La mue programmée des services de santé
Par Isabelle Cormaty | Le | Expérience étudiante
Après plusieurs mois de concertations, la ministre de l’enseignement supérieur a présenté le 13 octobre la réforme des services universitaires de santé étudiante. Ces derniers s’ouvriront à partir de 2023 à tous les étudiants, vont élargir leurs missions et bénéficier de moyens financiers supplémentaires.
En première ligne durant la crise sanitaire pour soutenir les étudiants malades et ceux souffrant de l’isolement. Mobilisés pour l’organisation des multiples campagnes de dépistage et de vaccination. Les services de santé universitaires ont repoussé leurs limites ces deux dernières années. Ce contexte particulier a mis en lumière la question criante de leurs moyens et de leur organisation, différente d’un établissement à l’autre.
Après une concertation de plusieurs mois, la ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche, Sylvie Retailleau a annoncé le 13 octobre une vaste réforme qui prévoit la transformation des services de santé universitaires (SSU) en services universitaires de santé étudiante (SSE). Plus qu’un changement de nom, le texte modifie et renforce le rôle de ces services…
Ouvrir les services de santé à tous les étudiants
« Les services de santé universitaire ont une force, ils sont au plus près des lieux d’études, il faut la préserver. Pour autant, ils ne touchent pour l’essentiel que les étudiants des universités où ils sont établis. Il est temps d’en faire des services de santé étudiante, au sein des universités, pour en ouvrir l’accès à l’ensemble des étudiants, d’où qu’ils viennent », déclare la ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche lors d’un séminaire de l'Association des villes universitaires de France, à Montpellier.
Alors qu’avait été évoqué durant la concertation un possible rattachement des services de santé aux Crous, Sylvie Retailleau les maintient dans le giron des universités. L’association France Universités salue dans un communiqué publié le même jour « une réforme souhaitée depuis de nombreuses années ».
« La santé est au cœur des missions de la vie étudiante des universités. Elle renforce par ailleurs la dimension partenariale de la santé étudiante grâce à l’inscription des SSE dans le paysage sanitaire des territoires, au sein d’une politique partagée avec les Agences régionales de santé (ARS), les Caisses primaires d’assurances maladie (CPAM), les collectivités territoriales et le réseau des œuvres universitaires et scolaires », explique l’association regroupant les présidents d’université.
Élargir les missions des services de santé étudiante
Comme recommandé par l’Inspection générale de l’éducation, du sport et de la recherche (Igésr) dans son rapport rendu en octobre 2021, les services de santé seront donc incités à signer des conventions avec les établissements qui en sont dépourvus. Et le principe d’une consultation de prévention obligatoire pour les étudiants de première année est remplacé par des rendez-vous à destination des publics cibles (en situation de handicap, étrangers…).
La réforme des services de santé élargit aussi leurs missions, organisées autour de trois axes : la prévention, l’accès au soin et la veille sanitaire. Dans le projet de décret , validé en Conseil national de l’enseignement supérieur et de la recherche (Cneser) le 11 octobre et en attente de publication au Journal officiel, figurent des thématiques prioritaires pour les SSE, comme la prise en charge de la santé mentale, la santé sexuelle, les addictions et la nutrition.
L’objectif de cette réforme est de :
- réaffirmer la responsabilité de l’établissement d’enseignement supérieur d’assurer la protection médicale de ses étudiants ;
- définir les missions communes à tous les services et prévoir la possibilité d’organiser une offre spécifique ;
- créer une composition élargie du conseil de service qui intègre les partenaires et les usagers dans une approche de démocratie sanitaire territoriale ;
- contribuer à assurer la surveillance médicale particulière des étudiants sportifs de haut niveau.
Des moyens financiers supplémentaires
Cette réforme s’accompagne d’une hausse des moyens financiers alloués aux services de santé. La loi de finances 2023, débattue en ce moment au Parlement, prévoit 8,2 millions d’euros supplémentaires via le programme 231 consacré à la vie étudiante. « Un effort conséquent pour améliorer collectivement les actions de prévention et de soin de nos jeunes, qui sont le présent et l’avenir de notre pays », souligne Sylvie Retailleau.
Ces crédits serviront notamment à la revalorisation salariale des personnels de ces services et aux recrutements de médecins ou de directeurs de centre.
Le rôle des directeurs de SSU en question
Si la réforme des services de santé étudiante clarifie et renforce ces entités, un point reste flou : celui du rôle des médecins-directeurs de ces services non précisé dans le projet de décret. Le rapport de l’Igésr et celui de Laurent Gerbaud, le président de l’Association des directeurs des services de santé universitaires (ADSSU) invitaient tous deux les présidences d’université à nommer un conseiller santé étudiante.
Une concertation sur la vie étudiante
La réforme des services de santé étudiante s’inscrit dans une concertation plus globale sur la vie étudiante qui sera lancée à l’automne par les recteurs d’académie, en coordination avec le ministère de l’enseignement supérieur.
Ces concertations porteront « sur la santé évidemment, pour notamment voir comment réorganiser [les SSE] au regard des nouveaux moyens et des besoins du territoire, mais aussi sur le logement, pour lequel il est impossible de faire sans les collectivités territoriales, le sport, la culture et la vie associative ».