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Métiers verts : quelles perspectives pour les docteurs ?


Un demi-million : c’est le nombre d’emplois verts qui pourraient être créés d’ici 2030, selon le Secrétariat général à la planification écologique. Face aux nouveaux besoins, de nouvelles opportunités s’ouvrent aux docteurs. Mais encore faut-il que recruteurs et chercheurs se comprennent !

Les docteurs sont souvent perçus comme trop éloignés de l’action par les recruteurs. - © Freepik
Les docteurs sont souvent perçus comme trop éloignés de l’action par les recruteurs. - © Freepik

« Nos 70 000 doctorants constituent un vivier essentiel pour réussir les transitions dont notre planète a besoin », déclare Matthias Bernard, président de l’Université Clermont Auvergne et de la commission transition sociétale et environnementale de France Universités. Il s’exprime lors du webinaire du 17 mars sur les docteurs et métiers verts organisés par l’association pour l’emploi des cadres (Apec).

Quels étaient les principales conclusions de cette conférence en ligne et les apprentissages pour les docteurs qui souhaitent apporter leur expertise au service de la transition écologique ? Campus Matin vous résume ces échanges.

La transition écologique, un marché en pleine mutation

L’Accord de Paris sur le climat, Pacte vert pour l’Europe… Pour atteindre les objectifs de décarbonation, la transition écologique doit s’inscrire au cœur des entreprises. Selon le Secrétariat général à la planification écologique, la transition écologique pourrait générer entre 200 000 et 550 000 emplois d’ici 2030, notamment dans les secteurs du transport, de l’agriculture, du bâtiment, de l’industrie et de l’énergie, ainsi que dans la gestion des puits de carbone. Avec les départs à la retraite, c’est 2,8 millions de postes transformés pour intégrer la transition écologique qui devront être pourvus.

« Nous vivons une mutation sociétale majeure qui impose de nouvelles façons de faire, estime Aurélie Jourdon, cofondatrice du cabinet de recrutement Omeva, spécialisé dans les métiers écologiques et sociaux. Les doctorants possèdent des compétences précieuses pour répondre à ces défis. Un exemple : nous avons récemment embauché un candidat issu du monde de la recherche en biodiversité, un sujet sur lequel il faut des connaissances très pointues. »

Antoine Durand est responsable transition écologique et emploi du Réseau action climat. - © D.R.
Antoine Durand est responsable transition écologique et emploi du Réseau action climat. - © D.R.

Mais si les métiers verts se développent, l’enjeu majeur est la reconversion et la reconfiguration des emplois. « Peu de nouveaux métiers émergent, mais les compétences évoluent », indique Antoine Durand, responsable transition écologique et emploi du Réseau action climat.

Coordonner des chantiers, produire de nouvelles batteries, optimiser la gestion des ressources : autant de défis techniques qui nécessitent des savoirs pointus… et une capacité d’adaptation.

Docteurs et entreprises : un dialogue encore balbutiant

Si les postes ne manquent pas, les docteurs doivent se frotter à une autre difficulté : convaincre les recruteurs. « En France, nous sommes en retard sur la prise en compte des compétences des doctorants. Or, ils possèdent des compétences transversales précieuses pour la transition écologique : analyse systémique, gestion de projet, capacité à synthétiser et transmettre… », insiste Aurélie Jourdon.

Sabrina Françon est responsable développement de Jobs that make sense. - © D.R.
Sabrina Françon est responsable développement de Jobs that make sense. - © D.R.

Jobs that make sense, une plateforme française de recherche d’emplois à impact par l’association Make sense, recense près de 6 500 offres d’emploi sur son site, dont 1 600 pour des postes en coordination de projets. « Le verdissement des métiers classiques est une réalité avec une très grande diversité territoriale. Les opportunités existent notamment au sein des petites et moyennes entreprises, des collectivités… », liste Sabrina Françon, responsable développement de la plateforme.

« Nous avons interrogé nos 10000 recruteurs, poursuit Sabrina Françon. Une des réponses résume bien l’ensemble des retours : « Tant que le profil correspond, c’est tout ce qui compte. » Certains se demandent si les docteurs connaissent le monde de l’entreprise et s’ils ne risquent pas de s’ennuyer. Cela témoigne de l’importance de renforcer les liens entre entreprises et jeunes chercheurs. »

Ené Leppik est la cofondatrice de la start-up Agriodor. - © D.R.
Ené Leppik est la cofondatrice de la start-up Agriodor. - © D.R.

Les docteurs peuvent pourtant s’avérer de véritables couteaux suisses. « Nous avons recruté une doctorante sur un sujet pointu et elle a rapidement pris en charge des missions variées : qualité, pilotage, création d’une plateforme… Il faut savoir parler à tout le monde, synthétiser des informations tout en étant pointu, être curieux mais flexible », explique Ené Leppik, cofondatrice de la start-up Agriodor, un outil pour protéger les cultures des insectes qui a germé dans les laboratoires d’Inrae Île-de-France-Versailles-Saclay.

Des pistes d’emploi dans les universités

Les docteurs qui veulent poursuivre leur carrière académique en lien avec la transition écologique peuvent se tourner vers les établissements lauréats d’appels à projets sur le sujet. Céline Leroy, chargée de mission transition écologique et sociétale à France Universités, mentionne par exemple Iris-E, porté par l’Université de Rennes.

Céline Leroy est chargée de mission transition écologique et sociétale à France Universités. - © France Universités
Céline Leroy est chargée de mission transition écologique et sociétale à France Universités. - © France Universités

Ce projet, lauréat de l’appel à projets Excellences, rassemble les acteurs académiques et socioéconomiques du territoire pour faire la Bretagne un pôle d’innovation en transition environnementale. « Les universités s’ancrent de plus en plus dans leur territoire. Les doctorants ont un rôle clé à jouer dans les emplois en émergence à l’échelle locale », note la chargée de mission.

Dès la rentrée 2025, tous les étudiants de premier cycle auront une formation à la transition durable. « Une piste pour les doctorants spécialisés sur la question pour former des formateurs », suggère Céline Leroy.

Comment trouver un emploi dans les métiers verts après un doctorat ?

Aurélie Jourdon est cofondatrice d’Omeva. - © D.R.
Aurélie Jourdon est cofondatrice d’Omeva. - © D.R.

Candidater avec un CV ciblé : les candidatures généralistes attirent peu l’attention des recruteurs. « Les candidatures généralistes sont peu regardées : postulez à un poste précis avec un CV démontrant votre capacité à agir. L’objectif est d’obtenir un entretien, pour ensuite convaincre », suggère Aurélie Jourdon.

Valoriser ses compétences transversales. « Une candidature est l’opportunité de penser ses compétences différemment. Un doctorant ne colle pas forcément à une offre existante, mais il peut valoriser ses éco-compétences », souligne Claudine Pierron, cheffe de projets transverses à l’Apec. Faire un bilan de compétences à impact peut aider en ce sens.

Mettre en avant son côté opérationnel. Présenter son parcours et ses travaux de recherche en montrant une mise en action.

Effectuer un travail d’introspection. « Demandez-vous « À quoi je souhaite dédier mon savoir-faire ? » plutôt que « Quel poste puis-je obtenir ? » », recommande Aurélie Jourdon.

Contacter directement les recruteurs et acteurs clés du secteur. Par exemple les opérateurs de compétences, l’Association pour la formation professionnelle des adultes, le réseau des centres animation ressources d’information sur la formation-observatoire régional emploi formation (Carif-Oref). « Une bonne ressource pour trouver des entreprises engagées est le réseau de la Convention des entreprises pour le climat », souligne Céline Leroy.

Développer son réseau : participer à des salons, forums et événements dédiés (comme Talents for the Planet le 19 mars ou Impact Job Fair le 26 avril).

Explorer les plateformes et cabinets de recrutement spécialisés : Emploi Environnement, Birdéo, Job Impact, Réseau TEE, Orientation durable.

Se former aux enjeux de la transition : via des Mooc (comme ceux de l’Ademe), du mentoring (à l’instar de celui de Gaia connect) ou des ressources disponibles sur l’Apec.