Vers un numérique plus responsable dans les DSI de l’enseignement supérieur ?
Par Isabelle Cormaty | Le | Équipements et systèmes d'informations
Sujet qui prend de l’ampleur, la thématique du numérique responsable se fait une place dans les schémas directeurs du développement durable des établissements du supérieur. Pour s’engager dans une démarche plus vertueuse, certaines institutions comme Nantes Université ont choisi d’évaluer l’empreinte environnementale de leur système d’information.
Savez-vous ce que représente le numérique par rapport aux autres secteurs d’activité dans l’empreinte carbone de la France ? D’après une étude publiée en 2022 par l’Ademe et l’Autorité de régulation des communications, 2,5 % des émissions de gaz à effets de serre sont liés au numérique. Un pourcentage relativement faible, mais en augmentation constante du fait de l’essor des usages.
Certains établissements du supérieur s’engagent dans une démarche de numérique plus responsable, parfois en lien avec leur schéma directeur du développement durable et responsabilité sociétale et environnementale (DD&RSE).
Outre l’association France Universités, 17 écoles et universités françaises ont signé la charte du numérique responsable créée en 2019 par l’Institut du numérique responsable. C’est le cas par exemple en février 2024 des universités de Lorraine et de Strasbourg.
Dans le cadre de la construction de son schéma directeur du numérique responsable adopté en avril dernier, Nantes Université a de son côté entrepris en 2023 d’évaluer l’empreinte environnementale de son système d’information (SI). Une démarche exposée le 23 mai lors des assises du Comité des services informatiques de l’enseignement supérieur et la recherche (Csiesr), organisées en Loire-Atlantique à La Chapelle-sur-Erdre.
Mesurer l’empreinte du numérique pour s’améliorer
Dès la création de l’établissement public expérimental Nantes Université, en janvier 2022, le numérique responsable fait partie de sa lettre d’orientation stratégique .
« Nous étions à la croisée des chemins, notre schéma directeur se terminait et nous étions partis pour en reconstruire un nouveau. En 2023, au lieu de faire un schéma directeur classique avec en plus une feuille de route sur le numérique responsable, on s’est dit qu’on allait tout réunir dans un schéma directeur du numérique responsable », retrace le directeur des systèmes d’information et du numérique de Nantes Université, Karim Hasnaoui.
Comme Nantes Métropole en 2022, l’établissement entreprend alors de mesurer l’empreinte carbone de ses systèmes d’information et se fait aider par l’éditeur de logiciel local Aguaro. « L’objectif était de compiler les données, répertorier notre matériel, couvrir toutes les thématiques et prendre en compte un maximum de paramètres. C’était aussi une occasion d’améliorer la qualité des données », raconte le DSI.
L’université a ainsi pu établir qu’elle gérait un parc informatique de 19 000 matériels. « Le recensement est essentiel, notamment pour le suivi tout au long du cycle de vie des appareils. Il est plus difficile de quantifier la partie logiciels et services externalisés, remarque Karim Hasnaoui. Pour 2023, la DSI a sous sa responsabilité 2 500 tonnes de CO2 que nous pouvons transformer en ordre de grandeur et ventiler en grandes masses. »
Un point de départ à l’élaboration du schéma directeur du numérique
« Ce qui ne se mesure pas ne s’améliore pas. » Voilà comment Boris Bailly, le cofondateur d’Aguaro, résume l’intérêt d’évaluer l’empreinte environnementale du numérique dans une organisation. Pour le DSI de Nantes Université, cette démarche a permis de nourrir le schéma directeur du numérique responsable.
« C’est un point de démarrage pour l’ensemble de nos démarches, car l’empreinte environnementale du numérique ne se voit pas. Notre schéma directeur pivote autour de trois impératifs : le social, l’écologie et l’éthique. Les trois sont tout aussi importants et reposent sur des indicateurs », explique Karim Hasnaoui.
45 actions figurent dans le schéma directeur, dont la création d’un observatoire pour mesurer de manière annuelle l’impact carbone des infrastructures et des usages, partagé avec Nantes Métropole et d’autres structures du territoire, pour permettre à l’établissement de se comparer et trouver des solutions avec d’autres institutions.
Quelques bonnes pratiques pour s’engager une démarche
Également présente aux assises du Csiesr, la cofondatrice de la Maison de l’informatique plus responsable, Céline Ferré, a présenté les grandes étapes pour mettre en place une stratégie numérique responsable.
Définir une stratégie et sensibiliser
Pour l’experte du numérique responsable, la première étape consiste à définir une stratégie et une gouvernance. « Il faut désigner une personne référente, un budget, un copil, etc. Et faire savoir à vos parties prenantes que vous vous engagez dans cette démarche, car le numérique concerne tout le monde. Il y a plusieurs manières de le faire (chartes à signer, labels) », commence Céline Ferré.
La sensibilisation et la formation du personnel ont une place importante dans la démarche de numérique responsable. Cela peut notamment passer par des vidéos explicatives ou des Moocs gratuits, comme ceux réalisés par Inria ou l’Ademe.
« C’est un projet transverse qui concerne la DSI, la direction des achats et la RSE donc il faut choisir ses combats. À partir de vos enjeux, vous allez pouvoir définir une stratégie avec un plan d’action qui comprend des mesures compliquées et d’autres plus simples. La sensibilisation est importante pour expliquer la démarche et que les personnels soient moteurs », ajoute-t-elle.
Allonger la durée de vie des appareils
« Pour le smartphone, on estime que 80 % des impacts négatifs sur l’environnement seraient générés durant la fabrication. On peut en déduire une bonne pratique ultime : allonger la durée de vie de nos matériels », recommande Céline Ferré.
Elle cite également d’autres réflexes utiles : éteindre son pc le soir, paramétrer une mise en veille automatique de certains appareils à partir d’une certaine heure ou ne pas systématiquement recourir à la visio quand cela n’est pas nécessaire… Et invite plus largement à créer des services qui consomment le moins de ressources possible !