Réinventer l’aménagement des espaces d’apprentissage et de travail post-Covid
Par Marine Dessaux | Le | Expérience étudiante
La Covid n’a pas seulement bouleversé le quotidien des établissements : elle a impacté les comportements et les mentalités. Désormais, sur leur campus, les usagers recherchent de la convivialité comme de la distance, des espaces où se sentir en sécurité et qui offrent de la flexibilité. Que ce soit du côté des enseignants, des étudiants ou de celui des personnels Biatss, les attentes évoluent et l’environnement doit s’adapter.
C’est le cœur de métier de Steelcase, au-delà de la conception de mobilier : l’aménagement des espaces d’apprentissage comme de travail. La société, qui s’adresse notamment aux établissements d’enseignement supérieur, a réalisé une enquête sur les nouveaux besoins des usagers du campus post-Covid, en termes d’aménagement des espaces. Zoom sur ses apprentissages et retour d’expérience de l’ICN business school qui vient d’inaugurer un learning center* d’un nouveau genre.
Des espaces sécurisants et flexibles : les nouveaux enjeux de l’aménagement post-Covid
Faire remonter le niveau d’engagement
« Les personnes s’essoufflent à distance, certaines écoles sont restées complètement en virtuel et les étudiants n’ont plus l’habitude de se lever tôt le matin, venir sur le campus… Le taux d’engagement et de productivité a baissé de 11 % en France, selon une étude internationale menée par Steelcase », témoigne Sandrine Cardinale, directrice du développement commercial.
Et, cette fatigue et lassitude sont accentuées par le fait d’être mal installés. Si certaines entreprises ont investi dans le confort de leurs salariés à domicile, « dans l’enseignement, les budgets ne sont pas les mêmes, les étudiants et personnels sont donc souvent à la maison, avec les aménagements qu’ils ont », poursuit-elle.
Dans un contexte de retour à la normale après l’été, il faudra « déployer des efforts pour motiver les gens, leur donner envie de revenir et pour cela, faire en sorte que les lieux soient intéressants, attractifs », souligne Sandrine Cardinale.
Une inversion des tendances dans les espaces de travail
Steelcase discerne cinq besoins fondamentaux post-Covid : le sentiment d’appartenance ; la productivité ; le confort ; le contrôle et, avant tout, la sécurité.
« Les étudiants vont avoir besoin de se sentir en sécurité et de pouvoir instaurer des distances, souligne Sandrine Cardinale. Or, ce sentiment est très diffus, si nous voulons que les étudiants reviennent, il faut que les efforts dans ce sens soient visibles. »
En termes d’aménagement, les efforts intègrent divers éléments :
- Un équilibre entre espaces individuels et collectifs : « Il faut des espaces où les personnes vont pouvoir se recentrer sur eux-mêmes et d’autres où ils pourront se retrouver collectivement où garder plus de distances », dit Sandrine Cardinale.
- Être plus flexible : « On se rend compte qu’il y a un besoin important de fluidité, de flexibilité. Dans une salle de classe fixe, on ne peut pas distancier facilement les élèves. Il faut trouver le bon mix entre fixe et fluide », décrit Sandrine Cardinale.
- Porter une attention spécifique à l’alliance entre les outils travail physique et à distance.
- Tenir compte du volume d’étudiants et de leurs mouvements. « Il faut prendre en compte que tout le monde n’a pas le même besoin en termes de bien être et donc penser une multitude d’espaces », précise Sandrine Cardinale.
Ainsi, c’est tout un paradigme qui va être bouleversé : alors que la tendance était aux grands espaces de travail ouverts, les fameux open spaces, « désormais, la donne va changer : on va vouloir s’isoler, se mettre dans une petite cabine pour travailler et faire des réunions dans de grands espaces ».
L’étude de Steelcase
Au mois de mars 2020, Steelcase a annoncé une étude dédiée aux impacts de la crise sanitaire sur les façons de travailler. Une recherche menée auprès de dix pays dont la France, le Canada, le Royaume-Uni, les Etats-Unis et l’Allemagne. « Nous avons interrogé 30 000 personnes et c’est 8 000 espaces de travail qui ont été analysés », témoigne Sandrine Cardinale. Pour télécharge le rapport d’étude internationale de Steelcase, qui est la synthèse de huit études primaires consacrées à l’impact de la pandémie de Covid-19 sur le travail, c’est ici.
Des chantiers pendant la crise sanitaire… mais qui doivent prévoir l’après
Parmi les établissements qui ont décidé d’aménager leurs espaces récemment : l’ICN business school, la Burgundy School, Kedge Marseille… Toutes ces grandes écoles privilégient la création d’espaces de collaboration, permettant un travail par projets, qui soient donc flexibles et reconfigurables.
« Ce sont des projets qui, pour certains, ont commencé un peu avant la crise sanitaire, mais qui ont évolué pendant. On retrouve une volonté commune d’apprendre aux étudiants à travailler avec les autres, à développer leurs soft skills pour leur avenir professionnel », détaille la directrice du développement commercial de Steelcase.
Il s’agit alors pour Steelcase d’adapter ses propositions. « Quand nous dessinons des espaces, nous expliquons à nos clients ce qu’ils pourront y faire dans un contexte normal et comment, pendant la pandémie, le même espace pourra être utilisé, mais avec une capacité de personnes moindre », dit Sandrine Cardinale.
Les établissements du supérieur pensent leurs espaces pour les dix ans à venir
Elle précise néanmoins que les projets sont conçus sur le long terme et donc plutôt pensés pour un contexte hors pandémie : « Les établissements du supérieur pensent leurs espaces pour les dix ans à venir, il faut que le mobilier serve maintenant, mais qu’il soit suffisamment évolutif pour être pérenne ».
En effet, les mesures sanitaires imposent non seulement une jauge réduite, mais un sens de circulation déterminé, une aération, des distanciations spécifiques… Autant de critères que la flexibilité des espaces peut permettre d’optimiser, mais qui obligent une certaine limitation de la mobilité des usagers.
Attendre le retour à la normale ou engager des chantiers maintenant ?
En pleine crise sanitaire, alors que le futur est encore incertain, la question du lancement des réaménagements et de leur direction se pose. « L’année dernière, il y a eu des ralentissements, des chantiers ont pris du retard. Certaines écoles ont préféré attendre, mais, aujourd’hui, beaucoup le regrettent, surtout les écoles de commerce qui sont très compétitives. La crise ayant duré, elle est devenue le nouveau normal : il faut que les projets continuent, ne pas se laisser abattre », argumente Sandrine Cardinale.
À ICN business school, la création d’un learning center en faisant abstraction de la Covid
« Avec la crise sanitaire, nous n’étions pas jouasses parce que nous étions dans un carcan… Nous sommes arrivés chez Steelcase avec une envie et une soif de liberté totale, on voulait que rien ne se mette sur notre chemin. La Covid, on en a marre ! Ce sentiment a en partie impacté nos choix pour la création de Station A », se remémore Hervé Gaudin, directeur délégué au marketing et à la communication d’ICN business school.
La couleur est annoncée : si la Covid a joué un rôle dans l’aspect final du learning center imaginé par le directeur délégué au marketing et sa collègue, Marie-France Clerc-Girard, professeure associée stratégie et manager de la Station A, les restrictions sanitaires ne sont pas entrées en ligne de mire pendant sa conception. En dehors de quelques exceptions, le bâtiment est pour l’heure « inoccupé à cause de la Covid19 », rapporte Hervé Gaudin - mais s’apprête à voir de premiers groupes en jauge réduite investir les lieux à la rentrée.
Une bibliothèque sans livre, une salle de cours à roulettes : une nouvelle approche favorable à « rencontrer l’autre et à changer de posture »
Le centre d’apprentissage d’ICN répond néanmoins aux nouvelles attentes des usagers : toujours et encore de la flexibilité. Et pour cela, quoi de mieux qu’un mobilier entièrement amovible, grâce à des roulettes, dans une salle de cours ?
« J’ai testé cette salle lors d’un séminaire : j’ai été chercher des tableaux, roulé sur mon siège et les étudiants ont fait pareil. Le mobilier nous aide à rencontrer l’autre et à changer de posture », témoigne Marie-France Clerc-Girard.
D’ailleurs, ces nouvelles postures vont être étudiées : « L’objectif est de faire évoluer les choses. Nous cherchons en ce moment des moyens d’analyser les comportements dans ce sens. Dans un premier temps, nous allons définir les différentes postures et fixer des critères qui nous permettront notamment d’évaluer l’étudiant », décrit Marie-France Clerc-Girard.
Un espace original, avec des lieux de connectivité et sans connectivité, des espaces créatifs où l’on peut être assis comme debout, des bureaux non individuels pour encourager la transdisciplinarité chez les personnels… Et qui a convaincu le président du BDE qui s’est exclamé : « J’ai hâte de revenir au mois de septembre pour étudier dans la Station A », rapporte Hervé Gaudin, touché. Preuve, s’il en est, qu’un espace réinventé peut motiver les étudiants à réinvestir leur campus, à la rentrée !
*Centre d’apprentissage