Numérique

[Replay] Quand la vidéo s’impose pour améliorer la pédagogie

Par Isabelle Cormaty | Le | Pédagogie

Alors que de nouvelles pratiques émergent dans les établissements du supérieur depuis la crise sanitaire, comment les capsules vidéos peuvent elles renforcer l’interactivité pédagogique ? Tel était l’objet du webinaire organisé par Campus Matin et son partenaire UbiCast le 23 mars. Synthèse.

« Sur nos plateformes, nous avons observé une multiplication des usages par 15 sur l’année écoulée, que ce soit sur la production ou sur le nombre de vues des vidéos par les étudiants », commence Jean-Marie Cognet, co-fondateur et dirigeant d’Ubicast.

L’éditeur de plateforme vidéo constate une « appétence des étudiants pour l’asynchrone en complément du synchrone ». Souvent comparé à une sorte de YouTube interne, UbiCast est souvent intégrée à Moodle. L’outil permet d’enregistrer, héberger et diffuser des vidéos pédagogiques, en direct ou en replay, qui peuvent être enrichis de liens, d’images ou de commentaires.

Comment impliquer les enseignants dans la production vidéo ?

Éduquer les enseignants à la vidéo

« Quand on met en place un système technique qui met les enseignants dans une facilité de production, on a parfois tendance à voir des substitutions de pratiques. “Je vais faire à distance ce que je fais d’habitude en salle, avec la même durée, et le même contenu”. Il y a un besoin d’éduquer à la vidéo », insiste Jeff Van de Poël, directeur adjoint aux affaires numériques au sein du centre de soutien à l’enseignement de l’Université de Lausanne. L’établissement propose de nombreuses ressources et conseils, comme cette playlist « Produire du multimédia pédagogique ». Et Jeff Van de Poël de se référer aux principes de Mayer pour améliorer la préparation et la production multimédia.

Sandrine Karam est référente du médialab à l’Université de Limoges. - © D.R.
Sandrine Karam est référente du médialab à l’Université de Limoges. - © D.R.

Si la vidéo ouvre un éventail de possibilités pour les professeurs, encore faut-il qu’ils les connaissent. « Nous avons mis en place une typologie de 25 vidéos », indique Sandrine Karam, directrice adjointe compétences et FTLV et référente du médialab à l’Université de Limoges.

Objectif : montrer aux enseignants ce qu’ils peuvent faire en cours selon leurs envies. « Certains enseignants ont fait des teasers de leurs cours, d’autres ont fait des petites vidéos de fiction sur un Mooc… », ajoute-t-elle. Son université a aussi mis en place toute une série de tutoriels pour améliorer la pédagogie en ligne.

Inscrire la vidéo dans son contexte

« La vidéo n’est pas consommée seule. C’est important de parler du scénario pédagogique pour réfléchir à l’enchainement de la vidéo avec le reste des cours et comment la vidéo s’imbrique avec le visuel », souligne Sandrine Karam.

Jeff Van de Poël abonde dans ce sens. « En comodal, il est important de temporaliser l’intervention de l’enseignant. Il faut également que les professeurs se coordonnent pour éviter que les étudiants aient 8 heures de vidéos en synchrone dans la même journée », suggère-t-il.

Accompagner les professeurs au début

De l’aide à la scénarisation des cours en amont à un soutien technique par des informaticiens ou des réalisateurs, les centres de soutien ou service d’innovation pédagogique des établissements proposent un appui aux enseignants.

« Lors de leur premier cours, nous demandons toujours aux professeurs s’ils souhaitent la présence d’un étudiant moniteur pour le rassurer. Nous faisons également des tutos assez visuels et nous avons organisé plus de 150 webinaires autour du numérique suivis par près de 500 profs », complète Jeff Van de Poël. Il précise par ailleurs que toutes ces aides sont offertes aux enseignants permanents, vacataires ou invités.

Les trois conseils de Jean-Marie Cognet pour réussir sa vidéo

Soigner l’audio. « Le cerveau réagit très mal à un mauvais audio, bien plus mal qu’à un mauvaise vidéo », explique-t-il.

Réaliser des capsules de 10 à 12 minutes maximum. « L’étudiant va décrocher si la vidéo est plus longue », prévient Jean-Marie Cognet. Il conseille également aux enseignants de s’astreindre à tourner la vidéo en une seule prise afin de gagner en fluidité et productivité.

Enrichir la vidéo pour capter l’étudiant avec des quizz, des liens externes…

Ubicast propose par ailleurs des tutoriels sur sont site.

Comment sécuriser les vidéos de leur réalisation à leur suppression ?

Sécuriser la réalisation de la vidéo et sa consultation

Quid des droits d’auteur lorsqu’un enseignant réalise une vidéo pédagogique ? Pour régler cette question, Sciences Po Paris a travaillé en lien avec son service juridique afin de définir une politique claire. « Si un enseignant demande à un collègue d’intervenir dans une vidéo, il doit remplir un formulaire et donner son accord pour que la vidéo soit diffusée dans un cadre précis », détaille ainsi Jean-Pierre Berthet, directeur délégué au numérique de l’établissement.

Ce cadrage juridique passa également par une viglance sur le droit à l’image, y compris jusque dans les détails ! « Quand nous avons installé les caméras dans les salles de cours, nous avons fait en sorte qu’elles pointent la scène et le premier rang uniquement. Si un étudiant vient poser une question au professeur à la pause, il sait qu’il sera dans le cadre de la vidéo », énumère Jeff Van de Poël de l’Université de Lausanne.

Seuls les étudiants inscrits au cours peuvent voir la vidéo

Au-delà de la question des droits d’auteurs et du droit à l’image, la mise à disposition de vidéos aux étudiants implique de sécuriser leur accès sur la durée et sur le nombre de personnes pouvant la consulter. À l’Université de Lausanne par exemple, « seuls les étudiants inscrits au cours peuvent voir la vidéo », note Jeff Van de Poël.

Prévoir en amont la durée de vie d’une vidéo

Jean-Pierre Berthet est directeur délégué au numérique de Sciences Po. - © D.R.
Jean-Pierre Berthet est directeur délégué au numérique de Sciences Po. - © D.R.

Combien de temps conserver les vidéos pédagogiques une fois réalisées ? Une question récurrente pour les établissements et qui inquiète certains enseignants craignant d’être remplacés par leurs propres vidéos…

À Sciences Po Paris, seules les capsules vidéos courtes sont conservées. La gestion des capsules s’opère selon la règle suivante :

« Les enseignants sont responsables de leurs contenus. À la fin du semestre, les vidéos sont supprimées sauf celles que les enseignants indiquent vouloir conserver », cite Jean-Pierre Berthet.

Jean-Marie Cognet rappelle le principe de responsabilité numérique et environnementale. En effet, plus on stocke de vidéos disponibles en streaming, plus le coût en énergie est important. « Certains établissements conservent leurs cours deux ans puis les suppriment. Les capsules courtes qui expliquent des notions peuvent être gardées plus longtemps car leur contenu a toujours la même valeur », nuance-t-il.

Quels sont les prérequis pour déployer des capsules vidéos ?

L’équipement : outils de captation, studios, caméras…

Depuis l’an dernier, la plupart des établissements du supérieur ont investi dans des outils de captation vidéo. « Nous avons déployé plus d’un million d’euros au niveau technique car nous ne disposions pas d’amphithéâtres pour faire du live. Nous avons essayé d’uniformiser les dispositifs pour mettre en place des captations en synchrone ou asynchrone », détaille ainsi Sandrine Karam de l'Université de Limoges.

À Sciences Po Paris, « nous sommes montés en puissance en passant de quelques amphithéâtres équipés pour la captation avant la crise sanitaire à 130 salles équipées pour faire et enregistrer de la visio », souligne Jean-Pierre Berthet.

Jeff Van de Poël travaille au centre de soutien à l’enseignement de l’Université de Lausanne en Suisse. - © D.R.
Jeff Van de Poël travaille au centre de soutien à l’enseignement de l’Université de Lausanne en Suisse. - © D.R.

Certains établissements vont encore plus loin. En investissant dans des caméras 4K permettant une retranscription d’événements avec une très bonne qualité d’image par exemple ou dans des studios d’enregistrement.

« Nous avons installé trois studios Ubicast que les enseignants peuvent utiliser de manière autonome. 150 capsules professionnelles ont été réalisées sur fond vert. Les enseignants ont été accompagnés dans l’écriture des scripts », témoigne ainsi Jeff Van de Poël pour l’Université de Lausanne.

Le stockage : dans une infrastructure interne ou en externe dans un cloud

Enfin, qui dit vidéo dit stockage ! L’utilisation de capsules vidéos pédagogiques même courtes, impacte de fait les réseaux et nécessite davantage de bande passante…

Jean-Marie Cognet a créé UbiCast en 2007 avec deux camarades d’école. - © D.R.
Jean-Marie Cognet a créé UbiCast en 2007 avec deux camarades d’école. - © D.R.

Tous les intervenants de ce webinaire s’accordent donc sur la nécessité de travailler avec tous les services des universités - et particulièrement avec la direction des systèmes d’information - lors de l’augmentation des capacités vidéos de l’établissement.

La DSI pourra choisir de stocker les vidéos en interne ou en externe sur le cloud d’Ubicast. « Quand les vidéos sont sur l’infrastructure de nos clients, nous disposons d’une solution de backup », précise le co-fondateur et CEO d’UbiCast.