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« Un changement radical » : de chercheuse à conseillère en ambassade, le parcours de Minh-Hà Pham

Par Isabelle Cormaty | Le | Personnels et statuts

Quels sont les points communs entre les abeilles, les relations internationales et la conduite de projets interculturels ? Une chercheuse devenue experte des relations internationales dans le supérieur et la recherche. Minh-Hà Pham a gravi progressivement les échelons jusqu’à devenir l’actuelle conseillère pour la science et la technologie à l’ambassade française de Londres. La Française raconte son parcours à Campus Matin.

Minh-Hà Pham a commencé sa carrière comme chercheuse en neurobiologie. - © Marie Sorribas/PSL
Minh-Hà Pham a commencé sa carrière comme chercheuse en neurobiologie. - © Marie Sorribas/PSL

« C’était un concours de circonstances, je n’y étais pas préparée ! » Voilà comment Minh-Hà Pham explique son virage professionnel et son passage de la paillasse de son laboratoire à la gestion des relations internationales au début des années 2000. Tout commence dans un train…

Un changement de carrière fortuit 

Une rencontre dans un train fait basculer sa trajectoire professionnelle 

« Alors que j’allais donner un cours dans l’ouest de la France, j’ai rencontré dans le train un chercheur que je connaissais bien et qui était devenu directeur des relations internationales du CNRS », commence Minh-Hà Pham.

« Cet ami me dit qu’il recherche des scientifiques pour rejoindre son équipe. Le hasard fait qu’il souhaite recruter des responsables du secteur Asie Pacifique, raconte la chercheuse. J’ai des racines vietnamiennes et j’avais donc un intérêt pour cette zone du monde. »

À l’époque, le laboratoire qu’elle dirige doit déménager, mais le projet proposé ne lui convient pas. « J’avais fait un contre-projet qui n’avait pas été retenu. Je me suis dit que j’avais eu beaucoup de satisfaction dans ma carrière scientifique et que je pouvais opérer un changement radical », acte-t-elle.  

Minh-Hà Pham accepte la proposition du CNRS et devient directrice adjointe pour la zone Asie-Pacifique du plus grand organisme de recherche français pendant cinq ans à « une époque excitante où les relations avec la Chine commençaient à se déployer ». Un tournant à 90 degrés qu’elle donne donc à sa carrière.

20 ans de recherche sur les abeilles 

Car avant de se consacrer aux relations internationales, Minh-Hà Pham a travaillé une vingtaine d’années dans la recherche. Comme simple doctorante tout d’abord, jusqu’à finir directrice du laboratoire de neurobiologie comparée des invertébrés de l’Inra (aujourd’hui Inrae). Un accomplissement pour celle qui rêvait de faire de la recherche depuis l’adolescence.  

“J’étais passionnée par les travaux de Jane Goodall qui avait été la première à observer les chimpanzés. C’était mon rêve ! Je m’imaginais prendre mes quartiers d’observation dans la forêt”, se souvient-elle.  

Après une maîtrise et un diplôme d’ingénieur agronome à l’Agro (aujourd’hui AgroParisTech), Minh-Hà Pham réalise une thèse en neurosciences et étudie, non pas les grands singes, mais la biologie et la neurobiologie des abeilles.  

“Je me suis notamment intéressée aux capacités d’apprentissage des abeilles, à comment elles reconnaissaient les odeurs des fleurs et peuvent être dérangées par des insecticides qui perturbent le système nerveux ou des insecticides produits dans des plantes génétiquement modifiées”, détaille la chercheuse, dont les derniers travaux étaient très liés aux enjeux environnementaux.  

La recherche, une expérience formatrice pour les relations internationales

Quels enseignements Minh-Hà Pham retire-t-elle de la recherche ? 

Les fondamentaux : “Vous apprenez à ne pas être trop affirmatif dès le départ, à être dans le doute, vous ne prenez pas tout pour argent comptant….”, énumère-t-elle.

Une très bonne connaissance de la recherche : "Pendant ma première partie de carrière, j’ai appris à comprendre le milieu de la recherche, comment trouver de l’argent pour financer des projets, ce qu’était une collaboration nationale ou internationale. Et j’ai également appris le management d’équipes composées de personnes d’horizons différents”, complète-t-elle.

La légitimité : “C’est très importante dans les métiers de négociation, constate-t-elle. La première chose que font les partenaires, c’est de regarder votre CV, ce qui est normal. Cette légitimité permet de ne pas avoir une attitude trop ostentatoire, je n’avais pas besoin de faire une démonstration de force.” 

Les relations internationales dans l’enseignement supérieur et la recherche en France et aux Etats-Unis

Directrice des relations internationales du CNRS 

Après trois années comme déléguée des relations internationales du regroupement de 12 écoles d’ingénieurs ParisTech, Minh-Hà Pham revient au CNRS. Comme directrice des relations européennes et internationales cette fois.  

“L’un des directeurs des écoles d’ingénieurs de ParisTech, Alain Fuchs, est devenu président du CNRS. Il m’a demandé de lui proposer une stratégie de collaboration européenne et internationale et il a accepté ma proposition”, relate-t-elle.  

Elle effectue alors un travail de coordination d’une équipe de 70 personnes dont la moitié se situe à l’étranger. “J’ai appris à définir des priorités en collaboration avec les instituts et aussi des priorités stratégiques pour positionner le CNRS au meilleur niveau, explique-t-elle. J’étais à l’interface avec tous les instituts du CNRS allant de la physique quantique aux sciences humaines et sociales.” 

Une expatriation aux États-Unis 

Minh-Hà Pham a participé à la préparation de la COP 21 quand elle travaillait à l’ambassade de France à Washington. - © D.R.
Minh-Hà Pham a participé à la préparation de la COP 21 quand elle travaillait à l’ambassade de France à Washington. - © D.R.

En 2013, Minh-Hà Pham s’installe à Washington. “J’avais abordé la recherche de l’intérieur et de l’extérieur. J’avais beaucoup voyagé, mais j’étais toujours restée en France. Je trouve important, pour une personne qui travaille dans les relations internationales de passer un peu de temps à l’étranger”, confie-t-elle. 

Le Quai d’Orsay nomme la Française conseillère scientifique à l’ambassade de France aux États-Unis. “Je voulais aller dans un pays aussi voire plus développé que la France sur le plan scientifique, où il fallait vraiment défendre la qualité de la recherche française”, ajoute-t-elle. 

À l’ambassade, Minh-Hà Pham participe notamment à la préparation de la COP 21 et retrouve les thématiques environnementales qu’elle étudiait comme chercheuse spécialiste des abeilles. Elle découvre également la diplomatie scientifique. 

“Dans mes postes précédents, j’étais chargée de valoriser la recherche dans des milieux persuadés de l’importance de la recherche. En ambassade, la science n’est pas la première priorité. Tout le travail de mon équipe était de proposer une vision de la diplomatie scientifique compréhensive et attractive pour les diplomates de l’ambassade”, raconte-t-elle. 

Un retour en France à l’Université PSL 

Retour en France en 2018. Alain Fuchs prend alors la présidence de l’Université PSL et propose à Minh-Hà Pham de rejoindre le comité exécutif de l’établissement comme vice-présidente chargée des relations internationales.

« C’était un exercice de style très stimulant car il s’agissait de dégager une stratégie internationale qui convienne à l’ensemble des 11 membres de PSL. Le challenge était d’établir une stratégie commune et d’accompagner la structuration de PSL pour passer le cap de l’Idex », analyse-t-elle.

Ses missions ressemblent alors à celles qu’elle exerçait au CNRS dans un établissement multidisciplinaire. « J’ai appris à concilier l’interdisciplinarité, dans un établissement comme PSL qui va de la biologie à la science physique en passant par les sciences humaines et les arts. C’était la première fois que je défendais des formations artistiques vis-vis de partenaires étrangers. A l’international, une structure comme PSL peut être très bien comprise, alors qu’au niveau français c’est un modèle assez inhabituel », glisse-t-elle.

Le goût des challenges compliqués

Conduire des projets avec une équipe mixte et hybride 

“Ce qui me motive aujourd’hui, c’est de mener des projets interculturels, confie cette militante des équipes hybrides qui rassemblent des scientifiques, des diplomates, des personnes jeunes et d’autres plus âgées… La conduite de projets nécessite des points de vue qui ne soient pas unilatéraux. Il y a beaucoup de choses à faire aux interfaces.” 

La mixité constitue également un autre point d’attention pour cette femme ayant exercé plusieurs postes à responsabilités. “La parité est une évidence mais nous en sommes encore très loin, notamment dans les postes de direction. Plus vous montez dans les fonctions, moins les femmes sont présentes, remarque Minh-Hà Pham. À chaque réunion importante, j’ai pris l’habitude de compter le nombre de femmes.” 

Accompagner la transition avec le Brexit

Le Brexit est l’un des chantiers de la conseillère pour la science et la technologie. - © D.R.
Le Brexit est l’un des chantiers de la conseillère pour la science et la technologie. - © D.R.

Depuis la rentrée 2020, Minh-Hà Pham s’est installée outre-Manche. Elle travaille à l’ambassade de France à Londres comme conseillère pour la science et la technologie. 

“J’ai collaboré pendant plus de dix ans avec le Royaume-Uni comme chercheuse, Cela m’intéresse de voir pourquoi des pays (l’Angleterre, la Pays de Galle, l’Ecosse, l’Irlande du Nord) se sont accordés sous une même bannière”, raconte-t-elle. 

Elle occupe un poste stratégique avec de nombreux défis à relever dans le contexte du Brexit et de la crise sanitaire… qui ne lui font pas peur.

“Vu mon parcours, et ma formation, je pense que j’ai beaucoup à apporter dans ce moment critique pour essayer de maintenir les liens voire d’en créer. Les Britanniques sont d’excellents partenaires. Ils ont un excellent niveau dans la recherche et dans l’enseignement, il serait dommage que les Français se privent de leur collaboration. J’aime les challenges !”, conclut-elle en souriant. 

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Minh-Hà Pham, invitée de Think Éducation et Recherche 2021

Minh-Hà Pham a participé en février dernier au duo de clôture de Think Éducation et Recherche 2021, événement organisé par News Tank, l’agence qui édite Campus Matin. « L’avenir de l’Esri vu du Royaume-Uni et des États-Unis », tel était le thème de ce webinaire dont vous pouvez visionner le replay ici.