devoir. Je poursuivrai avec toute mon énergie les travaux engagés à la tête du ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche et remercie à nouveau le président Emmanuel Macron et le premier ministre Gabriel Attal pour leur confiance », écrivait-elle sur LinkedIn et X, le 11 janvier.
Un cabinet inchangé
À la tête du cabinet de la ministre sont reconduits dans la foulée :
- Naomi Peres, directrice du cabinet;
- Pierre Mutzenhardt, directeur adjoint du cabinet;
- Lucas Tourny, chef de cabinet, conseiller diplomatique.
Ses chantiers
Jusqu’à la fin du quinquennat, Sylvie Retailleau s’est engagée à poursuivre plusieurs chantiers.
La revoyure de la Loi de programme de la recherche (LPR)
La loi votée en décembre 2020 comporte une « clause de revoyure » qui prévoit une actualisation de la programmation au moins tous les trois ans.
Jean-François Rapin (LR, Pas-de-Calais), rapporteur spécial des crédits recherche au Projet de loi finance 2024 pour la commission des finances du Sénat, soulignait, dans un rapport en novembre , « l’importance de procéder rapidement à un exercice transparent d’actualisation de la trajectoire budgétaire inscrite dans la LPR ».
La régulation de l’enseignement supérieur privé
Sylvie Retailleau a affiché sa volonté de mieux réguler le supérieur privé fin 2022, à travers un groupe de travail co-piloté par la Direction générale de l’enseignement supérieur et de l’insertion professionnelle (Dgesip) et l’Inspection générale de l’éducation, du sport et de la recherche (Igésr). Une décision qui intervient après la publication d’une enquête de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes montrant de nombreuses irrégularités.
Après une séquence d’auditions en 2023, un nouveau groupe de travail réunissant les parties prenantes sera lancé le 30 janvier à la Dgesip. Il s’agira de définir le label de qualité, annoncé par la ministre lors de sa conférence de rentrée 2023, qui doit permettre d’y voir plus clair parmi les formations privées.
Plusieurs sujets restent à trancher : les critères d’attribution de ce label, les modalités d’évaluation, ou encore les conséquences associées au label comme la présence ou non sur Parcoursup.
Vie étudiante : bourses, restauration…
Priorité de Sylvie Retailleau lors de sa prise de fonctions au ministère de l’ESR, la réforme du système des bourses sur critères sociaux ne devrait pas intervenir avant 2025. Un premier volet paramétrique a été mis en place en septembre 2023, avec une augmentation de 370 € pour tous les échelons. Concernant le volet structurel, les premiers éléments de cadrage budgétaire devraient être connus à la rentrée 2024, dans le cadre du projet de budget 2025.
Côté restauration universitaire, l’application de la loi « Lévi », promulguée en avril 2023, sera à surveiller. Cette loi, qui doit favoriser l’accès de tous les étudiants à une offre de restauration à tarif modéré, vise à permettre aux étudiants en « zones blanches », ne comptant pas de restaurant universitaire, de se restaurer à des tarifs préférentiels, ou de les accompagner financièrement. Des textes réglementaires d’application sont encore attendus.
… Et logement
Après le relatif échec du plan 60 000, le Gouvernement a souhaité redynamiser le chantier du logement étudiant, avec un plan qui devrait permettre la construction de 35 000 nouveaux logements étudiants d’ici 2027. Les contours de ce projet ont été présentés par le MESR et le ministère du logement le 1er décembre 2023. La mission confiée à Richard Lioger sur le foncier doit fournir ses premières pistes concrètes.
Les Jeux olympiques et paralympiques (JOP) qui se déroulent à l’été 2024, vont chambouler les habitudes de certains étudiants, puisque des logements parisiens sont réquisitionnés pour les athlètes. Sylvie Retailleau a assuré que les 2200 étudiants concernés seraient relogés et bénéficieront d’une aide de 100 € pour leur déménagement.
Par ailleurs, environ 1670 logements, issus des villages olympiques et du village des médias, seront reconvertis en logements étudiants après les JOP et accessibles à partir du premier semestre 2024-2025.
Mais aussi…
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L’acte 2 de l’autonomie des universités annoncée par le président de la République Emmanuel Macron lors de son discours sur l’avenir de la recherche, le 7 décembre 2023.
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La simplification administrative de la recherche, alors que 17 sites universitaires ont été sélectionnés par le MESR pour mener des expérimentations pilotes sur ce sujet.
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Faire avancer les établissements sur les enjeux de transition écologique. Des schémas directeurs du développement durable sont attendus pour tous les établissements avant la fin 2024. Et d’ici 2025, tous les étudiants de premier cycle devront pouvoir suivre une formation aux enjeux de transition durant leurs études. Enseignants, cadres et personnels doivent donc également être sensibilisés à ces enjeux.
La ministre a d’ores et déjà piloté la mise en place de la plateforme d’inscriptions Mon Master, utilisée pour la première fois par les établissements en 2023. Pour la session 2024, le calendrier et l’ergonomie de l’outil ont été améliorés et une phase complémentaire a été ajoutée.
Faux départ pour Amélie Oudéa-Castéra à l’éducation nationale
Une ancienne joueuse de tennis professionnelle et directrice de la fédération française de ce même sport : cette expertise semblait tout indiquée pour le ministère des sports et des JOP. Elle convainc moins lorsqu’il s’agit de traiter des enjeux de l’éducation nationale et de la jeunesse.
Plusieurs organisations syndicales ont réagi à cette nomination, à l’image du syndicat national des personnels de direction de l’éducation nationale, dont le secrétaire académique, Yvan Manac’h, a estimé que nommer « quelqu’un à mi-temps pose problème ».
En pleine préparation des JOP 2024 à Paris, Amélie Oudéa-Castéra doit aussi plancher sur la mise en place du « Choc des savoirs », annoncé par Gabriel Attal.
Tout un programme contrarié dès le démarrage après des propos polémiques…
Première polémique pour la ministre
Après que Médiapart a révélé, le 12 janvier, le choix de la ministre de scolariser ses enfants dans le collège privé Stanislas à Paris, Amélie Oudéa-Castéra a justifié sa décision en dénonçant des heures d’absences non remplacées à l’école publique Littré. Une affirmation contredite ensuite par plusieurs témoignages, notamment d’enseignants de cette école.
Face à la polémique, Amélie Oudéa-Castéra a fini par s’excuser… sans pour autant réussir à apaiser les esprits à ce jour. Et ce d’autant que ce collège privé a fait l’objet d’une enquête de l’Igésr laquelle n’a pas été rendue publique.
Une prise de poste houleuse à suivre, donc, et des relations qui restent à créer avec Sylvie Retailleau pour une collaboration efficace entre les deux ministères, au moment où plusieurs chantiers communs les attendent. À commencer par la réforme de la formation des enseignants du primaire et du secondaire, véritable priorité présidentielle, mais dont les contours restent flous.
La parcours d’Amélie Oudéa-Castéra
Après une première carrière de joueuse de tennis, qui lui vaut d’être trois fois championne de France (1990, 1992 et 1994), Amélie Oudéa-Castéra intègre Sciences Po en 1996 puis l’Essec en 1999 où elle effectue un MBA.
De 2002 à 2004, elle effectue un master en administration publique à l’École nationale d’administration (devenue l’Institut national du service public). Amélie Oudéa-Castéra rejoint ensuite la Cour des comptes, où elle contrôle pendant cinq ans le périmètre du ministère des finances.
En 2008, elle rejoint le Groupe AXA, où elle occupe plusieurs postes successifs : de la direction financière à la direction monde du marketing, du service client et du digital. En 2018, elle rejoint le groupe Carrefour dont elle devient directrice exécutive e-commerce, data et transformation digitale avant de devenir directrice générale de la Fédération française de tennis en 2021.
Cet article a été écrit à partir de la veille de News Tank Éducation & Recherche, l’agence spécialisée qui édite Campus Matin. Pour demander votre accès abonné, c’est par ici.